La Chronique Agora

Le retour du risque en France (1/3)

La crise politique actuelle en France, issue de décennies d’échecs économiques, pourrait déclencher une crise financière inédite.

La situation politique intérieure en France est sans précédent. Elle est le résultat de 43 ans (voire plus) d’échecs économiques et budgétaires, et reflète surtout l’incapacité de notre système éducatif à intégrer une grande partie de la population dans l’économie, la responsabilité et le travail. Il devient alors relativement facile pour des prétendus responsables politiques aux « extrémités » de l’échiquier politique de proposer des solutions simplistes, étant donné le bilan médiocre des partis politiques dits « responsables ». 

A tel point que cette classe politique dite « responsable » est incapable d’être crédible et de faire triompher la pédagogie sur la démagogie. C’est dommage, car nous aurions bien eu besoin de responsables crédibles pour disqualifier les extrêmes, notamment sur les thématiques suivantes : non, la mondialisation, l’Union européenne et l’euro ne sont pas à l’origine du marasme économique français ; ce n’est pas en spoliant les riches que les pauvres seront moins pauvres, bien au contraire ; l’immigration en tant que telle n’est pas à l’origine du taux de chômage encore élevé en France (malgré une décélération ces dernières années). 

Y a-t-il donc des risques de crise financière en France ?

Personne ne peut prédire si les taux à 10 ans français atteindront 4 %, 5 %, ou plus. Allons-nous entrer dans une période inédite dans l’histoire des marchés financiers, où la situation des actifs financiers d’un grand pays de la zone euro se reconnecte au risque politique intérieur ?  

A quoi pourrait ressembler ce scénario catastrophe (nous ne le considérons peu probable à ce stade) ? Nous pouvons citer, parmi d’autres événements : un dysfonctionnement du marché de la dette publique française, avec des déséquilibres brutaux entre l’offre et la demande, et des adjudications de bons du Trésor et d’obligations assimilables du Trésor systématiquement sous-souscrites ; des anticipations d’impossibilité de rachats par la BCE des titres d’un Etat remettant implicitement ou même explicitement en cause la discipline budgétaire (même s’il s’agit de la France) ; des ventes forcées de non-résidents ; une « grève » des achats de dette publique française par des investisseurs institutionnels français.  

Ne perdons pas de vue que pour l’année 2024, le Trésor public français prévoit d’émettre 296 Mds€ de nouvelles obligations, principalement via des adjudications mensuelles. Ces 296 Mds€ levés sur les marchés financiers ont deux objectifs : d’une part, comme chaque année depuis 49 ans, il s’agira de financer le déficit budgétaire « prévisionnel » de 144 Mds€ ; d’autre part, il servira à rembourser les 152 Mds€ de titres d’Etat émis dans le passé et arrivant à échéance cette année. On rappellera que les émissions sur les marchés portent sur des titres remboursés en capital à la fin (in fine), et donc avec de la dette nouvellement émise.  

Nous n’avons donc aucune référence historique pertinente, puisque les parallèles n’ont pas grand sens. 

  1. L’alternance de 1981 en France ne peut servir de référence car elle s’est produite dans un contexte où les marchés financiers n’existaient pas sous la forme qu’ils prennent aujourd’hui (pas de mondialisation de la finance, inexistence de la dérégulation et de la désintermédiation de l’économie, faible dette publique et absence des non-résidents et hedge funds dans la détention de cette dette).
  2. Les crises monétaires du début des années 1990 au sein du Système monétaire européen (SME) étaient des crises de change, consécutives à la réunification allemande et à la politique monétaire ultra-restrictive de la Bundesbank. A cette époque, les banques centrales française, italienne et espagnole suivaient la politique de la banque centrale allemande en relevant leurs taux directeurs pour défendre leurs parités de change attaquées, dans la perspective de l’Union économique et monétaire (UEM). Aujourd’hui, si crise il y avait, ce serait une crise de grande envergure des actifs financiers français, notamment des emprunts d’Etat français, sur lesquels la spéculation serait la plus vive (la monnaie nationale n’existant plus).

Dans notre prochain article, nous allons analyser les risques qui pèsent sur la France, en nous focalisant sur les emprunts d’Etat français, et donc sur la soutenabilité de la dette publique française.

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