La Chronique Agora

Les Maîtres de l'Univers sont déprimés

** Et ça continue — un secteur gonfle… puis éclate.

* Jim Cramer dit n’avoir jamais rien vu de pareil…

* Ni le krach de Drexel Burnham Lambert dans les 80… ni la crise des devises asiatiques… ni l’effondrement de Long Term Capital Management… ni l’effondrement des dot.com…

* A présent, dit-il, l’humeur de Wall Street se fait de plus en plus morose… sans aucun signe d’amélioration. Des milliers de licenciements. Un déclin continu des actions.

* Voilà qui nous rend un peu tristes, à la Chronique Agora. Nous n’aimons pas frapper un homme à terre… et nous aimons frapper Wall Street.

* Mais on peut voir pourquoi les ex-Maîtres de l’Univers sont si déprimés — leurs bonus chutent. Idem pour la valeur de leurs stock options.

* "Les banques ont du mal à obtenir des capitaux", commence un article du Wall Street Journal.

* Lorsque JP Morgan a acheté Bear Stearns, par exemple, tout le monde était d’avis que c’était du vol. On avait clairement atteint un plancher — c’est du moins ce qu’ils croyaient. Et ils avaient une garantie de 30 milliards de dollars de la Fed. Qu’est-ce qui pouvait mal tourner ?

* Mais le secteur financier tout entier a continué de couler… et voilà que l’accord de JP Morgan semble moins sûr.

* Le plus étonnant, quant au point de vue de Cramer, c’est qu’il semble être surpris. Que croyait-il ? Que la bulle du secteur financier pouvait enfler éternellement ? Ou que la Fed pourrait la regonfler même après une fuite majeure ?

* Désolé, Jim, ça ne marche simplement pas comme ça.

* Le secteur financier représentait environ 10% de tous les revenus boursiers. Puis, à mesure que le crédit croissait, le secteur financier inventa de nouveaux moyens de séparer les gens de leur argent. Durant la période connue sous le nom de Grande Modération, le pourcentage de revenus provenant de Wall Street est passé à 40% du total. A présent, ce chiffre baisse. C’est la fin.

* Inutile de vous le dire ; la "Grande Modération" était une immense tromperie. Elle n’avait rien de modéré. Ca a été une période d’extravagance… d’excès… de consommation et d’emprunt excessifs… et de sottises farfelues. On affirmait par exemple que les sociétés de Wall Street "ajoutaient de la valeur" en reconditionnant les prêts hypothécaires subprime en titres divers qu’elles refilaient à des petites villes de Norvège. Et on pensait que la Fed avait vraiment appris à lisser les cycles économiques et pouvait donc éviter les accidents sérieux. L’inflation ? C’était un problème des années 70… et non du 21ème siècle.

* Mais toutes les bulles éclatent. Et la force d’une correction est égale et opposée à la tromperie qui l’a précédée. Naturellement, la correction du secteur financier doit être substantielle. Et la Fed n’arrive pas à y mettre fin. Lorsqu’une bulle éclate, les autorités peuvent pomper aussi fort qu’elles le veulent ; tout ce nouvel argent et ce nouveau crédit iront dans une nouvelle bulle, et non dans l’ancienne.

* On n’a pas vu de nouvelle bulle dans le secteur des dot.com, si ? Elle a éclaté il y a huit ans de ça, et n’est jamais revenue — en dépit de tous les efforts des banques centrales partout dans le monde. Et n’attendez pas une nouvelle bulle de l’immobilier. Nous avons probablement vu les prix de l’immobilier les plus élevés — en termes réels — de notre vie d’investisseur.

* Bulle… krach… bulle… krach… et ça continue. Un secteur gonfle… puis éclate.

* Et maintenant ?

** Les prochaines bulles seront probablement dans le pétrole… les matières premières et — selon de nombreux experts — les marchés émergents.

* Nous voyons l’air chaud entrer sur le marché pétrolier, par exemple. Barron’s rapporte que 260 milliards de dollars sont passés dans des stratégies indicielles sur les matières premières — par rapport à 13 milliards de dollars à  la fin 2003.

* Et si l’on observe un graphique du Nasdaq entre 1990 et 2000, nous voyons qu’il a un air familier. Oui, cher lecteur, le marché pétrolier 1998-2008 ressemble beaucoup au marché des dot.com (tel qu’il s’échangeait sur le Nasdaq) huit années auparavant.

* Bien entendu, il y a de nombreuses raisons de penser que le pétrole deviendra de plus en plus cher. Mais les raisons de penser que les dot.com continueraient à grimper ne manquaient pas non plus. Idem pour les prix des appartements à Miami. Ou ceux des bulbes de tulipes.

* "Le pétrole, c’est différent", nous direz-vous. L’économie ne peut pas fonctionner sans lui. De plus en plus de gens en achètent. Les Nigérians font exploser des pipe-lines. La production a atteint son sommet. T. Boone Pickens dit qu’il va grimper. Les Chinois font des réserves en prévisions des Jeux olympiques, et ainsi de suite.

* Peut-être. Mais les êtres humains sont faillibles. Plus ils ont de raisons de croire en quelque chose… plus ils le croient à l’excès. Et plus ils sont tristes lorsque leurs croyances se révèlent fausses.

* En ce qui concerne les marchés émergents, Alan Abelson, dans Barron’s pense qu’ils sont eux aussi en mode bulle. Le "découplage" n’est que sottises, pense-t-il. Lorsque l’économie mondiale prendra le chemin de la baisse, ils lui emboîteront le pas.

* Mais bon nombre de marchés émergents sont déjà en baisse — largement. Shanghai a perdu 50%. Le Vietnam plus encore. S’agit-il de bulles qui ont explosé… et ne peuvent plus être regonflées ? Ou bien s’agit-il de bulles en devenir… qui attendent la prochaine bouffée d’air chaud ?

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