Suite et fin de l’article entamé hier…
▪ La transition à l’électrique commence…
Entre 2000 et 2010, la demande montante de lithium pour batteries, d’abord pour la petite électronique, puis pour l’industrie naissante des véhicules électriques, a transformé le secteur. Encore complètement marginale à la fin des années 90, cette application pèse déjà 30% du marché mondial… et ce n’est pas fini.
▪ Changement d’échelle !
Car le véhicule électrique implique un changement d’échelle : quand la batterie de votre ordinateur portable pèse quelques centaines de grammes, celle d’une voiture tout-électrique s’évalue en dizaines de kilos… Pour une autonomie jugée encore insuffisante. Chiffrer la quantité de lithium exigée par cette mue est assez simple : comptez en moyenne 600 grammes de Li2CO3 pour 1 kWh de capacité de stockage. Quel pourrait être l’impact sur le marché ?
▪ La demande pourrait quadrupler
La demande mondiale annuelle se situe autour de 100 000 TECL (sur ce marché, on parle en TECL, c’est-à-dire en "tonnes équivalent carbonate de lithium" (Li2CO3). Certains estiment qu’elle pourrait facilement quadrupler dans les décennies à venir… Une projection propose ainsi une augmentation de la demande globale à 250 000 TECL d’ici 10 ans seulement, dans un contexte de pénétration agressive du véhicule électrique (35% des achats neufs).
▪ Bémol du BCG
Bien entendu, beaucoup d’inconnues demeurent : si la révolution de l’électrique n’a pas lieu en automobile, tout le château de cartes s’effondre. Le Boston Consulting Group vient justement de publier un rapport assez pessimiste où il conclut que "à moins d’une percée technologique, le coût des batteries limitera sans doute la généralisation des véhicules électriques dans la décennie à venir". Mais son "scénario probable" table sur un taux de pénétration de 25% — ce qui est encore assez pour presque doubler la demande actuelle…
▪ Le potentiel est énorme
Et la spéculation, qui raffole de ces situations, n’a pas manqué d’amplifier l’accélération de la demande : les cours du carbonate de lithium chilien ont triplé entre 2006 et 2009, jusqu’à rejoindre un sommet de 6 600 $ la tonne… Ce qui signifie que le Chili peut vendre son lithium jusqu’à trois fois son prix de revient !
▪ Sécuriser vos approvisionnements à tout prix
Dans un secteur où les ressources sont aussi concentrées, et aux mains d’une poignée de groupes industriels, si vous misez gros sur le véhicule électrique, vous avez un besoin vital de sécuriser vos approvisionnements.
▪ Entre en scène la Bolivie
Le pays du salar d’Uyuni, le plus vaste au monde, 35% du lithium mondial selon l’USGS (l’United States Geological Survey). C’est là que le président Evo Morales a lancé le chantier de la toute première usine d’extraction du pays, sous l’égide de la compagnie nationale. Avec un programme très clair, dans la lignée de ce leader de gauche, fervent partisan de la renationalisation des ressources : le lithium sera bolivien, produit par des Boliviens — et dans des volumes fabuleux.
▪ Quant aux réserves, c’est l’inconnue
Les géologues boliviens font valser les chiffres. Bloomberg annonce 95 millions de tonnes de lithium, soit 12 fois les réserves de tout le Chili… La Bolivie exagère peut-être, mais de l’avis général, elle est assise sur un tas d’or gris.
Le pays est courtisé activement par les meilleurs acheteurs du lithium mondial : les Coréens de LG, les Japonais de Mitsubishi, les Français de Bolloré : tous rêvent d’être associés au projet d’Uyuni.
▪ Morales n’est pas un client facile
L’homme qui a repris d’autorité ses concessions d’hydrocarbures aux Brésiliens de Petrobras ne plaisante pas avec la souveraineté. Il a refusé jusqu’ici tout investissement extérieur ; cela n’empêche pas les impétrants d’insister et de multiplier les signaux d’amitié. Leurs enjeux sont probablement doubles : assurer à long terme la sécurité de leurs approvisionnements… et à court terme, réinjecter un peu de concurrence dans une offre cadenassée par une poignée d’acteurs.
▪ Mais la récession est passée par là
Le cabinet spécialisé TRU Group a fait paraître un bilan en demi-teinte.
L’offre mondiale se caractérise par une surabondance qui pourrait se prolonger jusqu’en 2013. Dans ce contexte, les gisements de faible coût d’extraction, notez-le bien, seront avantagés. Par ailleurs, la demande se contracte : le cabinet précise qu’elle a fortement souffert au troisième trimestre 2009, et table sur un repli de 12% à l’année.
▪ En attendant la Bolivie, mieux vaut miser sur le Chili
Une fois les emballements calmés, il reste certain qu’à long terme, le lithium a de beaux jours devant lui. Reste à voir ce qu’il adviendra du pari bolivien : la Bolivie n’a pour l’instant pas livré une seul tonne de Li2CO3. Elle n’a aucune expérience dans cette industrie. Son réseau routier est défaillant ; elle n’a pas de façade maritime. On ignore tout, enfin, des prix de revient qu’elle sera capable d’obtenir…
▪ Mon avis ?
Si bien que c’est le Chili, en la matière, qui me rappelle l’Arabie Saoudite. Ryad, qui possède le pétrole le moins cher du monde, a toujours su faire taire ses concurrents, ou bien les forcer à l’entente, en faisant jouer le levier des prix.
Mon calcul est simple : en attendant de voir si l’Eldorado d’Uyuni tient ses promesses, dans un secteur très concentré où la mainmise sur les réserves joue un rôle primordial dans la fixation des prix, il est préférable de s’intéresser au leader pour investir.
[NDLR : Le leader, Sylvain Mathon l’a déjà repéré… Pour suivre ses conseils et accompagner le lithium dans sa hausse, il suffit de continuer votre lecture !]