La Chronique Agora

Les marchés nous refont-ils le coup du 2 au 5 août dernier ?

▪ Le chômage fléchit en Europe, et les dépenses des ménages sont ressorties à +0,5% au deuxième trimestre (c’est supérieur aux anticipations) contre +0,2% au premier. Jean-Claude Trichet a confirmé jeudi ce que les marchés anticipaient — à savoir une révision en hausse des prévisions de croissance de la BCE pour la Zone euro (+1,8% contre +1,4% d’ici fin 2010). Il exclut de ce fait le scénario du "double creux" qui avait déprimé les marchés ces trois dernières semaines..

Il n’aura fallu que 48 heures pour que le CAC 40 efface 90% du terrain perdu le mois dernier. Un gain de 0,5% supplémentaire ce vendredi suffirait pour ramener les valeurs françaises à leurs niveaux de fin juillet : le mois d’août n’aurait donc été qu’un mauvais rêve ?

Gardons-nous de déduire du rebond des premières séances du mois de septembre que la conjoncture confirmera cet automne les attentes des marchés. Vendredi dernier, il n’y avait pas plus d’un investisseur sur quatre pour privilégier le scénario d’une hausse des profits des entreprises au second semestre 2010.

La thèse qui prévalait majoritairement était que les entreprises avaient mangé leur pain blanc et que les prochains mois risquaient d’apparaître beaucoup plus coriaces.

Si l’on exclut le rebond quasi miraculeux de l’ISM manufacturier publié mercredi, les Etats-Unis se retrouvent confrontés à une série d’indicateurs qui agacent les gencives. Si les ventes d’automobiles ont chuté de 21% au mois d’août, il ne faut pas déployer des trésors de sagacité pour envisager que l’ISM du mois de septembre a peu de chances de confirmer l’embellie qui avait — apparemment — enthousiasmé Wall Street le 1er septembre (si l’on se fie à la version officielle martelée par la presse anglo-saxonne).

▪ Mais 24 heures après avoir assisté à la seconde plus forte envolée indicielle de l’année, les marchés ont paru hésiter. Il n’y a rien qui puisse ternir l’humeur des haussiers, car ne rien lâcher au lendemain d’un rally de 3,5% en Europe ou au Japon, et 3% sur le Nasdaq ou le S&P, cela semble relever de l’exploit.

Les optimistes n’ont pas manqué de se demander où étaient passés les vendeurs jeudi. Pour notre part, nous serions tenté de leur demander où sont passés les volumes puisqu’il ne s’est par exemple échangé que 2,85 milliards d’euros sur le CAC 40 contre 4,4 milliards la veille.

Et peut-on raisonnablement s’extasier sur l’apparent accroissement de l’activité à Paris mercredi ? La hausse de 3,8% du CAC 40 disposait-elle d’une bonne assise avec un peu plus d’un milliard d’euros échangés pour 1% gagné ?

Si un score de +4% avait été enregistré sur l’ensemble de la semaine avec quatre milliards d’euros de volume quotidien (soit un total hebdomadaire de 20 milliards), il serait légitime et pertinent d’évoquer une ferme détermination des acheteurs et un ramassage significatif de titres passagèrement survendus.

Mais après les 1,5 milliard négociés le lundi 30 août et les trois milliards traités le lendemain (c’était pourtant le dernier jour du mois), nous avons du mal à souscrire à la thèse du rachat massif de la cote après une baisse indicielle qui ne serait au fond qu’un vaste malentendu depuis le zénith des 3 800 points du 5 août dernier.

▪ Pour ceux qui voudraient croire que tout ne peut qu’aller pour le mieux, il y a des réalités qui ont la vie dure, comme la progression inexorable du yen. Elle témoigne de la défiance des investisseurs à l’égard de la conjoncture aux Etats-Unis : est-il besoin de rappeler qu’il se traite désormais la bagatelle de 4 000 milliards de dollars chaque jour en moyenne sur le marché des changes, soit plus de 50 fois le volume échangé sur l’ensemble des places boursières mondiales au quotidien ?

Les cambistes ont également poursuivi leurs achats d’euro : la monnaie unique progressait de 0,2%, à 1,2825 contre le dollar jeudi soir. Cela induisait une marque de défiance envers la devise américaine à la veille de la publication des chiffres officiels concernant le marché du travail : la meilleure hypothèse serait que les destructions d’emplois n’aient pas dépassé les 100 000 au mois d’août !

Le billet vert pouvait difficilement progresser alors que la productivité non agricole aux Etats-Unis a plongé de 1,8% au deuxième trimestre d’après la seconde estimation du département du Travail US (qui avait annoncé -0,9% initialement). Il s’agit là de son recul le plus spectaculaire depuis le troisième trimestre 2006.

Par ailleurs, les inscriptions hebdomadaires au chômage ont diminué de 6 000, pour atteindre 472 000 lors de la dernière semaine du mois d’août. Cependant, la "bonne surprise" initiale est annulée par une révision à la hausse de +5 000 demandeurs d’indemnités la semaine précédente par le département du Travail.

▪ Comment s’expliquer alors une nouvelle progression de 1% du Nasdaq (à 2 200 points) et de 0,9% du S&P 500 jeudi soir ?

Le but des acheteurs qui sont passés à l’offensive le 1er septembre ne serait-il pas de tirer les cours de manière soudaine et radicale ? De la sorte, les vendeurs à découvert des semaines précédentes n’ont d’autre choix que de solder leurs positions en "mode panique" ; les acheteurs pourraient ensuite les prendre de nouveau à contre-pied dès que les chiffres du chômage — bons ou mauvais — seront connus du grand public.

Les marchés seraient-ils en train de nous refaire le coup du 2 au 5 août dernier ?

Nous avons du mal à nous convaincre que Wall Street ait pu s’enthousiasmer à ce point pour le rebond de 5,2% des promesses de ventes de logements neufs au mois de juillet… sachant que la conjoncture fut particulièrement défavorable au mois d’août (chute des transactions dans le neuf et l’ancien) malgré des taux d’intérêt particulièrement faibles et favorables aux acheteurs.

▪ Nous avons l’impression de revivre le "paradoxe japonais" des années 90 : plus les taux baissaient, plus le crédit se faisait rare et plus les acheteurs potentiels repoussaient le moment de souscrire un emprunt immobilier !

Mais l’histoire ne se répète jamais à l’identique ; les Etats-Unis du XXIe siècle n’ont rien à voir avec le Japon de la fin du XXe. Même après l’éclatement de la bulle immobilière, il y avait pénurie de logement et de "mètres carrés" dans l’Archipel tandis que l’Amérique d’aujourd’hui pâtit d’un excédent de logements qui avoisine les trois millions. Le stock réel d’invendus serait en fait très supérieur à un an, en tenant compte des biens saisis par les organismes de crédit mais non revendus à ce jour afin de ne pas provoquer un effondrement irréversible des prix.

Et il y en aura probablement 25% de plus d’ici fin 2011 : les prêts à géométrie variable souscrits en 2006 (cinq ans de remboursement des seuls intérêts avant intégration du principal à l’issue de la période de grâce) vont acculer des centaines de milliers d’emprunteurs supplémentaires à la faillite… et nous vous épargnerons l’évocation des prêts contractés pour l’achat de surfaces commerciales.

Si vous nous suivez bien, le rebond actuel des Bourses est une formidable aubaine !

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