La Chronique Agora

Les marchés ont la conviction que la BCE fera tout pour éviter une réédition du scénario catastrophe de l’été 2011

▪ Je viens de rentrer de Chine ce jeudi et plus précisément de Hong Kong où j’ai décollé avec un typhon qui pointait à l’horizon et des orages déjà solidement installés sur les pourtours de la baie de l’ancienne concession britannique.

Douze heures plus tard, tous les vols étaient annulés… comme à chaque fois en de pareilles circonstances.

Les typhons sont prévisibles : Hong Kong en affronte trois ou quatre chaque année… mais jamais trois ou quatre en 15 jours !

Chacun rentre chez soi pour 24 ou 48 heures… les commerçants et les hôtels tirent les volets en fer… on protège les entrées de métro afin qu’elles ne soient pas envahies par les eaux des pluies torrentielles… les commerces de rue se réfugient dans les sous-sols… En revanche, personne sur place n’affiche le moindre signe de stress !

Seuls les touristes s’inquiètent de ne pouvoir effectuer toutes les excursions prévues au programme ou de devoir rester bloqués sur place 48 heures de plus que prévu — en attendant que le trafic aérien revienne à la normale.

Quel rapport avec les marchés qui s’emballent à la hausse avec de belles promesses de la BCE ou des dirigeants européens ?

Le dossier grec toujours en stand-by
Eh bien, les marchés font volontiers semblant de considérer que les paroles de nos élites sont aussi efficaces contre la faillite de l’Espagne ou de l’Italie que des rideaux de fer anti-tempête face aux débris de toute nature arrachés par les cyclones.

Souvenons-nous à quel point les belles paroles furent efficaces dans le dossier grec… qui n’est toujours pas réglé à ce jour. La seule question en suspens concerne désormais le modus operandi de sa sortie de la Zone euro.

Vu depuis la Chine, il ne fait aucun doute que si l’affaire traîne depuis décembre 2009, c’est que l’Europe l’accompagne –maladroitement — vers la sortie, en tâchant (vainement) de limiter la facture finale.

Si une région chinoise avait connu le même genre de déboires financier que la Grèce, l’Occident ne l’aurait jamais su. On aurait éventuellement appris que quelques dirigeants locaux avaient été mutés ou limogés et qu’un nouveau programme d’investissements dans de grands projets immobiliers ou miniers avait remis l’économie locale sur les rails.

▪ Des tours vides et un milliard de laissés-pour-compte
Avant de me rendre en Chine, j’avais entendu parler de forêts de centaines de tours de 36 à 50 étages totalement inoccupées la périphérie des grandes villes.

Information partiellement exacte. En effet, elles sont entièrement vides depuis des mois et souvent même plusieurs années après leur achèvement… mais leur nombre total se chiffre en milliers.

Rien que dans les banlieues de Pékin et Shanghai, il existe suffisamment d’appartements vacants pour combler le déficit de logement d’un pays comme le nôtre.

En imaginant un petit coup de pouce fiscal, la plupart des Français auraient les moyens de les acquérir — sauf en ce qui concerne Paris intra muros et des banlieues proches de la Défense — mais en Chine, c’est encore très loin d’être le cas.

Et si le gouvernement chinois décidait — dans un grand élan de solidarité envers le milliard de laissés-pour-compte de la croissance — d’attribuer ces centaines de milliers de logements à des travailleurs disposant de faibles revenus (contre un loyer symbolique), comment se rendraient-ils sur leur lieu de travail ?

Il n’existe pas de réseaux de transport en commun pour les acheminer vers les centres-villes ou les zones industrielles.

Si la solution était l’achat d’une voiture individuelle, le réseau routier des principales grandes villes serait totalement saturé en quelques mois.

Les embouteillages de Londres ou Paris aux heures de pointe ? Une plaisanterie: c’est l’équivalent du trafic aux heures creuses à Pékin !

Il existe déjà des restrictions extrêmement sévères sur les ventes de voitures à Pékin et Shanghai. Le nombre de plaques d’immatriculation est désormais limité à 1 pour 50 demandes dans certains quartiers.

A Shanghai, où les plaques se vendent au plus offrant, il n’est pas rare que leur prix soit supérieur à celui du véhicule (selon le degré d’urgence de la demande).

Pour un numéro comportant des chiffres porte-bonheur comme le 6 mais surtout le 8 et le 9, comptez l’équivalent de plus de 10 000 euros. Pour un 888 ou un 999 comptez plus de 100 000 euros. Pour un 8989 ou un 6666… no limit !

Et pour en terminer par une dernière référence à la Chine, le niveau des actions à Paris ou en Europe ne reflète plus depuis fin juillet la moindre valeur économique.

▪ Les marchés croient en une intervention de la BCE
Plus les fondamentaux se dégradent, plus les cours montent. C’est normal puisque les marchés misent agressivement sur le put BCE — il s’agit de la conviction que la banque centrale fera tout pour éviter une réédition du scénario catastrophe de l’été 2011.

Le cours de Bourse, c’est juste un prix d’affichage à la chinoise. Ce n’est qu’une série de chiffres sur une étiquette… jusqu’à ce qu’une véritable négociation s’engage.

Et il n’est pas rare que le prix affiché s’avère 10 fois supérieur à celui espéré par le vendeur. Si vous obtenez 91% de rabais, vous avez fait une bonne affaire (le vendeur était pris à la gorge) ; si c’est 85%, vous vous êtes soit fait avoir par les simagrées du commerçant, soit vous étiez pris par le temps (comme un détenteur de turbo qui voit se rapprocher la barrière désactivante).

Autrement dit, avant qu’une première véritable transaction soit conclue, le commerçant –ou le gérant d’un fonds actions — peut prétendre que la valeur de son stock correspond effectivement au prix affiché multiplié par le nombre d’articles en réserve.

Il suffit que deux négociants s’échangent un montant équivalent de produits facturés au tarif pour les gogos et les voilà dotés d’une solide garantie aux yeux d’un banquier peu regardant — ou auquel le gouvernement a demandé des fermer les yeux.

Nous sommes dans un marché à la chinoise depuis fin juin. Nous alignons une sixième semaine de hausse consécutive à Paris, avec un test des 3 500 points à la clé vendredi matin — où ce qui vaut 10 vaut indifféremment 20, 50 ou 100 au tableau d’affichage… jusqu’à ce que quelqu’un ait vraiment besoin d’argent pour régler son fournisseur.

Ou pour faire face à un défaut de paiement de la Grèce ou de l’Espagne… ou pour rembourser la banque centrale.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile