La Chronique Agora

Mieux vaut mort que vivant (1)

Par Bill Bonner (*)

Les dieux se moquent de nous. C’est certain. Ils se demandent où nous pensons trouver l’argent nécessaire pour rembourser tous les renflouages, relances et autres sauvetages. Nous nous posons la même question. Plus encore… nous nous demandons pourquoi se donner tant de mal. La Bulle Epoque était grotesque et absurde. Pourquoi tenter de la ressusciter ?

Lorsque Ronald Reagan s’est installé à la Maison Blanche, la dette américaine totale atteignait 168% du PIB. Les 27 années suivantes portèrent le total à 370% ; on accueillit cela comme un triomphe du système anglo-saxon de la libre entreprise, mais cela laissa les gens avec 27 000 milliards de dollars de dettes supplémentaires. A présent, le système économique qui a créé des boulets si pesants et des chaînes si longues est hospitalisé — surveillé par des charlatans, tandis que la majeure partie du monde prie à son chevet.

On peut expliquer ce modèle en quelques phrases simples : d’abord, encourager les gens à dépenser. Lorsqu’ils se retrouvent à court d’argent, les encourager à emprunter. Lorsqu’ils se lassent d’emprunter et de dépenser, leur prêter plus, à des taux plus bas.

Comme moyen de construire de la richesse, le modèle économique de la Bulle Epoque était aussi inefficace qu’un mauvais banquier. C’était l’école économique "le beurre et l’argent du beurre", avec un défaut évident. Les gens s’en sont aperçu lorsque la correction a commencé. Ils sont allés voir dans leurs placards et ont réalisé qu’il n’y avait rien dedans. Les propriétaires — qui avaient lourdement emprunté en s’appuyant sur leurs maisons — se sont rendu compte que la valeur de leur propriété avait disparu. Les capitalistes ont réalisé qu’ils n’avaient pas de capital. Les travailleurs ont perdu leur travail.

Et cette année, les recettes fiscales s’effondrent aussi. Aux Etats-Unis, elles sont en baisse de 14% sur la première moitié de l’exercice fiscal. Les dépenses, en revanche, explosent. Cela entraîne une question : les gouvernements doivent emprunter sur une échelle herculéenne — mais à qui ? Les Etats-Unis sont censés émettre le chiffre record de 2 000 milliards de dollars de reconnaissances de dettes en 2009 — soit environ 15% du PIB. Si le ralentissement persiste, comme cela a été le cas au Japon, on pourrait voir la dette nationale américaine grimper aux niveaux nippons — près de 200% du PIB.

A Londres, les chiffres sont plus petits, mais le calcul est le même. Le gouvernement projette des déficits de 175 milliards de dollars sur les deux prochaines années. Et cela pourrait n’être qu’un début. Si les déficits continuent à ce rythme, la Grande-Bretagne pourrait se retrouver elle aussi dans les années 50 — après deux guerres mondiales, et une dette publique à deux fois le PIB national. Ce n’est guère mieux en France, où le déficit public devrait dépasser les 100 milliards d’euros en 2009.

Qu’est-ce qui justifie de tels sacrifices ? En temps de guerre, les citoyens recyclent le métal… vendent leurs bijoux… et achètent des obligations d’Etat — tout cela pour contribuer à payer les balles et garder l’Alsace et la Lorraine. Mais aujourd’hui ? Les gens s’attachent aux chevilles des fers encore plus lourds… et pour quoi ? Apportant des fleurs dans la chambre d’hôpital, ils regardent le modèle de la bulle comme on regarde un ami fatigué… "Il nous a tous aidés", dit un parent anxieux… "Nous devons faire tout notre possible pour le sauver".

"Débranchez-le", conseillons-nous.

Nous verrons la suite dès demain…

Meilleures salutations,

Bill Bonner
Pour la Chronique Agora

(*) Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Publishing, maison-mère des Publications Agora aux Etats-Unis. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450 000 lecteurs), il intervient dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning. Il est également l’auteur des livres L’inéluctable faillite de l’économie américaine et L’Empire des Dettes.

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