La Chronique Agora

Manifestations et scandales

Mark Rutte, manifestation, Pays-Bas, azote

Si certains dirigeants politiques sont déjà partis ou sur le départ depuis quelques jours, d’autres pourraient suivre assez rapidement.

Nous l’avons vu hier, la valse des dirigeants politiques peut être relativement pacifique, comme avec l’éviction de Boris Johnson, Premier ministre britannique poussé vers la sortie à la suite de multiples scandales. Ou bien plus violente, comme avec la fuite du président sri-lankais, Gotabaya Rajapaksa, dont le palais a été attaqué par des centaines de milliers de citoyens en colère, protestant entre autre contre l’inflation et les pénuries causées par ses politiques désastreuses.

Mais un autre pays connaît lui aussi une situation insurrectionnelle, en ce moment. Comme au Sri Lanka, des routes y sont bloquées et les supermarchés y sont de plus en plus vides.

Il s’agit des Pays-Bas : parce que les autorités veulent également limiter l’usage des engrais azotés pour la production céréalière et réduire fortement le cheptel laitier dans les « fermes-usines » (beaucoup d’émissions de méthane, gaz à effet de serre notoire, une consommation d’eau colossale – certes elle ne manque pas – mais qu’il faut dépolluer).

Faits aggravants

Depuis plusieurs semaines, des dizaines de milliers d’agriculteurs bloquent le pays, pour les raisons précédentes et parce que le gasoil est trop cher. Ils rejettent des directives européennes et les Néerlandais les soutiennent largement – tout comme les pêcheurs, qui se sont mis à leur tour en grève. La situation pourrait ainsi aboutir au départ du Premier ministre Mark Rutte, au plus bas dans les sondages (aussi bas que Boris Johnson, qui va quitter son poste sous les huées de 70% des britanniques).

Fait gravissime, un policier a ouvert le feu jeudi dernier sur un jeune conducteur de tracteur non armé et qui ne menaçait nullement sa sécurité ni son intégrité physique. Ce dernier n’a pas été touché, mais des impacts de balle ont été relevées sur l’engin.

Cela soulève des questions sur la nature des directives de maintien de l’ordre (par l’ultra-violence et des tirs létaux, comme en novembre 2021 lors des manifestations contre les mesures anti-Covid à Rotterdam ?) émanant des plus hautes sphères de l’Etat néerlandais.

Une directive européenne autorise le recours aux tirs mortels en cas de situation de péril majeur pour la sécurité publique. Elle a été votée – officiellement – pour permettre de riposter face à une action terroriste… mais voilà qu’elle deviendrait un moyen d’intimider des citoyens exerçant leur droit de manifester et d’écraser dans le sang la contestation de l’action d’un gouvernement ou des directives de l’UE ?

Mark Rutte est Premier ministre depuis 12 ans. Il s’était rendu célèbre dès 2010 en lâchant cette phrase demeurée célèbre, tellement elle est pleine d’humanité et donne envie d’être encore plus européen : « Pas un Euro pour la Grèce. »

Les excuses suffiront-elles ?

C’est aussi l’un de ceux qui se sont opposés au plan de soutien européen de 750 Mds€ du tandem Macron/Merkel (qui ont eu gain de cause) durant le plus fort de la crise du Covid.

Mark Rutte est adepte du projet « great reset ». Il a tout de même survécu à pas mal de crises en pratiquant la culture de l’excuse et du revirement politique à 180° (tout comme Boris Johnson : « Oups, désolé, j’avais fait fausse route, excusez-moi, je ne le referai plus »).

Il pourrait encore s’en tirer en expliquant que c’est l’UE qui l’a obligé à prendre des mesures impopulaires alors que lui est de tout cœur avec les agriculteurs !

Mais cela risque d’être un peu court cette fois, car il a plusieurs fait savoir qu’il jugeait la réduction des engrais nécessaire et ne cèderait rien. Ses capacités d’hypnotiser les foules avec son verbe magique touchent leurs limites.

Vendredi dernier, c’est l’ex-Premier Ministre Shinzo Abe qui devient la première personnalité politique japonaise à être assassinée « à l’américaine ». Les mobiles de son exécuteur ne sont pas clairs au moment d’écrire ces lignes, une expertise psychiatrique devrait permettre de mieux cerner sa personnalité et la rationalité de ses mobiles.

