La Chronique Agora

L'or fait-il autre chose que grimper ?

▪ L’or fait-il autre chose que grimper ? Il grimpe quand les nouvelles sont mauvaises. Il grimpe quand les nouvelles sont bonnes. Quand ne grimpe-t-il pas ?

Il y a une opinion répandue parmi l’argent intelligent selon laquelle l’or est un pari à sens unique. Tant qu’il semblera y avoir un semblant de reprise, les taux d’inflation grimperont — tout comme l’or.

Si la reprise trébuche, les autorités se précipiteront pour la soutenir à coup de mesures de relance. Cela mènera à des taux d’inflation plus élevés encore… et l’or va grimper.

A la Chronique Agora, nous l’admettons ; nous sommes des fanatiques de l’or, purs et durs. Nous possédons de l’or. Et nous ne le vendrons pas tant que nous ne pourrons pas acheter toute la liste des actions du Dow pour moins de deux onces. En même temps, nous nous méfions des paris à sens unique. Ils ont tendance à mal tourner…

Parallèlement, les grands marchés émergents semblent prêts à augmenter leurs stocks d’or. A mesure qu’un pays s’enrichit — et ça dure depuis Salomon — il cherche à augmenter ses stocks d’or. L’or, c’est la richesse. La richesse, c’est l’or. Jadis, l’or servait de butin de guerre. Les troupes médiévales, par exemple, se voyaient attribuer trois jours pour piller une ville. Les soldats ne perdaient pas leur temps à chercher du papier. Et surtout pas le papier émis par les gens parqués derrière les murs de la ville. Ils voulaient de l’or. L’or était de la véritable monnaie et tout le monde le savait.

Non seulement le métal jaune était la richesse, mais c’était aussi la puissance. Rappelez-vous la règle d’or : qui a l’or dicte les règles. C’était une vérité plus évidente jadis. A maintes et maintes reprises, les rois ont échoué — non parce que leurs soldats étaient mauvais, mais parce qu’ils se retrouvaient à court d’argent pour les payer. Charles Quint a quasiment perdu son combat contre les Français en Italie lorsqu’il s’est retrouvé à court de fonds ; alors qu’il était le protecteur de la chrétienté occidentale, vint un moment où, pour faire avancer ses soldats, il dut leur permettre de mettre Rome à sac.

▪ Aujourd’hui, les viols et les pillages sont surtout dans les livres d’histoire. Les pays construisent leurs stocks d’or en l’achetant. Même les banquiers centraux commencent à s’y mettre. Pour la première fois depuis un quart de siècle, les Banques centrales sont acheteuses nettes. L’Inde vient tout juste de faire un gigantesque achat d’or auprès du FMI. Et la Chine est un acheteur si important qu’à elle seule, elle pourrait mobiliser la production mondiale durant des années.

Durant 38 ans, le monde a fonctionné grâce à l’étalon-dollar. Les pays étrangers basaient leur propre devise sur des fondations de dollars. Les Etats-Unis offraient quant à eux toute leur bonne foi pour soutenir le billet vert… qui valait, jusqu’alors, presque autant que l’or.

Mais entre 1971 — moment où Nixon a brisé le dernier lien entre le dollar et l’or — et aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts monétaires. Même dans les années 70, les investisseurs étaient terrifiés à l’idée de voir les Etats-Unis laisser filer le dollar. C’est uniquement après que Paul Volcker a tapé du poing sur la table et porté les taux à 18% que la spéculation contre le dollar a pris fin. Avant cela, l’or était passé à 850 $ l’once.

A 850 $ l’once, les Etats-Unis avaient assez d’or à Fort Knox pour soutenir 100% de tous les dollars de leur base monétaire — et plus encore. Depuis, la masse monétaire des Etats-Unis telle que mesurée par les économistes autrichiens a été multipliée par cinq. L’or devrait dépasser les 2 000 $ pour égaler son prix ajusté à l’inflation de 1980. Selon d’autres calculs, le prix de l’or devrait passer au-dessus des 6 000 $ pour soutenir la masse monétaire américaine comme il le faisait dans les années 70.

Les banquiers centraux commencent donc à se demander si les Etats-Unis peuvent s’en tirer avec "un autre Volcker". Même Paul Volcker, qui est encore en vie, en doute. Aujourd’hui, trop de gens doivent trop d’argent et trop de faveurs politiques. Faire grimper les taux à 18%, aujourd’hui ? Impensable. Réduire les dépenses gouvernementales de 10% ? Impossible.

Mais ne vous inquiétez pas. Pour l’instant, ce n’est pas l’inflation qui nous menace… mais la dépression !

C’est la lutte contre la dépression qui inquiète les gens. Les investisseurs intelligents et les banquiers centraux rusés ont peur de voir les pompiers anti-dépression aller trop loin… ils se demandent s’ils savent vraiment ce qu’ils font.

▪ Ben Bernanke est en lice pour reprendre son poste. "Bernanke lutte pour un deuxième mandat", annonce le Wall Street Journal. Sait-il ce qu’il fait ? Eh bien non. Il s’est trompé sur le plus grand événement de la récente histoire financière. Il pensait que la super-bulle de 2004-2007 était en fait une période de "grande modération" provoquée par ses propres politiques monétaires supérieures ! Il était encore en train de se féliciter lorsque les choses lui ont explosé à la figure.

Et maintenant, il pense encore que le moyen de résoudre un problème causé par un excès de dette est d’offrir plus de dette. Bien entendu, ça n’a pas fonctionné pour les Japonais. Cela ne fonctionnera pas pour les Etats-Unis. Ce que nous ne savons pas, c’est comment ça ne va pas marcher.

C’est la grande question. Les autorités vont-elles retarder une véritable reprise… avec leurs renflouements et leurs usines à gaz… causant une longue et lente dépression au ralenti, à la japonaise ? (Dans ce cas, l’or ne sera peut-être pas le pari à sens unique que pense l’argent intelligent). Ou feront-ils basculer le monde dans une catastrophe hyperinflationniste, comme la République de Weimer dans les années 20 ou l’Argentine dans les années 80 ?

Nous n’en savons rien. Personne ne le sait. Nous attendons de voir.

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