La Chronique Agora

Marchés boursiers, la fête continue ?

banques centrales

▪ Si l’on en juge par l’envolée du mois d’octobre, le marché boursier est revenu là où il aurait dû être, c’est-à-dire en mode rally. Chouette ! Tout ce qu’il fallait pour que la fête continue : une autre réduction des taux en Chine, une autre assurance "quoi qu’il en coûte" de la part de Mario Draghi et une explosion des bénéfices de certains géants technologiques.

Nous semblons donc être revenus exactement là où nous étions il y a sept ans : plus d’assouplissement de la part des banques centrales entraîne une plus grande folie boursière, et les rachats d’actions et les "bénéfices surprises" augmentent encore plus les valorisations boursières.

Mais dernièrement deux éléments ont changé :

– L’expansion chinoise stagne. La demande insatiable de la Chine en matières premières et en capitaux a alimenté le moteur de l’économie mondiale pendant sept longues années. A présent qu’elle diminue, il n’existe pas de demande économique/financière équivalente pour la remplacer.

Les revenus des 90% les moins aisés du monde développé stagnent/déclinent

– Les revenus des 90% les moins aisés du monde développé stagnent/déclinent. L’hypothèse de base des politiques monétaires des banques centrales depuis 2008 (assouplissement quantitatif, etc.) était que le revenu des ménages augmenterait lorsque l’économie reprendrait, ce qui aurait permis plus de consommation/endettement des ménages.

Cela ne s’est finalement pas avéré : pour plusieurs raisons structurelles, les revenus de 90% des ménages les moins aisés ont en fait diminué depuis 2000 lorsque ajustés avec l’inflation officielle.

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"L’effet de richesse" consistant à booster les marchés actions et les marchés obligations à risque a été très limité. La seconde hypothèse de base des politiques monétaires des banques centrales depuis 2008 était que la hausse des actifs financiers (actions, obligations et immobilier) "se propagerait" aux ménages qui réagiraient en empruntant et en consommant plus.

En fait, les actifs des 90% les moins aisés ont été siphonnés par les krachs de 2000-2002 et 2008-2009 et dans beaucoup de cas n’ont jamais été retrouvés.

▪ Supercheries et problèmes structurels
Nombreux parmi les 90% les moins aisés ont décidé de ne plus jouer leur argent sur les marchés boursiers après avoir été échaudés par la bulle internet. Par conséquent, ils ont raté les gains extraordinaires des sept dernières années.

Pour beaucoup de ceux qui ont voulu profiter de la bulle immobilière des années 2000-2008 et qui ont contracté de grosses hypothèques, la reprise des prix de l’immobilier a au mieux restauré leur capital mais ne les a pas enrichis (à l’exception de ceux qui ont pu acheter à Manhattan, dans l’ouest de Los Angeles, à San Francisco, etc., où les prix sont aujourd’hui supérieurs aux plus hauts de 2007).

Des millions de ménages qui ne possèdent pas de maison dans ces marchés très attractifs (et relativement petits) sont soit encore sous l’eau (ils doivent plus que ne vaut leur maison après commissions et frais de clôture), soit leurs fonds propres sont si limités qu’ils ne créent pas "d’effet richesse".

Aucun des problèmes structurels à l’origine de la crise financière mondiale de 2008 n’est à ce jour résolu

Aucun des problèmes structurels à l’origine de la crise financière mondiale de 2008 n’est à ce jour résolu. Je ne parle pas des opérations bancaires risquées ou des pratiques de prêts frauduleuses, aussi destructives qu’elles aient été. Je parle des données démographiques qui ont remis en questions tous les fondements financiers des retraites, la hausse des dépenses de santé (si l’on estime qu’environ 750 millions de baby-boomers vont prendre leur retraite et auront besoin de plus de soins médicaux – 75 millions rien qu’aux Etats-Unis), la hausse irrésistible de l’automatisation qui remplace le travail humain, les catastrophes environnementales dissimulées et non résolues — la liste est longue.

La supercherie du pétrole que j’ai souvent décrite a fait son temps. Alors que la demande s’effondre, les producteurs de pétrole n’ont pas d’autre choix que de continuer à produire pour rembourser leurs dettes ou financer le coût de leur programme de sécurité sociale. Cela établit une disparité entre l’offre et la demande qui fait baisser les prix de l’énergie, vidant les budgets des exportateurs de pétrole et écrasant leur monnaie.

La question qui se pose est donc : le marché boursier peut-il complètement ignorer ces changements et continuer à monter en puissance sur les promesses fumeuses de Mario Draghi et une nouvelle réduction des intérêts en Chine ? A un moment ou à un autre, la réalité reprendra ses droits, le rally hystérique se calmera et la folie boursière finira en pleurs et en grincements de dents.

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