Par Isabelle Mouilleseaux (*)
Dans le ring, euro et dollar s’affrontent
Prêts au combat, les deux adversaires se scrutent, s’étudient, se dévisagent. La tension monte. L’euro est près à affronter le dollar.
Ces dernières années, le premier a largement pris l’ascendant sur le second, mais quelques coups d’éclats récents du dollar redonnent une lueur d’espoir à son camp, qui redresse la tête. Derrière eux, les entraîneurs Trichet et Bernanke dopent leur poulain à coup de petites phrases et messages subliminaux, dont les répercussions s’entrechoquent.
Devant les écrans, la foule en délire retient sa respiration. Hyper réactive, elle relève les moindres signes de faiblesse des joueurs et enfonce le clou, sans scrupule.
L’enjeu ? Le K.-O. de l’adversaire et la mise à mort de l’inflation.
Ils n’ont plus le choix des armes
Voilà en quelques mots les termes de l’équation. Face à une inflation de plus en plus oppressante et angoissante, les grands argentiers de la planète n’ont plus vraiment le choix des armes.
Seule la remontée des taux permettra d’endiguer — partiellement seulement, à mon avis — le phénomène de hausse des prix qui submerge la planète tout entière et qui pourrait nous mener à la stagflation si aucun rempart n’est rapidement mis en oeuvre.
L’arme de destruction massive ?
Il n’y en a pas. Désolée de vous le dire. A défaut, une monnaie forte avec des taux d’intérêt élevés reste encore le moyen le moins inefficace pour s’en sortir.
Voilà donc ce vers quoi on se dirige. La plupart des banques centrales ont pris conscience de l’enjeu et ont déjà annoncé la couleur, de l’Afrique du Sud aux Etats-Unis, en passant par l’Europe, l’Angleterre et la Chine.
L’ennemi public numéro un devient l’inflation, la lutte contre la récession passant au second plan. Comprenez : mieux vaut une récession qu’une stagflation.
Dans ce match : il y aura un gagnant et un perdant
Seulement voilà, difficile d’avoir en même temps un euro fort et un dollar fort, jeu de vases communicants oblige. Les capitaux vont de l’un à l’autre en fonction des rendements réels et des résultats macroéconomiques.
Pour l’instant, avec un taux d’inflation proche de 4% et un taux d’intérêt de 2%, le taux d’intérêt réel est largement négatif (-2%). Difficile, dans ces conditions, d’attirer les foules pour soutenir le dollar.
Avantage donc à l’euro, qui affiche une inflation à 3,6%, un taux d’intérêt de 4% et des rendements positifs de 0,4%.
Quelques tours de vis n’y suffiront pas
Pour faire remonter son dollar et combattre l’inflation, Ben a du pain sur la planche, l’euro ayant une longueur d’avance. Quelques tours de vis n’y suffiront pas.
Pire, J.C. Trichet est bien décidé, lui aussi, à ne pas laisser l’inflation s’installer. Il n’hésitera pas un instant à remonter ses taux. Or je crains fort que contrairement à Trichet, notre ami Ben n’ait pas les moyens de ses ambitions. Remonter les taux est pour lui déjà quasiment impossible, les remonter significativement pourrait bien être suicidaire.
Plongeon et scénario en W ?
Pris en étau entre inflation et crise économique, sa marge de manoeuvre est proche du zéro. Imaginez un instant l’impact d’une remontée des taux sur fond de crise immobilière et bancaire ! Plongeon et scénario en W quasi assurés !
Et je ne parle même pas de la fragilité de l’économie US en général. Le premier moteur de la croissance économique (les exportations) est en train de caler et une remontée du dollar ne ferait qu’empirer les choses.
Le second moteur de la croissance, la consommation, est exsangue. Une remontée des taux l’achèverait définitivement, tout comme il affaiblirait le troisième et dernier moteur de la croissance, l’investissement des entreprises, déjà mis à mal par les restrictions de crédit.
Pas de K.-O. pour l’euro pour l’instant
Dans ces conditions, je ne suis pas certaine que la remontée du dollar soit pour tout de suite. Il faudra probablement patienter encore un peu.
Par ricochet, le pétrole cher a de beaux jours devant lui, car la faiblesse du dollar est le principal moteur de sa hausse. Pour ce qui est de l’or, depuis que les banques centrales ont déclaré la guerre à l’inflation, il est sous pression.
Quant aux marchés actions, ils ont du souci à se faire
Mais ça, vous le savez déjà. Régulièrement, je vous recommande la prudence et vous demande de ne pas vous fier aux dires des experts qui clament haut et fort que "la crise est derrière nous".
Vous n’êtes pas convaincu ? Regardez un peu ce qui se passe en Chine : la bourse a perdu la semaine dernière 14% tant les investisseurs sont déprimés par les mesures de restriction du crédit qui visent à contenir l’inflation. La Chine se bat contre l’inflation ; nous entrons les uns après les autres dans cette course infernale.
Mais tout ceci n’est qu’un avis personnel. Et comme je ne suis pas madame Soleil, attendons de voir ce que l’avenir nous dira…
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
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