La Chronique Agora

Leur dollar, notre problème

** En dépit des problèmes de l’immobilier, la plupart des Américains se sentent plutôt gras et insolents. Le niveau de vie — selon les standards actuels, du moins — a grimpé en flèche ces 30 dernières années. En 1950, une nouvelle maison faisait en moyenne 102m2. A présent, elle atteint en moyenne plus de 220m2 — alors que les familles sont beaucoup plus petites.

* Dans les années 50, la famille typique n’avait qu’une seule voiture. A présent, les garages en sont pleins. Et bien entendu, il y a également la clim’, des jacuzzis, des télévisions grand écran et tous les autres gadgets de la vie moderne.

* Des années Eisenhower aux années Bush, cependant, l’économie américaine a mûri. Dans les années 50, les profits industriels représentaient la moitié du total national. Les Américains fabriquaient des choses et les vendaient aux étrangers. Cela leur laissait de l’argent à dépenser, à prêter, à épargner… ou à investir. Typiquement, les Américains épargnaient près de 10% de ce qu’ils gagnaient, durant l’ère Eisenhower/Kennedy.

* Puis est arrivée une Nouvelle Ere. Le gouvernement dépensait trop dans les années 60… mais plutôt que d’avouer ses fautes et les réparer, l’administration Nixon choisi de faire défaut sur ses paiements. "C’est notre dollar, mais c’est votre problème", a déclaré John Connolly, Secrétaire du Trésor US, dans un moment d’honnêteté fulgurante. A l’époque, en 1972, le déficit commercial US était à trois milliards de dollars. Aujourd’hui, il atteint plutôt les trois milliards par jour !

* Détenir des dollars ne rapportait guère, dans les années 70. L’inflation est passée à 12%, diminuant de plus en plus la valeur du billet vert. D’une certaine manière, cela a été la leçon que les Américains voulaient le plus apprendre. Ils ne voulaient pas épargner, de toute façon… ils voulaient dépenser. Graduellement, on est passé d’une économie où les gens fabriquaient des choses avec profit à une économie où ils achetaient des choses à perte. Les ménages se consacrèrent à apprendre comment consommer ce qu’ils n’avaient jamais gagné. Les entreprises apprirent comment faire des profits en vendant à des gens qui n’avaient pas d’argent. L’économie elle-même passa d’une base industrielle à une base privilégiant le marketing… puis la finance. Les usines rouillèrent. Mais les centres commerciaux et les complexes immobiliers proliférèrent.

* En 1967, Henry Kaufman a été nommé partenaire chez Solomon Bros., à New York. Sa rémunération : 25 000 $ par an.

* Quarante ans plus tard, le gestionnaire de fonds de couverture moyen empoche près de 24 000 $ par semaine.

* Parallèlement, le salaire hebdomadaire moyen, aux Etats-Unis, n’est que de 841 $ — un chiffre à peu près similaire, en termes réels, que celui en vigueur il y a 30 ans de ça.

** Et voilà la question à laquelle nous revenons sans cesse, une question purement rhétorique — non seulement nous en connaissons la réponse, mais nous l’avons déjà donnée maintes et maintes fois à nos chers lecteurs :

* Comment des gens ne gagnant pas plus d’argent peuvent-ils dépenser plus ?

* Réponse évidente : ils empruntent.

* La dette de crédit totale aux Etats-Unis, rien que durant les années Greenspan, est passée de 9 800 milliards de dollars à 37 300 milliards — une augmentation de 400%. C’est le poids qui pèse à présent sur l’économie US. C’est le fardeau qui doit être allégé.

* Et il est en train d’être allégé — de deux manières différentes. De nombreuses dettes tournent mal. Les saisies de maisons en septembre ont doublé par rapport à l’an dernier, par exemple.

* L’autre moyen, c’est l’inflation. Chaque jour, les gens ajoutent plus de dette… et l’inflation en enlève un peu. Ces 30 dernières années, les consommateurs, les entreprises et les spéculateurs on pu augmenter leur dette bien plus rapidement que l’inflation ne l’érodait. Mais à présent, les débiteurs ont déjà atteint leurs limites… et les créditeurs commencent à devenir chatouilleux. Selon Reuters, les consommateurs sont passés aux cartes de crédit, pour pouvoir continuer à dépenser. Les refinancements hypothécaires et autres prêts sur la valeur des maisons sont tombés en disgrâce.

* En fin de compte, l’inflation effacera la dette. Dans les années 80, les taux d’inflation à 1 000% en Argentine ont éliminé la majeure partie de la dette. Aujourd’hui encore, le pays n’a que très peu de dettes. Il est difficile de contracter un prêt hypothécaire. Nous n’en savons rien, mais si quelqu’un prête de l’argent au Zimbabwe, il ferait bien de demander un avis médical en plus d’une assurance contre la faillite ; avec un taux d’inflation à 100 000% par an — il sera ruiné du jour au lendemain.

* Aux Etats-Unis, ce processus a encore du chemin à parcourir. Les taux d’inflation officiels ne sont qu’à 2%-3%, même si les consommateurs font état de hausses de prix bien plus élevées. Bref, encore plein de bonnes choses sont à venir !

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