La Chronique Agora

Le rêve américain… et son revers

** Il y a 60 ans environ, pour rester à flot aux Etats-Unis, il fallait épargner un dollar ou deux. Aujourd’hui, il faut… emprunter un dollar ou deux.

– Chaque jour qui passe, les Américains ajoutent 2,43 milliards de dollars à leur dette nationale record — et le dollar continue de décliner.

– Et que font les Américains ?

– Ils consomment plus encore, même si cela implique de puiser dans leur épargne ou de contracter des dettes qu’ils ne pourront jamais rembourser.

– Pourquoi ?

– Cela a tout à voir avec une lutte économique… une crainte innée et tout à fait américaine d’être laissés pour compte (ou, pire encore, complètement ignorés)… Cela concerne la lutte de chaque individu pour obtenir sa part du gâteau.

– Les grandes figures politiques US rappellent constamment le "Rêve Américain" et tout ce qu’il implique, parlent de devenir "une société de propriétaires, comme s’ils disaient qu’on peut mieux faire, réussir mieux et ainsi trouver le bonheur.

– Tout cela trouve ses racines dans le grand marché haussier qui a suivi la Seconde guerre mondiale. Cette glorieuse expansion économique a donné naissance à la première classe moyenne légitime des Etats-Unis.

– Toutes les familles américains pouvaient désormais avoir une maison avec jardin, une nouvelle Oldsmobile, voire une Cadillac ! Le "Rêve Américain" était né une nouvelle fois, sous une forme inédite, sans les entraves d’un avertissement qui remontait à une génération à peine.

– Et si vous ne pouviez pas suivre vos voisins, les nouvelles sociétés Visa et MasterCard pouvaient vous y aider.

– Les dieux qui manipulent les ficelles de la finance moderne nous offrent une solution faustienne : le plaisir de la consommation sans la douleur de l’épargne. M. et Mme Consommateur ont dépensé plus d’argent qu’ils n’en ont en banque ? Pas de problème, ils peuvent le rembourser le mois prochain… ou le mois suivant… ou peut-être jamais.

– On leur a dit d’attendre plus pour moins cher… On leur assuré qu’on pouvait sans problème dépenser plus qu’on ne gagne.

– C’est le jeu auquel joue une nouvelle génération américaine… une classe d’enfants jouant à des jeux d’enfants… une génération élevée à la gratification instantanée.

– Il ne faudra pas longtemps avant que la notion de survie financière ne requière plus d’efforts que simplement signer son nom au dos d’une carte de crédit.

** Mais attendez une minute… comment en sommes-nous arrivés là, demandez-vous ?

– Je dirais que la distance entre la théorie économique et la réalité économique, dans la plupart des cas, est d’environ un pied. C’est la distance approximative entre votre cerveau et votre cœur.

– Comme le souligne Bill Bonner dans son dernier livre (disponible en France dans quelques mois), "les convictions des gens naissent non pas des preuves fournies par le cerveau, mais des préjugés amplifiés par le coeur".

– La majeure partie des théories économiques modernes restent basées sur le principe que l’homme est un être rationnel. Quiconque passe plus de cinq minutes sur la planète Terre sait que l’homme est rarement rationnel. Comme l’explique Bill Bonner : "les êtres humains ne sont ni bons ni mauvais ; ils sont simplement sensibles aux influences".

– La raison semble simple. Les gens sont réconfortés par le fait que beaucoup d’autres personnes ont fait les mêmes choix… comme des supporters soutenant une équipe. Les êtres humains gravitent naturellement vers la foule. Et "les foules ne peuvent pas penser. Elles peuvent seulement ressentir et agir".

– Leur comportement ne semble donc rationnel que parce que "tout le monde le fait".

– C’est là qu’entre en scène Alan Greenspan, Grand Prêtre de la consommation financée par la dette. Durant près de deux décennies, l’ancien président de la Réserve fédérale a énoncé des platitudes débonnaires sur l’importance de l’épargne et de l’investissement, tout en actionnant tous les leviers monétaires possibles et imaginables pour s’assurer que les Américains empruntent et consomment, ou empruntent et spéculent… ou empruntent simplement, sans plus de nécessité.

– Durant son mandat, il a baissé les taux court à 1%, stimulant ainsi une économie qui n’avait nul besoin de stimulation supplémentaire. "Il a appliqué des taux d’urgence", selon la phrase de James Grant, "alors qu’il n’y avait pas d’urgence".

– Les récents commentaires d’Alan Greenspan recueillis par Lesley Stahl durant l’émission 60 Minutes nous ont donc semblés peu sincères, ou peut-être juste étourdis.

– Greenspan a déclaré qu’à long terme, le plus gros problème de l’économie US était "la réémergence de l’inflation" et la hausse des taux d’intérêt.

– Hmm… Greenspan n’était-il pas le président qui a dirigé une série de bulles financières ? N’a-t-il pas été le président qui a combattu chacune de ces bulles par des doses d’urgence de crédit facile ? Et n’est-il pas, par conséquent, le président qui a semé les germes de la tendance inflationniste qu’il trouve si problématique, maintenant que Ben Bernanke est sur la sellette ?

– Ce n’est peut-être pas de la faute de Greenspan si les Etats-Unis se trouvent désormais plus endettés que jamais, et en possession de dollars largement dévalués. Mais ce n’est pas non plus PAS de sa faute.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile