** Les actions de la Zone euro rechutent à proximité de leurs planchers annuels. Plus les cours baissent, plus les acheteurs semblent se défiler de façon parfaitement synchrone, invoquant le risque déflationniste ou d’échec des plans de relance.
L’Europe ne cesse (comme lundi dernier) de faire étalage de sa désunion sur les moyens à mettre en oeuvre pour éviter une dépression et l’explosion du chômage… quand l’Allemagne ne s’y déclare pas totalement hostile.
Pour sa part, la Commission européenne — appliquant à la lettre les directives en matière de concurrence — torpille les tentatives pour restaurer les capacités de prêt des banques et la confiance dans le système financier. La baisse de 75 points du repo à 2,5% par la BCE est par ailleurs demeuré sans effet, les cours de bourse ont même rechuté de 10% entre jeudi 14h et vendredi 16h30.
Avec un repli global de 8,42%, la Bourse de Paris enregistre la troisième plus forte correction hebdomadaire de l’année. Le CAC 40, qui était parvenu jeudi matin à retracer ses niveaux de clôture du vendredi 28 novembre, a rechuté de 300 points en quelques heures pour inscrire un plus bas de 2 956 points, égalant ses planchers des 20 et 21 octobre derniers.
Ce qui peut également soulever de nombreuses d’interrogations, c’est la faiblesse récurrente des volumes (moins de quatre milliards d’euros au quotidien depuis le 10 novembre). 3,75 milliards d’euros ont ainsi été traités ce vendredi — alors que la perte atteignait 6% en fin de journée. La chute de 5,6% de lundi est survenue avec seulement 2,9 milliards d’euros négociés, matérialisant le ratio écart/volumes le plus bas de l’histoire du marché parisien — la perte flirtant également avec les 6% peu avant la clôture.
Avec une chute de 5,48% à la veille du week-end, Paris se retrouvait lanterne rouge parmi les principaux indices européens. Francfort ou Amsterdam chutaient de 4% à 4,75%, Milan de 5,35% alors que Zurich ne cédait que 2%.
** Le bilan hebdomadaire est consternant sur les places boursières dans l’Euroland (-7,5%). Il l’est tout autant que la statistique relative au marché du travail américain : pas moins de 533 000 emplois ont été détruits le mois dernier, soit le pire chiffre depuis décembre 1974, avec une remontée à 6,7% du taux de chômage, un plus haut depuis 1993. A titre de comparaison, le marché tablait sur 320 000 destructions de postes.
Le chiffre des suppressions de postes du mois de septembre a en outre été revu à -320 000 contre -240 000 en première estimation. Ce sont donc plus de 1,2 million d’emplois qui ont disparu en seulement trois mois ; Wall Street redoute que le total dépasse les trois millions sur l’ensemble de l’année 2008, ce qui serait le pire score jamais vu depuis les années 30.
En Europe, les chiffres macroéconomiques apparaissent de tout aussi mauvais augure qu’aux Etats-Unis. Les commandes à l’industrie allemande ont ainsi plongé de 6,1% en octobre après une baisse de 8,3% enregistrée en septembre. Parmi les commandes provenant de l’étranger, en recul de 6,2%, celles des pays de la Zone euro ont dégringolé de 7,4%.
** La dégradation constante des perspectives économiques continue naturellement de peser sur les cours du pétrole. Le baril de brut WTI s’est effondré de 4% supplémentaires vendredi, à 41,9 $ sur le NYMEX. Le Brent mer du Nord s’est même enfoncé sous la barre des 40 $ à Londres.
La performance hebdomadaire de l’or noir s’élève à -21% — c’est la pire de l’histoire (après les -13,5% de la dernière semaine de septembre) alors que les plus folles hypothèses de cours circulent désormais à l’horizon du 31 décembre (25 $, voire moins).
Les valeurs liées à l’énergie ont été laminées. CGGVeritas (-9,9%) ou Technip (-5,7%) accusaient de lourds replis (-24,8 et 23,5% sur la semaine écoulée). GDF Suez a lâché 6,1% (-13% sur la semaine) et Vallourec 7,15%. Véolia a mieux résisté — tout est relatif — avec -3,5%. Jean-Claude Périvier vous conseillait avec beaucoup de pertinence de vous intéresser à tous ces titres dès vendredi dernier.
Enfin, la fuite vers la sécurité fait chuter le rendement des bons du Trésor à 30 ans sous la barre symbolique des 3% et le Bund 2018 vient également d’afficher sa plus faible rémunération de l’histoire à 2,98% ! Le rendement d’un bon du Trésor à trois mois est nul (frais d’achat déduits) et celui d’un T-Note à deux ans ne dépasse pas 0,75%, soit une rémunération négative de 1,5% en 2008 en intégrant la variable inflation.
** Le krach du pétrole et de certaines actions engendre symétriquement une bulle des emprunts d’Etat, les seuls supports obligataires qui semblent encore "solides"… mais la Fed est d’ores et déjà le plus gros détenteur de créances à risque de la planète.
Cela risque de ne pas s’arranger puisque les banques américaines font face à un taux de défaut de remboursement record : 7% d’arriérés de paiement de plus 902 jours au troisième trimestre sur les prêts immobiliers, lesquels se terminent dans 60% des cas par des saisies/ventes aux enchères qui accentuent dramatiquement la perte de valeur des biens immobiliers.
Le troisième trimestre 2008 se solde donc aux Etats-Unis par un record de 3% du taux d’expropriation d’emprunteurs défaillants, par une chute record de la production industrielle et du moral des ménages, ainsi que par une hausse record du taux de chômage depuis 25 ans.
** Une telle avalanche de chiffres calamiteux pouvait valoir à Wall Street une réplique de la séance cataclysmique de lundi — à l’image du scénario qui s’est malheureusement réitéré en Europe continentale. Nous sommes cependant à peine surpris de voir le Dow Jones s’envoler de 3% et le Nasdaq de 4,4% — lequel ne cédait plus que -1,7% sur la première semaine de décembre.
Aux différents correspondants qui m’ont contacté vendredi pour me faire part de leur inquiétude — dont l’équipe du "Grand journal" de BFM que je salue de nouveau –, alors que le CAC 40 replongeait sous les 3 000 points (avec 39 baisses sur 40), je m’entends encore leur répondre avec un mélange de fatalisme et de cynisme : "je n’ai rien compris aux -9% de Wall Street lundi dernier mais si ce que je soupçonne se confirme, alors ‘ils’ vont nous terminer la séance à +5% et achever de tondre le troupeau". Manifestement, les rois de la tondeuse n’ont pas chômé les 1er et 5 décembre derniers !
Je crois ne rien avoir de plus pertinent à rajouter… si ce n’est que certains intervenants sont plus égaux que d’autres devant la "glorieuse incertitude" des marchés financiers.
Philippe Béchade,
Paris