▪ Depuis le 1er janvier 2011, les minières or et argent sont à la peine. Dans le même temps, l’once d’or gagnait jusqu’à 25% en euro. Aujourd’hui encore, en dépit de la consolidation en cours, l’or affiche une performance insolente de +18% alors que l’indice minier, le XAU (le Philadelphia Stock Exchange Gold & Silver Sector créé en janvier 1979) est dans le rouge avec une contre-performance de près de -25%.
Essayons de comprendre ensemble l’origine de cette importante divergence entre le prix du métal jaune et celui des minières qui l’extraient.
Dans ce genre de situation la démarche logique est, en premier lieu, d’aller jeter un oeil sur les historiques de prix.
Le prix est le résultat très concret des conflits entre l’offre et la demande ; ses évolutions expriment donc le pouls de l’entreprise ou de la matière première cotée. Pour avoir un recul suffisant je vous propose de retenir l’indice Barron’s Gold Mining Index (ou BGMI), publié par le magazine éponyme depuis 1938. Encore aujourd’hui Barron’s propose chaque semaine une cotation de son indice. En effectuant un rapprochement entre le BGMI et le XAU, j’ai découvert que ces deux indices étaient quasi identiques. Le BGMI est donc un bon candidat pour avoir ce recul long terme indispensable.
Il est généralement acquis dans le petit monde des investisseurs que les minières et l’or évoluent de façon synchrone. La réalité confirme que les prix de l’or et ceux du BGMI sont corrélés ; la corrélation s’établit à 87% exactement. Mais le fait qu’ils soient corrélés ne veut pas dire qu’ils évoluent toujours en même temps ni qu’ils progressent selon le même taux de croissance, d’autre part.
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▪ Or ou minières, qui performe le mieux ?
Depuis 1968, la progression du prix de l’once d’or en dollar américain est largement devant celle de l’indice BGMI. Je retiens 1968 pour cette comparaison car avant 1968 le prix commercial de l’or était aligné sur le poids d’or définissant la valeur du dollar (1oz =35$). Ce n’est qu’à partir de mars 1968, après la dissolution du pool de l’or (London Gold Pool), que le prix commercial de l’or a commencé véritablement à fluctuer librement. Avant cette date il ne serait donc pas logique de tenter une comparaison.
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Le même constat est fait en prenant cette fois comme point de départ le sommet historique de l’or en 1980 ou bien encore le plus bas du prix de l’or en 2000. Si j’avais pu intégrer les dividendes dans le BGMI (données que je n’ai malheureusement pas) l’écart serait en partie comblé — mais en partie seulement.
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Néanmoins ces deux zooms nous livrent quelques enseignements intéressants :
– les minières ont consolidé plus profondément que le prix de l’or pendant la longue période qui a suivi l’euphorie de 1980 ;
– de 2000 à 2008, la performance de l’indice minier (en bleu donc) a largement éclipsé celle du prix de l’or. Les investisseurs se sont mis à croire dans la surperformance du secteur minier vis-à-vis du métal lui-même ;
– la consolidation de 2008 a fait perdre presque tout le bénéfice de son avance au BGMI alors que le prix de l’or est resté sur une progression à peu près constante jusqu’à aujourd’hui.
▪ Quelles conclusions tirer de la comparaison de l’or et du BGMI ?
Tout d’abord que la performance des minières est, sur le long terme, synchrone mais inférieure au prix de l’or. Ensuite, et sur les court et moyen termes, la volatilité des minières est telle qu’il est indispensable, pour réaliser des performances acceptables, d’arbitrer régulièrement ses positions. Je sais que la théorie du buy and hold — stratégie « achetez et conservez » fondée sur l’idée que, sur le long terme, les marchés financiers délivrent un bon rendement malgré les périodes de forte volatilité — reste encore profondément ancrée dans le néocortex de certains investisseurs lobotomisés par les années fastes d’avant 2000.
Néanmoins, la cruelle réalité des chiffres est là pour démontrer que cette théorie ne tient absolument pas la route.
Depuis 30 ans, beaucoup d’efforts ont été développés pour travestir l’économie en science exacte. Les événements de ces dernières années ont permis aux plus réticents de réaliser que l’économie restait définitivement un compartiment des Sciences Humaines.
Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises du 18/05/2012.