Il a avoué une franche animosité à l’encontre de la formation politique que présidait Shinzo Abe (et son grand-père est celui qui l’avait fondé) mais ne pas avoir de griefs particuliers contre sa victime.

A propos d’expertise psychiatrique, Joe Biden a fait se bidonner (les républicains) ou consterné (les démocrates) en lisant sur son prompteurs les « instructions » concernant la verbalisation de son texte (« fin de la citation », « répéter cette phrase »)… mais il dispose toujours du bouton nucléaire, et c’est lui qui dicte ses quatre volontés aux Européens, avec la collaboration empressée d’Ursula von der Leyen qui veut, elle auss,i « battre la Russie ».

Et un scandale de plus

Pour résumer cette chronique : trois dirigeants partis, ou sur un siège éjectable, ainsi qu’un ancien Premier ministre assassiné, tout ça en l’espace de trois jours… puis, au soir du quatrième jour, éclate le scandale du rôle d’Emmanuel Macron dans l’implantation d’Uber en France.

Que l’on apprécie ou non Uber (inventeur de « l’ubérisation du travail », c’est-à-dire le retour à une forme « smart » et « branchée » de l’esclavage), le problème n’est pas là : Uber se serait offert des influenceurs proches de l’ex-ministre de l’Economie, notamment Nicolas Bouzou (qui a fait durant des mois l’apologie de Macron sur les chaînes de BFM où il était devenu omniprésent), les députés de sa majorités se seraient vus proposer un projet de loi « clé en main » (supervisé par Bercy) favorisant les ambitions de la firme de Travis Kalanick (une série en forme de biopic peu flatteur est d’ailleurs actuellement diffusée sur Canal+).

En d’autres termes, Emmanuel Macron aurait énormément épaulé Uber, bien au-delà de ce qu’aucun ministre de l’Economie de la Vème République ne s’était jamais autorisé à faire (lui-même ou ses services de Bercy ont participé à pas moins de 17 rendez-vous pour mettre au point tous les détails – y compris législatifs – de l’implantation du groupe en France).

La question que beaucoup de monde se pose : quel intérêt personnel avait-il à s’impliquer à ce point pour une entreprise perdant beaucoup d’argent (elle en perd toujours), visée par plusieurs enquêtes pour fraude fiscale et ayant la réputation de subvertir le modèle social des pays où elle opère ?

En a-t-il tiré des avantages personnels, au-delà de renforcer son image d’un « libéral convaincu » auprès des milieux d’affaires ?

Ne pouvait-il se contenter de son implication décisive dans la cession d’Alstom, laquelle a donné lieu à de substantiels commissionnements perçus par des intermédiaires que l’on retrouve parmi les plus généreux donateurs de sa campagne électorale victorieuse de 2017 ?

Avec le scandale McKinsey, cela commence à faire beaucoup d’affaires de conflits d’intérêt potentiels… et ce ne sont peut-être pas les derniers !

Des points communs

Le président va surement devoir s’expliquer… et il ne pourra s’en sortir en balançant un énorme « mytho » comme pour Alstom (il était à peine au courant) ou comme son ministre de l’Intérieur après le scandale de la finale de la Ligue des champions.

Notons qu’il n’y a qu’en France qu’un ministre, accusé de viol, ayant failli et s’étant attiré les foudres de la planète entière – et du Royaume-Uni et de l’Espagne en particulier – pour ses mensonges conserve non seulement son poste, mais se retrouve promu, avec un périmètre étendu !

Donc, pour conclure, je repose la question initiale de ma chronique d’hier : n’est-il pas en train de se passer « quelque chose », comme une sorte de malédiction s’abattant sur des dirigeants de pays de toute première importance, et qui ont un point commun que je vous laisse deviner ?

Un indice… tous ont adopté à un moment des 30 derniers mois écoulés des méthodes à la chinoise (y compris le Japon, mais Shinzo Abe l’a ensuite regretté) : ils ont sciemment foulé aux pieds les libertés les plus fondamentales de leurs peuples, quand ils ne les ont pas ouvertement méprisés ou délibérément « emmerdés ».

Il serait miraculeux que la soudaine éviction (Johnson, Ratapaksa) ou la mise en difficulté (Biden, Rutte, Macron…) d’autant de dirigeants au même moment n’ait aucun retentissement sur les marchés.

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