La Chronique Agora

Le pétrole à 35 $ le baril… pas pour longtemps !

** Le pétrole brut approchant de son niveau le plus bas en cinq ans, à moins de 35 $ le baril, les investisseurs entreprenants ont de bonnes raisons de supposer qu’un nouveau marché haussier est sur le point de commencer. Evidemment, il se peut que le prix du pétrole continue de chuter dans les jours et les semaines à venir. Mais ne vous laissez pas berner ; à long terme, le prix va monter… peut-être même très haut.

– Quand le pétrole se vendait à 147 $, je pensais que le monde ne fonctionnait pas très bien lorsque les prix étaient aussi élevés dans le secteur de l’énergie. Beaucoup de choses ont cessé de fonctionner quand le baril a atteint les 147 $, particulièrement ce qui demande beaucoup d’énergie. On pense aux compagnies aériennes. Il fallait que quelque chose cède. Soit l’économie mondiale s’écrasait (n’y voyez pas de jeu de mots avec les compagnies aériennes…), soit le prix du pétrole chutait.

– Il se trouve que les deux se sont produits. L’économie mondiale est allée droit dans le mur, et le prix du pétrole s’est complètement effondré en seulement cinq mois. L’essence est de nouveau bon marché, au grand soulagement de notre économie à l’agonie.

– Voyons un peu quelques uns des avantages macro-économiques d’une essence moins chère aux Etats-Unis. Les statistiques du département de l’Energie annoncent que le pays consomme près de 9,4 millions de barils d’essence par jour. Ce qui fait 395 millions de gallons (pour 42 gallons par baril). Disons qu’un gallon d’essence est 2,75 $ moins cher qu’en juillet, quand il coûtait 4,40 $. Prenez 395 millions de gallons par jour, multipliez par 2,75 $ d’économies par gallon. Cela fait près de 1,1 milliard de dollars PAR JOUR économisés par les consommateurs américains. Cela fait plus de 32 milliards de dollars d’économie par mois, soit près de 400 milliards de dollars par an.

– Dans un sens, l’industrie pétrolière mondiale a offert une énorme baisse d’impôts aux Américains. On peut aussi appeler ça un "plan de renflouement" pour les consommateurs, sauf que le Congrès n’a pas emprunté d’argent pour le financer. Et ces 400 milliards de dollars ne sortent pas des poches des majors du pétrole tels qu’Exxon Mobil ou Chevron. Non, il s’agit d’une baisse d’impôts sur le pétrole de 400 milliards de dollars payée par les cheiks d’Arabie, Monsieur Poutine de Russie, le Generalissimo Chavez du Venezuela, et Monsieur Ahmadinejad d’Iran. Ça ne pouvait pas mieux tomber, non ?

** Mais aucune bonne affaire n’est une bonne affaire à 100%. Tout comme le monde ne fonctionne pas très bien à 147 $ le baril de pétrole, l’industrie de l’énergie ne fonctionne pas très bien avec un baril à 35 $. Si le pétrole à 147 $ était un problème, le pétrole à 35 $ n’est PAS la solution. A long terme, le pétrole bon marché pourrait même être encore pire pour le monde.

– Qu’est-ce que cela signifie ? Eh bien, à 35 $ le baril de pétrole, la motivation pour travailler sur l’efficacité de l’énergie et sa conservation baisse sérieusement. Voyez plutôt, les gens se sont remis à acheter des 4×4, quand ils parviennent à obtenir un prêt automobile.

– Le pétrole bon marché est aussi un obstacle à la construction de systèmes de production d’énergie nouvelle génération comme les éoliennes, le solaire, la géothermie, l’utilisation des marées et les biocarburants. Et pourtant, tôt ou tard, le monde aura besoin de ces structures.

– De plus, l’industrie de l’énergie traditionnelle a besoin de prix autour des 75 $ pour conserver le niveau d’investissement dans de nouveaux projets qui se construisent sur plusieurs années. Ne serait-ce que pour tenter de maintenir les niveaux actuels de production de carburants fossiles, qui déclinent de toute façon.

– La production de pétrole mondiale a déjà atteint un pic de près de 86 millions de barils par jour. Nous n’allions probablement pas changer ce rapport énergie/vie quand le pétrole coûtait 147 $. Mais nous ne le changerons certainement pas maintenant que le pétrole se vend à 35 $. C’est toute la problématique du Peak Oil.

– L’épuisement des réserves mondiales est avec nous toute la journée et tous les jours. De fait, nous avons pu voir une diminution rapide de la production de pétrole dans certaines régions pétrolières majeures du monde. La production de pétrole mexicaine diminue très vite. La Russie pourrait nous surprendre en 2009 avec des baisses de production importantes dans certains gisements anciens. L’Arabie Saoudite est problématique, malgré les paroles encourageantes en provenance de Riyad. Le problème, c’est que la majorité du pétrole mondial vient de gisements géants découverts il y a plus de 25 ans.

– Quand les gens disent des choses comme : "il y a encore beaucoup de pétrole là-dessous", ils n’ont pas forcément tort. Mais ils veulent dire qu’il y a beaucoup de pétrole là-dessous qui n’est PAS dans des gisements de pétrole géants. Il s’agit de pétrole que vous ne pourrez pas extraire avec seulement quelques puits à grande production, comme dans les grands gisements d’Arabie Saoudite ou de Russie.

– La foule des "beaucoup de pétrole" parle de molécules d’hydrocarbures (pas forcément du brut doux et léger non plus) dans des gisements qui sont plus dispersés, plus profond, au large, sous plus de couches de pierres et de sel, avec des températures et une pression plus élevés. Ou bien ils parlent de pétrole lourd, de bitume dans des sables asphaltiques, de kérogène dans les schistes bitumeux, voire de transformation du charbon.

– Quand les gens utilisent l’expression "beaucoup de pétrole", ils parlent de ce qui est coûteux. Il s’agit de pétrole qui demande des puits chers ou d’immenses infrastructures de traitement, forés ou construits avec une technologie à peine inventée. Et il s’agit de pétrole que vous ne verrez jamais si le baril reste trop longtemps à 35 $.

– C’est la raison pour laquelle l’or noir ne restera pas longtemps à 35 $ le baril.

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