La Chronique Agora

Le rhodium, ce petit métal qui monte, qui monte (1)

Toute la smala des platinoïdes est passée en revue dans le rapport de Johnson Matthey. Le palladium, le plus grand par sa production. Le platine, plus connu et quatre fois plus cher que le précédent. Le petit rhodium, dont la production est de huit à dix fois inférieure à celle de ses cousins. Mais notre rhodium se venge : c’est le plus cher de tous les métaux précieux. Pour longtemps, et voici pourquoi.

Le marché du rhodium est tendu
Que nous apprend Johnson Matthey ? Que pour l’année 2007, "le marché du rhodium devrait être proche de l’équilibre, avec un déficit limité à 4 000 onces". Si je vous dis que l’once troy avec laquelle on mesure le poids des métaux fins pèse 31,10 grammes, 4 000 onces, cela représente… moins de 125 kilos ! C’est peu sur une année, et représente moins de 0,5% de l’offre. Voilà donc la prévision 2007 de Johnson Matthey : il manquera 125 kg de rhodium pour que la demande soit satisfaite, contre 528 kg l’année précédente.

Le cours s’est envolé
Bref, le déficit de rhodium recule. Doucement. Mais son prix ne cesse de monter : de 2004 à 2006, son cours moyen a pris environ 100% par an — vous avez bien lu. A cette heure, notre métal semble mettre de l’eau dans son vin et ne prend plus que 36,6% depuis le dernier réveillon. En même temps, il a touché voilà quelques semaines un record historique à plus de 6 800 $ l’once. Là encore, vous avez bien lu. Selon nos calculs, le gramme de rhodium vaut presque 150 euros, contre un peu plus de 17 euros pour le gramme d’or.

La demande est soutenue par la forte croissance du marché automobile…
… Ainsi que par les normes environnementales qui ne cessent de se durcir ! Nos PGM sont indispensables au fonctionnement des pots d’échappement de l’industrie automobile, qui consomme 90% de la production. Selon le type de carburant, on mélange à des degrés divers une petite quantité de ces PGM, et ils contribuent à la filtration des rejets automobiles. Or la voiture n’est pas vraiment un marché mondial en perdition… Il faut donc de plus en plus de PGM, dont le rhodium fait partie.

Origines d’un métal mystérieux
D’où vient ce petit métal précieux ? Cette année, le monde ne devrait en produire que 804 000 onces (oz) — 25 petites tonnes — de rhodium, nous dit Johnson Matthey. C’est 20 000 oz de moins qu’en 2006. En outre, 86% du métal vient d’Afrique du Sud, dont la production n’a presque pas progressé (+ 5 000 oz). En cause : accidents, grèves, pannes de raffineries. Classique…

En fait, cette baisse de l’offre est imputable à la Russie, deuxième producteur de rhodium avec 9% du total : de 95 000 oz en 2006, l’offre — et non la production, nous verrons pourquoi ensuite — de la Mère Russie devrait tomber à 70 000 oz cette année. Le calcul est simple : + 5 000 en Afrique du Sud, – 25 000 en Russie, pas de changement pour les autres producteurs — ou si peu : le solde négatif de 20 000 oz, c’est la faute des Russes !

Une intrigue sur les toits moscovites
Dans le pays de Vladimir Poutine, c’est Norilsk Nickel, un géant minier, qui assure l’essentiel de la production. L’une des causes de cette baisse est de nature réglementaire : c’est le Gokhran, le Trésor d’Etat russe, qui délivre les autorisations d’exportation de métaux précieux et de gemmes. Contrairement à ce que l’on croit souvent en Occident, la structure du pouvoir russe est très complexe et pas si "verticale" que cela. On parle en russe de "toits" pour désigner ses "protecteurs". Eh bien il existe une hiérarchie entre tous ces "toits", et parfois des conflits entre eux.

Justement, les oligarques Vladimir Potanine et Mikhail Prokhorov étaient les deux premiers actionnaires du holding qui contrôle Norilsk. Tout allait bien quand ils s’entendaient, mais ils ont fini par se disputer en début d’année. Ils sont en train de "divorcer", d’autant que des rumeurs de nationalisation de Norilsk courent régulièrement. Or une méthode simple et efficace de faire pression sur un mineur — pour qu’il fasse ce que vous voulez — consiste à bloquer les licences d’exportation de sa production.

La Russie fait le prix du marché
Johnson Matthey l’écrit clairement : au début de l’année, "les prix [du rhodium] sont soutenus par une absence d’exportations russes résultant de la non délivrance des licences d’exportations". Les premières licences pour l’année 2007 sont arrivées… mi-avril. Il s’est passé exactement la même chose avec le palladium en début d’année dernière : ce n’est donc pas un coup d’essai. Quelque part, la logique russe est similaire à celle du gaz naturel, dont le rôle politique est bien connu. Votre rédacteur pense à Vladimir Poutine chaque fois que sa chaudière se déclenche… car comme nombre d’entre vous, il se chauffe au gaz russe. Et ne peut faire autrement. Eh bien, les industriels de l’automobile sont dans la même situation vis-à-vis du rhodium.

Nous verrons pourquoi dans le détail, dès demain…

Meilleures salutations,

Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora

(*) Journaliste et rédacteur financier, Emmanuel Gentilhomme a déjà collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macro-économie et à tous les domaines de l’investissement — et notamment aux ressources naturelles.

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Source : www.edito-matieres-premieres.fr/0128/metaux-precieux/rhodium-metal-monte.html

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