La Chronique Agora

Méditation sur une quarantaine

Neuf mois en résidence « forcée » du côté des Andes : qu’est-ce que Bill Bonner a pu en faire… et qu’en a-t-il retenu ?

Cette semaine, notre quarantaine – longue de neuf mois – prend fin. Nous consacrons quelques instants à y réfléchir et nous demander : où est passé tout ce temps ?

Nous vous avons inclus, cher lecteur, dans cette aventure… Nous espérons donc que cela ne vous dérangera pas si nous passons les deux prochains jours à tenter de comprendre. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Qu’est-ce que cela a donné ? Qu’avons-nous appris ?

Pour en arriver directement à la conclusion…

Nous avons découvert ce que c’était que de gérer un grand complexe d’agriculture/élevage dans un pays difficile et aride… avec un taux d’inflation à 50%… durant une épidémie.

Rien, dans notre carrière de 50 ans, ne nous y avait préparé.

Nous avons aussi découvert que sans cafés, restaurants ou boutiques… sans soirées en ville, télévisions et théâtres… sans routes goudronnées… chauffage centrale… coiffeurs… ou visites chez le docteur… nous avons pu vivre l’un des épisodes les plus plaisants de notre existence.

Nous avons aussi découvert que les gens – effrayés par les médias et guidés par les politiques publiques – sont encore plus fous que nous le pensions.

Nous allons commencer par tout vous dire, cependant – vous pourrez ensuite tirer vos propres conclusions.

Opération Warp Speed

Nous sommes arrivé en Argentine en mars, alors que le monde remontait ses pont-levis et fermait ses portes. La peste noire ravageait la planète.

Thucydide a décrit la peste qui a frappé Athènes en 430 av. J.C.

2 450 ans plus tard, les dirigeants politiques – qui connaissent sans doute bien leurs classiques – ont pris Thucydide comme un avertissement… et ont fermé boutique.

Ils ne savaient pas que la « peste » qui a rendu visite au monde en 2020 n’avait absolument rien de commun avec celle vécue par Thucydide.

Un Athénien sur quatre environ y a succombé – les jeunes aussi bien que les vieux, les forts aussi bien que les faibles… y compris Périclès lui-même. Le coronavirus, en revanche, a tout juste égratigné la population mondiale, sans parler de la réduire.

De nombreux chefs d’Etat – dont Donald J. Trump en personne – ont attrapé la maladie tant redoutée. Pas un seul d’entre eux n’y a laissé la vie.

Début 2020, 7,6 milliards d’âmes respiraient sur la planète Terre. A la fin de cette année d’épidémie, si on ajoute les naissances et qu’on soustrait les morts, près de 7,7 milliards font encore partie des vivants.

Ce n’est vraiment pas une « peste tueuse ». C’est plutôt un virus particulièrement vicieux… qui cabriole dans les maisons de retraite comme de vigoureux vikings dans un couvent.

Malgré cela, début mars, les commentateurs prévoyaient un amoncellement de cadavres. On a ordonné des confinements… de nouveaux hôpitaux dédiés… des housses mortuaires… et un vaccin !

Aux Etats-Unis, on a appelé cela « opération Warp Speed » [« vitesse de la lumière », NDLR.]. Elle ressemblerait au projet Manhattan… fournissant une bombe qui sauverait l’humanité en temps record.

Du temps sans fin

Tel était la situation lorsque nous avons atterri à l’aéroport de Salta le 13 mars, inconscient de la folie à venir.

A peine avions-nous passé la sécurité que l’aéroport était fermé et les frontières scellées… Le lendemain, la police se présentait chez nous, nous intimant l’ordre de rester chez nous.

Cela s’est révélé n’être pas du tout un problème. Notre maison est séparée du monde extérieur par une rivière qui, en cette saison, ne pouvait être traversée que par une passerelle.

Quel délice ! Se retrouver dans cet endroit magnifique… avec assez à manger et à boire (nous avions une réserve de notre propre vin – 40 caisses restant des précédentes vendanges)… une connexion internet… des livres… des instruments de musique… et se voir ordonner de rester là par les gendarmes !

C’était comme être naufragé sur une île déserte… et se rendre compte que l’endroit était un paradis tropical.

Nous imaginions de longs après-midi d’indolence, à lire sur la terrasse… des soirées prolongées, un verre de vin à la main, à contempler la rivière… les pâturages… et le bétail.

Des journées calmes… la solitude… et du temps, du temps, du temps…

Du temps pour se rappeler et du temps pour oublier… Du temps pour faire les choses pour lesquelles nous n’avions jamais assez de temps – lire Thucydide… apprendre l’espagnol… jouer des tangos au piano. Du temps pour parler… et pour écouter.

Certes, nous avons eu beaucoup de temps. Neuf mois, même – bien plus que ce que nous attendions.

Mais le temps a passé si vite… où est-il allé ?

A suivre…

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