▪ Nous avons vu hier un schéma qui institutionnalise la situation de dépendance totale de certaines banques vis-à-vis de la BCE — alors qu’il faudrait tendre à l’inverse.
Si la situation sur les marchés interbancaires était totalement normalisée, la solution naturelle serait que les banques — toutes nationalités de la Zone euro confondues — substituent progressivement aux ressources des LTRO des financements levés auprès d’autres banques ou auprès d’investisseurs institutionnels sous forme d’émissions d’obligations.
Les solutions malthusiennes consistent à réduire la taille des bilans. C’est aussi un moyen de récupérer de la liquidité et d’économiser des fonds propres.
Les banques d’Europe du sud, par exemple, avaient plus utilisé ces prêts pour acheter des obligations d’Etat domestiques refinancées avec la liquidité exceptionnelle de la BCE que pour accroître leurs crédits à l’économie.
Durant les premiers mois qui suivirent la mise en oeuvre de ces opérations de refinancement (essentiellement le premier trimestre 2012), les banques espagnoles et italiennes ont acheté respectivement 86 milliards et 76 milliards d’euros de titres d’Etat ; on peut estimer que ces encours détenus se situent respectivement aujourd’hui autour de 300 milliards et de 415 milliards d’euros.
Pour réduire la dépendance des banques de ces deux pays à la liquidité BCE, il leur suffirait de vendre leurs obligations d’Etat. Plus facile à dire qu’à faire… puisque ces titres bénéficient d’un régime prudentiel absurdement favorable et que leur cession n’améliorerait pas les ratios de solvabilité et liquidité des banques.
La BCE met donc en place de nouvelles opérations extraordinaires de refinancement à long terme |
▪ Difficile pour la BCE de mettre un terme aux mesures non conventionnelles sans torpiller les banques italiennes et espagnoles
La BCE met donc en place de nouvelles opérations extraordinaires de refinancement à long terme, les T-LTRO (le T de targeted — "ciblé", en français — remplace le V de very pour donner les targeted long term refinancing operations)
Cette fois-ci, il ne s’agira plus de financer de la dette souveraine. La BCE dit en quelque sorte aux banques : "on ne vous demande pas de vendre votre dette souveraine domestique mais de grâce n’en prenez plus. Vous savez que nous allons prendre la responsabilité de la supervision bancaire européenne le 4 novembre prochain et nous ne voulons pas que la corrélation risque bancaire-risque souverain, si difficile à casser, ne reprenne de l’ampleur".
Pour être sûr qu’il en soit ainsi, l’octroi de ces prêts T-LTRO en septembre et décembre 2014 sera soumis à conditions d’encours de crédits au secteur privé non financier (hors prêts immobiliers) afin de déterminer le montant maximum qu’une banque pourra emprunter auprès de la BCE.
Ce montant ne devra pas excéder 7% des encours de crédits. Cela va représenter environ 95 milliards d’euros pour les banques allemandes, 75 milliards pour les banques françaises, 75 milliards pour les banques italiennes et 55 milliards pour les banques espagnoles.
Puis de mars 2015 à juin 2016, des T-LTRO supplémentaires seront mis en place trimestriellement. Les banques pourront emprunter un montant égal à trois fois le montant net des prêts supplémentaires qu’elles ont accordés.
Par exemple, imaginons une banque qui a prêté 500 millions d’euros sur cette période de référence avril 2013-avril 2014. Si cette même banque a ensuite prêté 700 millions d’avril 2014 à mars 2015, elle pourra aller au T-LTRO de mars 2015 pour trois fois la progression de sa production de crédits, soit (700 millions – 500 millions) x 3 = 600 millions d’euros.
Ce nouveau dispositif a véritablement le mérite de conditionner les prêts de la BCE. Toutefois le problème n’est pas le manque de liquidités des banques pour prêter au secteur privé mais la faiblesse de la demande de prêts de ce secteur.
Si les agents ne veulent pas emprunter parce qu’ils doivent se désendetter, parce qu’ils manquent de visibilité ou parce qu’ils ne trouvent pas de projets rentables à financer… il ne sert à rien de prêter aux banques, à n’importe quel taux.