La Chronique Agora

Une mauvaise année qui commence bien en Bourse

Bourse, automobile, crise, krach

L’année 2023 devrait être très mauvaise pour l’économie, nous affirment des experts, et l’état du marché de l’automobile semble le prouver. Pourtant, les marchés actions ont bien monté durant cette première semaine de janvier.

Marc Touati a déclaré que 2023 sera « la troisième pire année pour l’économie depuis 1980 ». La croissance du PIB mondial devrait par exemple atteindre 1% en 2023, soit – hors Covid – sa plus mauvaise performance depuis 2009 (-0,1%), qui était alors un plus bas depuis 1982 (0,5%).

L’ensemble de la Zone euro devrait se contenter d’une croissance d’environ 0%. Cependant, Bercy, optimiste dans sa prévision de Budget 2023, estime que la France devrait afficher 1%, suivant ainsi l’exemple des Etats-Unis (alors que nos voisins allemands affichent une baisse de 0,1%).

Emmanuel Macron se montre un peu moins ambitieux pour l’année à venir, affirmant : « On va passer de 2,5 % de croissance à 0,5% ou 0,7 % en 2023. »

J’avoue que j’ai du mal à croire à ces 2,5% mesurés très officiellement par l’Insee en 2022, mais notre institut de la statistique est formel. Notre croissance est soutenue par les relocalisations de la production (pas de chance, les ateliers et les usines reviennent sur notre sol quand les coûts énergétiques explosent) et un boom des investissements « verts ».

Un secteur sinistré

Ces derniers seraient majoritairement consacrés au tri, au recyclage et au renouvellement du parc automobile (basculement vers les véhicules « zéro émission »).

Soit. Mais sur ce point, j’ai un sérieux doute, puisque, selon les toutes dernières données du PFA (la Plateforme automobile qui agrège l’activité de 4 000 entreprises du secteur automobile), les immatriculations ont chuté de 7,83% en France à fin 2022 (soit 1,529 million de véhicules vendus, contre 2 millions en 2019 et 2,3 millions en 2009). Il s’agit du pire niveau observé depuis 1975.

C’est toutefois moins catastrophique qu’à l’issue du premier semestre : les ventes s’effondraient alors de 14% en Europe selon l’ACEA (l’Association des constructeurs européens) avec une chute de 16,3% en France et de 22,7% en Italie, le fief de Fiat (seules les ventes de Ferrari continuaient de progresser, celles de Maserati se maintenant à flot).

L’état du marché de l’automobile n’est pas le seul indicateur que quelque chose ne va pas dans les prévisions de croissance : cliquez ici pour lire la suite.

Sorti du segment « grand luxe » et « supercar », les acheteurs de véhicules « citadins » sont pris en étau entre la hausse des taux (doublement du coût d’un crédit auto) et la hausse du prix de vente moyen des différents modèles : 8,6% selon la Fédération des constructeurs.

La baisse en volume atteint les 33% depuis fin 2019 : c’est pire que la contraction observée de 1974 à 1978, en pleine crise du pétrole… car les conducteurs frappés au portefeuille par le doublement du prix du plein de carburant s’étaient rapidement tournés vers des motorisations moins gourmandes.

En Europe en 2022, les ventes de véhicules diesel ont chuté de pratiquement 31%, les « essences » de 14%… et ce n’est pas compensé par la progression des hybrides (71,5%), les hybrides rechargeables (89%) et les électriques (46%) car, en termes de ventes cumulées, cela représente 162 000 unités, soit 10% seulement de la production totale des constructeurs.

Certains s’en sortent mieux

Sur la période 2019/2022, avec l’effondrement du diesel, le déficit cumulé d’immatriculations approche les 2 millions d’exemplaires… mais tous les constructeurs ne sont pas affectés de façon comparable.

Les ventes de Stellantis ont plongé de plus de 14% par rapport à 2021 (la marque premium DS est la plus touchée), celles de Renault de 6,66%. Symétriquement, celles de Toyota sont en hausse de plus de 2,6%, Ford de 7,6%, et Tesla s’installe sur la plus haute marche du podium avec une hausse de 10,55%.

Mais Tesla a peut-être mangé son pain blanc, car le doublement du coût d’une recharge rapide sur l’autoroute va en refroidir plus d’un : l’électrique a cessé de constituer une économie en Europe, le plein de kilowatts revenant souvent aussi cher qu’un plein de sans plomb, à autonomie équivalente.

Le calcul de l’amortissement sur une Tesla a bien changé en 2 ans. Nous concédons que l’acheteur d’une Tesla modèle X – un pur marqueur social – ne se préoccupe guère d’amortir son véhicule et ne s’émeut guère si une recharge « flash » en 35 minutes lui coûte 100 €.

Ce qui en revanche risque d’indisposer l’heureux possesseur d’une Tesla, c’est d’apprendre que le prix de vente a encore été abaissé en Chine, et que cela précède souvent un ajustement tarifaire en Europe ou aux Etats-Unis.

Et si les prix baissent en Chine, c’est parce que les ventes ne sont pas à la hauteur des attentes, mais également parce que les coûts de fabrication baissent, alors qu’ils augmentent fortement en Europe (à l’usine de Berlin). Autrement dit, Tesla, ainsi que d’autres constructeurs européens, vont avoir tout intérêt à produire en Chine et à exporter vers l’Europe.

Mais tout va bien !

Et ce raisonnement ne vaut pas que pour l’automobile ; tous les secteurs de l’industrie sont concernés.

C’est bien pourquoi les prévisions de croissance en France ou de stagnation en Allemagne (qui, sur le papier, se refuse à basculer dans un scénario de récession) ne sont tenables que si les coûts de l’énergie demeurent aussi bas que ceux observés depuis Noël et début janvier.

Les marchés semblent déjà faire le pari que les cieux resteront cléments : le CAC 40 a gagné 6% durant sa première semaine de l’année et teste les 6 900 points. C’était pourtant l’objectif d’ici fin 2023, si « tout se passait bien » (nous allons bientôt découvrir les résultats du 4ème trimestre et les prévisions des entreprises pour 2023) et que la récession était, comme l’anticipe la BCE, « limitée et temporaire ».

Et oui, 6% de gagnés en cinq séances : elle démarre fort cette « troisième pire année pour l’économie depuis 1980 » !

Nous voici partis sur les bases de la meilleure performance boursière annuelle de tous les temps. Qu’est-ce que nous aurions vu si Marc Touati avait anticipé 5% de hausse du PIB ?

Dans notre prochaine chronique, nous rentrerons un peu plus en détail dans les perspectives sectorielles, et notamment l’automobile, ce qui sera l’occasion d’alimenter le débat : « Les e-véhicules… révolution verte ou imposture complète ? »

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