Les marchés n’ont qu’un seul soutien : la création monétaire des banques centrales. Lorsque celle-ci s’arrêtera, l’argent retournera de là où il est parti : au néant.
Holà !
Le Bitcoin a augmenté de 1 457 $ depuis le début du mois. Au moment où je rédige ces lignes, il se négocie à 5 670 $.
Regardez l’indice Dow Jones : il est en route vers les 23 000 points.
Sans parler de ces chères valeurs technologiques : Facebook, Apple, Netflix, Amazon, Google, Tesla, Snap, etc.
Amazon – surnommée « La Rivière sans retours » – ne cesse de nous étonner.
Elle a privé les revendeurs traditionnels de bénéfices – et contribué à la faillite de dizaines de petits commerçants – sans générer aucun bénéfice elle-même.
Le cours de l’action Amazon continue d’augmenter. Il a progressé de près de 35%, cette année, et dépasse les 1 000 $.
Le pari de la reflation
Quel est le moteur de tout cela ? D’où vient tout cet argent ?
Certainement pas de la croissance économique. La croissance du PIB américain pourrait atteindre les 2% cette année.
Comme nous l’avons déjà vu, les ultimes grandes avancées technologiques n’ont rien fait pour doper les salaires, la production ou la productivité : tous ces chiffres sont médiocres.
Alors, d’où vient cette pression à l’achat ? De la politique ?
A la veille de l’élection de Donald Trump, il y a près d’un an, l’indice Dow Jones a chuté à 17 400 points. Puis, lorsque les votes ont été comptabilisés et annoncés, il a promptement bondi de 254 points.
« Wall Street ne craint pas Donald Trump », titraient les journaux le jour suivant.
Depuis, c’est la lune de miel : et les actions grimpent, grimpent, grimpent. L’indice Dow Jones dépasse aujourd’hui les 22 000 points… et peut-être les 23 000 demain.
Pourquoi ?
C’était censé être le « pari de la reflation ».
« Le Donald » était censé réduire les impôts et augmenter les dépenses publiques. L’activité était censée prospérer avec moins de réglementation et une diminution de la fiscalité des entreprises.
Par rapport à tout cela, seule l’augmentation des dépenses s’est produite. Le budget du Pentagone a augmenté. Rien d’autre.
L’inflation des prix à la consommation – mesurée par le Bureau of Labor Statistics – demeure en-dessous des prévisions… et de l’objectif de 2% fixé par la Fed.
Tout en dissimulant sa déception, Janet Yellen, présidente de la Fed, a déclaré qu’elle poursuivrait son projet de relèvement progressif des taux d’intérêt à court terme et qu’elle déferait le QE (assouplissement quantitatif) en réduisant la valeur des obligations qui figurent à son bilan.
Si elle suit ce plan… et que d’autres banques centrales lui emboîtent le pas (comme elles ont tendance à le faire)… la bulle pourrait bien rencontrer l’aiguille tant attendue.
Car pour autant que nous puissions en juger, le marché haussier ne puise son soutien ni dans la croissance économique… ni dans le miracle technologique… ni dans la politique.
Mais plutôt dans les liquidités et le crédit mis à disposition par le bras financier du Deep State : les banques centrales.
« Tout ce qu’il faudra »
Il y a trois ans, la Fed a cessé son programme de QE – selon lequel elle a acheté des obligations d’Etat à des établissements privés en échange d’argent fraichement émis.
Mais d’autres banques centrales ont persisté…
La Banque centrale européenne (BCE) continue d’acheter 60 Mds€ (71 Mds$) d’obligations d’Etat et d’entreprises chaque mois, conformément à son programme de QE. Elle a également enfoncé ses taux à court terme en territoire négatif.
Selon son programme de QE, la Banque du Japon a absorbé jusqu’à 40% de toutes les obligations d’Etat japonaises et – c’est à vous couper le souffle — 71% de tous les ETF japonais.
Normalement, il y a un écart important – ou spread — entre le rendement que vous obtenez en prêtant au gouvernement américain (le crédit le plus sûr du monde) et celui que vous obtenez en prêtant à des sociétés dont la note de crédit est médiocre (et dont le risque de défaut de paiement est relativement élevé).
Selon l’Indice Bank of America Merrill Lynch Euro High-Yield, en 2008, les investisseurs exigeaient un rendement de 25% pour accepter d’acheter les junk bonds européens.
Ils savaient que bon nombre des sociétés européennes les moins bien notées auraient du mal à régler leurs dettes. Mais à présent… près de 10 ans plus tard… leurs craintes ont été noyées sous un flot de liquidités.
Ce matin encore – avec Mario Draghi, président de la BCE, à la pompe, et son fameux « Tout ce qu’il faudra » – vous pouviez gagner un modeste 2,2% sur les junk bonds européens et 2,3% sur un titre du Trésor à 10 ans.
Autrement dit, certaines obligations les plus risquées du monde sont plus chères que les obligations les moins risquées du monde. Allez comprendre !
L’aiguille et la Bulle
Nous supposons que la BCE a injecté énormément d’argent sur le marché obligataire pour faire grimper les cours et diminuer les rendements.
Mais l’Europe n’est pas le seul endroit où l’endettement est incontrôlé et les marchés sont désordonnés. La Chine fait la course avec les Etats-Unis, le Japon et l’Europe pour voir qui va exploser en premier.
Et c’est la Chine qui gagne !
Depuis 2009, la dette chinoise a triplé, passant de 9 000 Mds$ à 27 000 Mds$. Cette tendance ne montre aucun signe d’essoufflement. Au contraire, le Fonds monétaire international dit qu’elle va doubler à nouveau au cours des cinq prochaines années, pour passer à 54 000 Mds$.
A notre avis, l’aiguille et la bulle se seront rencontrées avant. Mais ce que nous soulignons aujourd’hui, c’est que les cours des actions et obligations américaines ne sont pas fermement agrippés à l’austère rocher des chiffres d’affaires et des bénéfices.
Au contraire, ils se déhanchent aux mêmes rythmes et boivent le même champagne que les indécrottables junk bonds européens et les promoteurs immobiliers chinois qui sont dans une impasse.
Même aux Etats-Unis, le taux directeur de la Fed est à 1,15%. Or le Bureau of Labor Statistics indique que les prix augmentent selon un taux annuel de 2,2%.
Cela signifie que les institutions privilégiées peuvent toujours emprunter à un taux représentant la moitié de celui de l’inflation. Le taux d’intérêt directeur réel (corrigé de l’inflation) est négatif depuis si longtemps que les marchés financiers baignent dans les liquidités et le crédit. Désormais, cela s’apparente à de la pluie qui tomberait sur un toit, à la recherche d’un trou d’évacuation.
Les liquidités n’ont pas de passeport. Elles vont là où la musique résonne et l’alcool coule à flots. Mais lorsque la bulle éclatera et que la fête sera finie (ce qui va forcément arriver), elles repartiront « là d’où elles sont venues » : dans le néant.