Les autorités et les économistes appliquent des théories qui se révèlent fausses : comment leurs remèdes pourraient-ils alors être efficaces ?
La semaine dernière, Powell a réaffirmé que les milliers de milliards qui étaient injectés seraient retirés de la circulation dans le futur. Bien entendu, c’est un mensonge – comme celui de Bernanke, qui promettait que le bilan de la Fed se dégonflerait à moins de 1 000 Mds$ alors qu’il était à 4 000… et que nous sommes à 7 000 Mds$ aujourd’hui !
Comme l’a dit Lawrence Summers en 2009, « il faut toujours promettre que l’on sera rigoureux à […] moyen terme, aussi bien en matière monétaire que budgétaire ».
L’inflationnisme en tant que doctrine monétaire est un aller simple. On ne peut jamais revenir en arrière – au contraire, chaque vague de création de monnaie doit être supérieure aux précédentes pour cinq raisons :
– loi universelle des rendements décroissants, car l’effet d’apprentissage produit des fuites ;
– la masse de dettes qu’il faut soutenir pour empêcher l’effondrement a progressé, donc il faut encore plus de béquilles pour soutenir l’édifice branlant ;
– les besoins de liquidités pour masquer l’insolvabilité sont encore plus grands car au lieu de se réduire, le leverage – l’effet de levier par la dette –, ne cesse de progresser dans le système ;
– le dépareillement spéculatif entre le long et le court et le désajustement du risque ne font que croître ;
– le niveau de valorisation des marchés financiers étant encore plus vertigineux, il faut bétonner, cimenter pour déjouer la gravitation.
Accès de fragilité
Chaque accès de fragilité réclame plus de ciment monétaire. Au fil du temps, la qualité de la construction économique se dégradant, la consommation de ciment monétaire devient exponentielle.
La question centrale que plus personne ne se pose est la suivante : comment se fait-il qu’avec toutes ces politiques d’inflation monétaire, il n’y ait pas de hausse des prix des biens et des services ?
Anna Schwartz, la complice et co-auteur de Milton Friedman, était persuadée en 2009 que les QE allaient déclencher de la hausse des prix façon Weimar : il n’en a rien été. Elle s’est totalement trompée – comme s’était trompé Milton avant elle et comme s’est trompé Bernanke.
Les politiques quantitatives ne provoquent pas plus de hausse des prix des biens et services et de croissance que ne le font les baisses des taux ! Les baisses de taux ne sont pas stimulantes, elles sont au contraire un signe de l’enracinement déflationniste – mais les augmentations de taille du bilan de la banque centrale, elles non plus, ne sont pas inflationnistes !
Rien de tout cela n’est favorable à la hausse des prix et de la croissance.
L’enchaînement japonais n’a pas lieu
L’enchaînement décrit par Milton Friedman en 1998 parlant du Japon, cet enchaînement ne se produit pas.
« La réponse est simple : la Banque du Japon peut acheter des obligations d’Etat sur le marché libre, en les payant avec de la monnaie ou des dépôts à la Banque du Japon, ce que les économistes appellent l’argent à haut pouvoir. La plus grande partie du produit finira dans les banques commerciales, augmentant leurs réserves et leur permettant d’augmenter leurs engagements par des prêts et des achats sur le marché libre. »
Milton s’est trompé. Contrairement à ce qu’il pensait, cet argent sorti de la planche à billets n’a jamais produit les effets espérés. Ce n’est pas de l’argent à haut pouvoir multiplicateur – non, c’est de l’argent mort, zombie. Il ne va que chez les morts, c’est-à-dire alimenter le cimetière du pseudo-capital que constitue le marché financier.
La monnaie que croient créer les banques centrales n’est pas de la vraie monnaie, ce sont des jetons de casino ou des jetons de Monopoly qui alimentent le jeu boursier ! Le pouvoir monétaire de cette pseudo-monnaie est faible, le multiplicateur de l’argent à haut pouvoir est très faible, quasi-nul.
Tel est le constat que l’on peut faire à la fois de 30 ans de stagnation japonaise et de 12 ans de marasme post-2008 !
Alors si les expériences répétées ne donnent jamais les résultats espérés, c’est que les théories qui guident les expériences sont fausses – c’est-à-dire que les théories monétaires sont fausses, et que lorsque Friedman en 1998 conseillait au Japon d’augmenter la quantité de monnaie, il se trompait…
… Tout comme Jerome Powell se trompe encore aujourd’hui.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]