La Chronique Agora

Les marchés doutent de la Fed

La Fed s’apprête à mettre en route un nouveau round de relance monétaire : aura-t-il vraiment les effets escomptés ?

Nous n’avons jamais rencontré Eddy Elfenbein. Il se décrit comme étant « un esthète… [et] un raconteur » ; nous sommes certain que nous l’apprécierions.

Voici ce qu’il tweetait lundi dernier :

 « Il y a 90 ans aujourd’hui, le Dow Jones Industrial Average atteignait un pic de 381,17. Au 8 juillet 1932, il avait chuté à 41,22 – une dégringolade de 89%. L’indice ne clôturerait plus à un nouveau sommet avant le 23 novembre 1954 – 25 ans après son plus haut. »

Merci de nous le rappeler, M. Elfenbein. Les cycles financiers peuvent être longs et implacables.

Mais ça, c’était avant. De nos jours…

Avec internet en pleine forme… et des banquiers centraux à qui on a lâché la bride… le Dow Jones n’a mis que six ans à se remettre du krach des dot.com de 2000… et cinq ans pour surmonter la crise financière de 2008-2009.

A présent, les autorités espèrent se remettre de la prochaine crise avant même qu’elle ne commence !

Toujours plus cher, toujours moins efficace

Jerome Powell, président de la Réserve fédérale, déclare que « son défi consiste désormais à appliquer ce que la politique monétaire peut faire pour soutenir l’expansion ».

Que peut vraiment faire la politique monétaire ? Chaque sauvetage monétaire devient plus cher et moins efficace.

Entre 2000 et 2007, il a fallu environ 15 000 Mds$ de dette US, publique et privée – de 240% du PIB à 340% du PIB – pour remettre le Dow à ses sommets de 1999. Dans l’ensemble du monde, la dette a augmenté de 34%.

Nous ne sommes jamais allé à Harley, dans l’Illinois. Mais la presse rapporte que la pauvre petite ville a dû licencier des policiers et des pompiers en activité afin de respecter ses engagements envers ses policiers et pompiers à la retraite.

C’est ainsi que la dette fonctionne. L’argent doit être retiré du présent et de l’avenir pour payer pour le passé. Plus il y a de dette, plus la croissance ralentit… et plus la pauvreté s’aggrave.

Lors du sauvetage suivant, 2009-2019, la dette a grimpé plus encore. Sur l’ensemble de la planète, elle a plus que doublé, se développant cinq fois plus vite que le PIB.

Aux Etats-Unis, les autorités ont dépensé 3 600 Mds$ en assouplissement quantitatif, 10 000 Mds$ en relances budgétaires (déficits) et 1 700 Mds$ en baisse d’impôts. Elles proposent aussi des taux négatifs (après inflation) depuis près de 10 ans.

Pourtant, tout cela nous a donné la reprise la plus anémique de l’histoire des Etats-Unis. L’économie s’en est trouvée si faible et si monstrueusement déformée qu’elle a besoin d’injections constantes de dette toute fraîche rien que pour rester en vie.

L’inflation ou la mort

Oui, cher lecteur, c’est là l’une des choses que nous avons apprises. Lorsqu’on gonfle une économie à coups de crédit bon marché (dette)… il faut continuer à pomper, sans quoi elle s’effondre.

« L’inflation ou la mort », a résumé Richard Russell.

C’est pour cette raison que Jerome Powell, Donald Trump et les autres sont aussi désespérés. Ils doivent injecter toujours plus d’inflation (plus de crédit… plus d’argent… plus de dette) simplement pour empêcher l’économie de se dégonfler avant la prochaine élection.

Le président en appelle à une baisse de 100 points de base pour le taux directeur de la Fed, par exemple.

Les investisseurs commencent à se poser des questions, cependant : si des taux bas sont une si bonne idée, comment se fait-il que le Japon et l’Europe soient en encore moins bonne forme que les Etats-Unis ?

