Par Ingrid Labuzan (*)
Les fonds de couverture ont massivement investi dans les matières agricoles début 2008. En effet, ces actifs étaient réputés décorrélés des marchés actions et les fonds cherchaient à se prémunir contre un éventuel retournement de ces derniers. Ils ont contribué à la flambée des cours.
Pour éviter d’être pris dans une spirale spéculative, privilégiez plutôt les fournisseurs de grains ou les fonds composés d’un panier de softs. Après avoir perdu 50% en six mois, le GSCI Agriculture, indice des matières agricoles, a regagné 20% en deux mois, en début d’année.
Certaines matières se reprennent mieux que d’autres. Tour d’horizon de celles qui pourraient connaître les plus belles hausses. Depuis le début de l’année, deux matières — le sucre et le cacao — affichent leur bonne forme.
** Le sucre frôle ses plus hauts, à environ 14 cents la livre, car sa production pourrait être déficitaire pour la première fois en trois ans. Les investisseurs y prennent des positions longues, signe qu’ils anticipent une hausse.
A surveiller : la remontée des cours du pétrole, favorable à l’éthanol. Le sucre pourrait également profiter de la sortie de crise car, quand les populations s’enrichissent… elles mangent plus gras et plus sucré. Gautier Le Molgat, d’Agritel, modère pourtant cet optimisme : "les capacités de production restent bonnes, et il est facile d’augmenter la production en cas d’explosion de la demande."
** Le cacao est le soft qui résiste le mieux dans cette crise, avec un renchérissement de son cours de 66% à Londres en 2008 et de 31% à New York. Pour la troisième année consécutive, l’offre va être déficitaire, la question se posant simplement sur l’ampleur de ce déficit. Selon l’Organisation internationale du cacao, la production mondiale devrait décliner de 5% cette année.
En revanche, la question de la demande reste en suspens : ces années de croissance régulière vont-elles résister à la crise ? L’augmentation du prix de ces matières pourrait se poursuivre, mais le risque d’être au plus haut devient important. Les plus aventureux regarderont du côté des matières bon marché dont la situation pourrait se retourner.
** Le maïs a été l’une des meilleures récoltes de 2008, avec des stocks reconstitués. Pourtant, ces stocks ne représentent que 80 jours de réserves de consommation, sachant qu’à partir de 70 jours la situation commence à se tendre. Déjà, les Etats-Unis ont annoncé une révision à la baisse de leurs stocks de fin de saison et des exportations en hausse de 38%. Dans ces conditions, la mise en application des mesures de Barack Obama relatives aux biocarburants pourrait faire bondir les cours, diminuant encore les quantités destinées à l’alimentation.
Gautier Le Molgat croit à une forte hausse du cours du maïs l’année prochaine, tout comme Benjamin Louvet : "le président américain a décidé d’augmenter la part des agrocarburants incorporés dans l’essence utilisée au quotidien. En effet, nous pouvons consommer ce type de carburant sans pour autant changer de voiture. Aujourd’hui, la part d’éthanol incorporée dans l’essence est de 10%. Elle devrait être de 12% l’année prochaine, soit 20 millions de tonnes de maïs, en plus des 100 millions déjà affectés aux agrocarburants. Et, pour 2020, l’objectif est de 20%." Or, les Etats-Unis restent les premiers producteurs et exportateurs de maïs au monde, leur production étant presque le double de celle du numéro deux, la Chine.
** Si le cours du maïs explose, l’heure sera venue de se tourner vers le blé, dont les stocks sont en progression. Il bénéficiera d’un double phénomène : il servira de produit de substitution ; les producteurs le délaisseront au profit du maïs, dont le cours flambe, entraînant des tensions sur la production.
** La situation du soja est encore un peu floue, mais il pourrait repartir à la hausse. Il a été favorisé dans les plantations américaines de l’automne. Mais la sécheresse en Argentine est venue remettre en question la production ainsi que les derniers chiffres des plantations de printemps aux Etats- Unis. Attendues en hausse de 4,5%, elles sont finalement égales à celles de 2008. De plus, les exportations explosent : durant la seule semaine du 9 mars, elles "se sont envolées de 400%, selon l’United States Department of Agriculture. La Chine, plus gros importateur net de soja, ne parvient pas à reconstituer ses stocks s’il ne s’appuie que sur ses seuls producteurs locaux", explique Isabelle Mouilleseaux dans L’Edito Matières Premières & Devises.
Tous ces oléagineux et ces céréales pourraient être l’objet de hausses à court terme. A moyen terme, les matières premières agricoles bénéficieront de la disparition des aides aux agriculteurs telle que la PAC. Dès 2013, les coûts de production vont devenir de plus en plus élevés. Seule issue possible, alors, pour les agriculteurs : augmenter les prix de vente.
A cela s’ajouteront des progressions inévitables à long terme : en 2050, il y aura neuf milliards de personnes à nourrir sur Terre, alors même que la surface des terres cultivables ne s’accroîtra pas en proportion. Neuf milliards de personnes dont le niveau de vie devrait — normalement — s’améliorer. Ce qui signifie manger plus, s’alimenter mieux. A court, moyen ou à long terme, les softs représentent donc un investissement avec un bon potentiel de hausse.
[NDLR : Et pour transformer ce potentiel en profits, suivez notre expert des matières premières… il suffit de continuer votre lecture !]
Meilleures salutations,
Ingrid Labuzan
Pour la Chronique Agora
(*) Journaliste, Ingrid Labuzan est titulaire d’une maîtrise d’histoire, d’un master d’European Studies du King’s College London et d’un mastère médias de l’ECSP-EAP. Spécialisée sur le traitement de l’information et des médias étrangers, elle a vécu et travaillé pendant six mois à Shanghai. Elle a contribué à de nombreuses publications, dont le Nouvel Observateur Hors-série. Elle rédige désormais chaque jour la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.