Si la Fed peine à maîtriser l’inflation sans engager de ralentissement économique, elle excelle en revanche dans la gestion des perceptions des marchés…
Je peux bien sûr avoir tort, mais j’ai la conviction que le fait d’annoncer qu’une hausse des taux de 0,75% serait possible, est une tactique. Elle est employée régulièrement en matière financière.
Cette tactique consiste à créer des craintes ou des anticipations volontairement inadéquates, afin que les décisions réelles, elles, soient perçues comme un moindre mal ou un soulagement.
La finance est au point pour manipuler les anticipations et les attentes, et en jouer.
Elle fait cela sans cesse sur les résultats de sociétés, afin que les médias puissent annoncer que telle ou telle société a battu les attentes !
Il suffit de manipuler les attentes pour que les nouvelles deviennent positives, même lorsqu’elles sont mauvaises ; il suffit de créer une fausse dynamique… mais cela peut être également un faux soulagement.
Nous verrons ce qu’il en est, mais mon avis est le suivant ; nous faisons face à une énième manipulation, pour amortir le choc de la hausse des taux et maintenir un marché équilibré.
Je soutiens que la Fed gère mal les choses d’un point de vue fondamental, mais qu’elle excelle dans la gestion des perceptions des marchés ; c’est même sa spécialité.
Elle repose sur des travaux mathématiques qui ont été développés après le départ de Greenspan, et ces travaux qui codifient les “animal spirits” sont, dans une optique de court terme très efficaces. Tout a été étudié, y compris le temps qui s ‘écoule entre le moment où une nouvelle a été annoncée et la durée de son effet psychologique. La gestion des “animal spirits courts” est une spécialité de la Fed et de ses employés.
C’est d’ailleurs la même chose pour les américains dans beaucoup de domaines comme… la guerre. Ils savent gérer la propagande, et les opinions, mais ils sont incapables de gagner une vraie guerre sur la durée. Les USA se sont laissés déborder par les Imaginaires qu’ils ont créés.
Il est plus facile de modifier les comportements et les attentes sur une guerre, que d’éviter les missiles Kaliber ou Kinjal.
Il est plus facile de provoquer une hausse de soulagement d’un marché boursier survendu, que de réussir à dompter l’inflation sans engager de ralentissement économique.
Nous retrouvons là un de mes thèmes favoris ; celui de l’écart entre les perceptions manipulées par les démiurges et le réel qui lui, suit ses lois intrinsèques, et obéit aux forces concrètes et matérielles.
Je passe beaucoup de temps à démystifier les « en même temps », les fausses gestions des contradictions et des antagonismes, les rasages gratuits, les multiplications des pains monétaires, les mondes de fantaisie crées par les grands enfants impuissants-tout puissants que sont les soi-disant maitres du monde ; ils ne sont tout puissants que de leurs mensonges et nos lâchetés.
De façon générale, l’interprétation du monde que cherchent à imposer les Américains passe maintenant toujours par l’analyse de cet écart entre les discours, les romans, les images, les signes et la réalité.
Tout aboutit maintenant à cette question : peut-on, toujours et dans tous les domaines, différer les réconciliations entre l’Imaginaire et le Réel ?
Peut-on maintenir les bulles en lévitation perpétuelle ?
Réponse : Non ! La rareté, la finitude, la mort, tout cela existe.
Mais c’est une autre histoire.
La Fed excelle sur un point
Après l’annonce de la Fed de la semaine dernière, je n’ai rien à ajouter : le soulagement a été géré ! Quand je vous dis que la Fed est mauvaise fondamentalement, mais qu’elle excelle lorsqu’il s’agit de piloter les marchés…
Avant, il y avait un adage : on peut toujours compter sur le consommateur américain.
Maintenant, l’adage c’est : on peut toujours compter sur la Fed.
Ce titre du Financial Times en témoigne : « Les investisseurs détectent des nuances accommodantes dans la campagne de Powell contre l’inflation. »
Tout est difficile à décoder si on reste au niveau du langage et des discours, en revanche tout devient simple si on s’en tient aux données objectives, et que l’on respecte une discipline de pure logique.
Mais il faut une volonté et une ascèse terrible pour ne pas se laisser influencer.
Nous sommes, dans tous les domaines, dans un monde où les vessies servent de lanternes.
Vous ne pouvez plus avoir raison au jour le jour car le court terme est dominé et produit par le mensonge ; pour avoir raison dans tous les domaines, il faut jouer long, penser long et n’espérer sa récompense que des mouvements du Réel, des mouvements tellement puissants que les autorités n’ont pas prise sur eux.
C’est vrai en économie, en politique, en finance et sur le plan militaire ; dans la vie, il faut choisir votre allié, votre monde. Moi j’ai choisi le Réel malgré sa dureté. La Vérité est gratifiante, croyez-moi, elle vous fait entrevoir la seule chose qui compte : la Liberté.
Si vous jouez le roman ou l’Imaginaire, vous êtes condamnés, car il est frivole, capricieux , indéterminé, et surtout, il est toujours produit par d’autres ; si vous jouez le Réel, il vous faut être fort, patient, et avoir des nerfs d’acier.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]