La Chronique Agora

La Maison-Blanche relance l’offensive tarifaire

Trump durcit le ton, vise les importateurs de pétrole vénézuélien et plonge un peu plus les Etats-Unis dans une stratégie confuse et vouée à l’échec, selon ses propres alliés.

Voici les dernières actualités relayées par Cryptopolitan :

« Le président Donald Trump revient sur son intention d’annoncer de nouveaux droits de douane ciblant certains secteurs le 2 avril, selon un article du Wall Street Journal publié lundi. Si la Maison-Blanche poursuit bel et bien l’instauration de droits de douane dits ‘réciproques’, elle met désormais de côté les mesures plus générales envisagées sur les automobiles, les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs. »

Trump se fait peut-être des illusions, mais il n’est pas fou. Face à la réalité des « tarifs réciproques », il a semblé hésiter. Bloomberg a commenté la situation :

« La prochaine salve tarifaire du président Trump devrait être plus ciblée que les menaces globales brandies par le passé, selon ses collaborateurs. Une précision qui pourrait apaiser les marchés, inquiets d’une guerre commerciale à grande échelle. »

Mais ce répit fut bref. La guerre commerciale vient, en réalité, de se durcir. USA Today rapporte que le capitaine passe désormais à la vitesse supérieure :

« Le président Donald Trump a annoncé lundi que les Etats-Unis imposeraient des droits de douane de 25% sur toutes les importations en provenance de pays qui achètent du pétrole ou de l’essence au Venezuela. Il accuse Caracas d’avoir ‘délibérément et sournoisement’ envoyé des criminels sur le sol américain. »

Comme le tabagisme passif, les mesures douanières secondaires sont en train de présenter un risque pour la santé économique globale.

Tous les grands programmes gouvernementaux depuis la seconde guerre mondiale – la guerre en Corée, au Vietnam, la lutte contre la pauvreté, la drogue, l’Irak, l’Afghanistan, le COVID, l’Ukraine, Gaza, sans parler de dizaines de croisades contre des ennemis parfois imaginaires – ont tourné au fiasco. Ils ont été coûteux, honteux et souvent mortels.

Et aujourd’hui, avec cette longue série d’échecs accrochés au pare-chocs, alors qu’il risque de perdre le contrôle de la Chambre ou du Sénat dans deux ans, on pourrait s’attendre à ce que l’équipe Trump renonce aux distractions inutiles pour se concentrer sur les enjeux réels du pays. Que le Pérou achète ou non du pétrole vénézuélien, cela nous importe peu. Une crise de la dette, en revanche, nous menace réellement. Se détourner de ce problème n’est pas seulement une perte de temps ; c’est potentiellement une condamnation à mort pour l’empire.

Mais au lieu de faire preuve de rigueur et de lucidité pour affronter ce péril majeur, l’administration s’enlise dans ce que le Wall Street Journal a surnommé, à juste titre, « la guerre commerciale la plus stupide de tous les temps ».

Nous avons vu hier que les droits de douane moyens – pondérés selon les échanges – appliqués par les Etats-Unis et leurs principaux partenaires sont faibles et comparables, généralement inférieurs à 2%. Les rendre « réciproques » ne changerait pas grand-chose. Ce n’est qu’en fouillant dans le tissu mou des obstacles non tarifaires que l’on commence à toucher des nerfs sensibles. Et c’est là que la confusion s’installe.

Imaginez que nous fabriquions des chaussures dans une ville, vendues 100 dollars la paire dans une autre. Le cordonnier local y paie ses ouvriers plus cher et doit donc vendre ses chaussures à 110 dollars. Il dénonce une concurrence déloyale : les salaires plus bas sont, selon lui, un obstacle au commerce.

Mais ce même cordonnier bénéficie d’un atelier municipal loué à tarif préférentiel.

Injuste ! Autre détail important : il est subventionné par les autorités locales.

Et ce n’est pas tout. Sa ville, engagée dans la lutte contre le changement climatique, l’oblige à utiliser l’énergie solaire, plus chère que notre charbon. Encore un obstacle non tarifaire, qui joue en sa faveur.

Quel chaos !

La ville voisine décide alors d’imposer un tarif « réciproque », censé compenser les multiples barrières identifiées. Mais voilà que son maire s’offusque : des vandales – prétendument venus de notre ville – ont tagué des graffitis obscènes sur son mur. En représailles, il veut taxer tous ceux qui font affaire avec nous.

Evidemment, tout cela n’est que politique. Et ce n’est pas fini. Nous allons recruter un ancien maire comme « consultant ». Cela coûtera cher. Mais peut-être saura-t-il, en coulisses, faire entendre raison aux membres du conseil municipal.

Le pauvre secrétaire au Trésor, Scott Bessent, est en charge de cette croisade pour des tarifs réciproques. Il est censé pondérer l’ensemble : environnement, coût du travail, subventions, avantages fiscaux… Prions pour lui. Il doit savoir qu’il mène une course perdue. On ne peut pas vraiment comparer les économies d’énergie avec les bénéfices d’une main-d’oeuvre mieux formée (et formée aux frais de l’Etat !).

Et la sécurité nationale, alors ? Si nous laissons une autre ville produire nos chaussures, que porterons-nous quand nous serons en guerre contre elle ?

A la fin, ou lorsque les historiens se pencheront sur le sujet, il y a fort à parier qu’ils constateront, une fois encore, un échec retentissant et grotesque.

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