La Chronique Agora

Manifestations anti-Covid-19 : deux poids, deux mesures

Les conséquences économiques de la crise du Covid-19 sont bel et bien là – et elles créent des tensions dans la population. Les politiques ont une manière étrange d’y réagir…

Les restrictions dans le cadre du Covid-19 créent une récession. Dans mon article de mai je me demandais si les conséquences de la crise économique seront ignorées — eh bien, les derniers chiffres montrent qu’en tout cas, elles sont déjà bien là. Une récession colossale s’annonce, avec une destruction du pouvoir d’achat des consommateurs sans précédent, dans ce siècle en tout cas.

L’Allemagne est souvent portée aux nues pour sa gestion de la pandémie… mais un regard plus approfondi montre que la situation est loin d’être parfaite : des manifestations, notamment, s’opposent à la continuation des mesures de confinement. La plus grande de ces manifestations s’est tenue à Berlin en août dernier.

Selon la police berlinoise, quelque 20 000 manifestants sont descendus dans la rue pour s’opposer aux mesures de « confinement » destinées à empêcher la propagation de Covid-19. L’Allemagne a été louée au niveau international pour sa gestion efficace de la crise, c’est pourquoi la plupart de la classe politique berlinoise a été bouleversée par ces grands rassemblements.

Les protestations ont été organisées et dirigées par Michael Ballweg, entrepreneur en technologie et outsider politique, qui a fondé « Querdenken 711 », un mouvement anti-confinement dans la ville de Stuttgart.

La manifestation de Berlin, la plus importante qu’il ait organisée jusqu’à présent, a attiré des milliers de citoyens qui s’opposent aux restrictions actuelles en matière de voyages et de travail, ainsi qu’à la diminution de leurs droits les plus fondamentaux, y compris leur droit de manifester. Ils en ont été privés lorsque la foule a été contrainte de se disperser par la police pour ne pas avoir respecté les mesures Covid-19.

Quel est le but d’une manifestation ?

Le vice-président du Parlement allemand et politicien libéral démocrate Wolfgang Kubicki a déclaré à la presse qu’il comprenait les manifestants, qu’il a qualifiés de « simplement désespérés car ils ne savent plus pourquoi ces mesures sont mises en œuvre ».

Les images de l’événement ont montré une foule diversifiée d’opposants au confinement (et de contre-manifestants qui, ironiquement, enfreignaient eux aussi les règles de distanciation sociale) – avec également, selon la chaîne européenne Euronews, une « petite » présence d’extrême-droite.

Politico Europe a cité un porte-parole du gouvernement allemand qui a déclaré que « les manifestants avaient abusé du droit constitutionnel allemand à protester, faisant fi des avertissements de santé publique ».

On pourrait souligner que le fait de montrer son opposition à la politique du gouvernement est le but premier d’une manifestation. Nous avons donc une prophétie qui s’est réalisée d’elle-même : l’interdiction opposée aux manifestants contre le confinement… parce qu’ils enfreignent la politique même qu’ils considèrent comme illibérale. Heureusement, les tribunaux allemands n’ont pas apprécié par les vues du gouvernement à Berlin, et n’ont pas cessé de défendre le droit de manifester.

Les politiciens français et allemands sont célèbres pour leur arrogance lorsqu’il s’agit de situations de droits civils à l’étranger. Il ne se passe pas une semaine au Parlement européen sans que ses membres ne réprimandent la Hongrie, la Biélorussie ou la Turquie pour leur bilan de droits de l’Homme.

Cependant, lorsque le droit le plus fondamental – celui de la liberté de réunion et de parole – est exercé, la classe politique change son fusil d’épaule et se moque de ce qu’elle appelle les « Covidiots ».

Curieusement, les manifestations de gauche de la Fête du travail en mai n’ont pas suscité de réaction comparable, pas plus que les manifestations Black Lives Matter le mois dernier.

Dans les deux cas, l’establishment politique n’a eu que du soutien pour les manifestants – qui portaient pourtant rarement des masques et qui n’ont pas respecté la distanciation sociale.

Il semble clair que l’interdiction de la manifestation pour le confinement n’a rien à voir avec le respect des règles contre le Covid-19… et tout à voir avec les priorités politiques des responsables.

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