Et si l’on pouvait vraiment renforcer une économie en réduisant les taux d’intérêt, comment se fait-il que les Etats-Unis aient encore besoin d’aide – après quasiment une décennie de taux négatifs (en termes réels) de la part des banques centrales ?

Bloomberg :

« Les investisseurs indiquent de plus en plus clairement qu’ils ne sont pas prêts à ‘acheter’ les politiques de stimulation de l’inflation que vendent les banques centrales, certains s’inquiétant même que les relances puissent faire plus de mal que de bien.  

La baisse des attentes concernant la croissance des prix à la consommation, le plongeon des taux obligataires et l’aplatissement de la courbe des rendements signalent tous que le doute grandit, sur les marchés financiers, quant au fait que les décideurs monétaires aient ce qu’il faut pour regonfler leurs économies et éviter une récession mondiale. ‘L’échec quantitatif’ arrivait au sommet des inquiétudes des investisseurs dans un sondage Bank of America Merrill Lynch le mois dernier. »

A la Chronique, il faudrait un temps fou pour faire la liste des choses que nous ignorons. Le nombre de choses que nous savons est minuscule, en comparaison.

Cependant, nous ne nous donnons pas la peine de nous demander si payer les gens pour emprunter est une bonne idée… ni si plus de dette améliorera vraiment l’économie.

Nous connaissons la réponse à ces questions.

Nous ne nous demandons pas non plus si les autorités peuvent empêcher une nouvelle crise : la réponse à cela est aussi « non ».

Cette semaine, nous parcourons la courte liste de choses que nous pensons savoir ; certaines d’entre elles pourraient être importantes.

Des illusions naïves

Nous avions deux gros avantages lorsque nous avons commencé à poser des questions.

Pour commencer, nous étions déjà âgé de plus de 50 ans – avec abondance d’expérience dans le domaine des affaires et de la finance.

Deuxièmement, partant de nulle part, nous avions l’avantage d’être libre des bagages idiots que les économistes se traînent. Nous pouvions regarder le monde sans sottises universitaires… et sans les illusions naïves d’une jeunesse inexpérimentée.

La semaine dernière, nous avons vu la leçon n°1 : une économie ne peut jamais être pleinement comprise, modélisée ou contrôlée. Comme nous l’avons compris plus clairement des années plus tard, toutes les politiques publiques conçues pour améliorer l’économie sont des escroqueries.

La richesse ne vient pas du gouvernement. Elle doit être gagnée… par le dur labeur, l’auto-discipline, des informations détaillées et uniques (non les informations généralisées utilisées par les planificateurs centraux) et la chance.

Quant à la mesure d’une entreprise – le prix de son action et sa valeur en capital –, il s’agit de la quantité de richesse qu’elle produira.

Ainsi, le boom des dot.com de la fin des années 1990 semblait factice. Peut-être que certaines des entreprises new tech gagneraient de l’argent ; la plupart d’entre elles y échoueraient probablement.

Il n’était pas facile de différencier les deux, cependant.

Nous avons vu Amazon.com dépenser des fortunes pour obtenir des clients, par exemple. Son modèle commercial était basé sur le fait de vendre moins cher que ses concurrents. En perdant de l’argent sur chaque vente, AMZN espérait compenser grâce au volume.

Nous l’appelions « la Rivière sans Retour ».

Le modèle commercial d’Amazon était défaillant. Mais on pourrait financer tout un musée avec l’argent que nous avons perdu en ayant raison sur ce point.

Vingt ans plus tard, la grande rivière ne gagne toujours pas d’argent sur son activité de vente au détail. Ses activités de cloud computing et de vente d’information, en revanche, sont devenues profitables – et l’entreprise s’est révélée être l’un des meilleurs investissements de tous les temps.

Leçon n°2 : personne ne sait rien.

Tout comme l’économie est trop complexe pour être contrôlée, les marchés sont trop capricieux pour être prévisible.

Tout ce que l’on peut faire – et encore, ce sera « dans un miroir, obscurément » –, c’est repérer les extrêmes.

On y parvient en analysant les prix en termes des deux mesures les plus immuables et les plus fiables sur Terre : le temps et l’or.

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