La Chronique Agora

Le pétrole à 100 $ — et l'or ?

** Grande nouvelle : le baril de pétrole a dépassé les 100 $ pour la première fois cette semaine.

* Les actions, pendant ce temps, ne vont nulle part.

* Que se passe-t-il ?

* Commençons par la fin. "Achetez de l’or durant les creux… vendez les actions pendant les rebonds". Telle est notre Transaction de la Décennie.

* Hier, nous proposions une modeste hypothèse. Prises entre les feux croisés de l’inflation et de la déflation, les actions ont été immobilisées. Elles "devraient" baisser, mais elles reçoivent des signaux contradictoires. La déflation les force à baisser la tête — mais l’inflation les empêche de battre en retraite. Elles sont coincées.

* De nombreux analystes observent l’inaction des marchés et pensent discerner croissance et prospérité à l’horizon. "Si une récession était vraiment en chemin, les marchés la verraient certainement", disent-ils. Mais les marchés la voient bien ! Simplement, ils voient aussi autre chose arriver d’une autre direction — l’inflation. Ils sont pris entre les deux, sans nulle part où aller.

* L’or et le pétrole voient la même chose. D’un côté, la déflation "devrait" les faire baisser eux aussi. De l’autre, l’inflation les fera sûrement grimper. Mais ils ont une réaction différente de celle des actions. Pour commencer, ils sont plus mondialisés que les marchés actions. Alors que l’économie américaine ralentit, la Chine, l’Inde et l’Amérique Latine enregistrent encore une croissance rapide. Certes, ces pays vont devoir lever un peu le pied quand les consommateurs américains cesseront de tant acheter, mais ils ont leurs propres consommateurs pour prendre… peu à peu… le relais.

* Ensuite, alors que les Etats-Unis sont au centre du ralentissement économique déflationniste, l’inflation est un phénomène plus planétaire. Le taux d’inflation en Chine, par exemple, est plus élevé qu’aux Etats-Unis. Les prix des appartements à Buenos Aires… les tickets de métro à Paris… les hamburgers à Singapour — tout grimpe.

* Par le passé, l’inflation a toujours eu une carte nationale d’identité. L’inflation des années 20 se concentrait en Allemagne, où l’hyperinflation a fauché la classe moyenne et mis le pays en route pour la ruine. Les investisseurs ont dû déménager leur épargne en France ou en Angleterre pour y échapper. De même, en Argentine, l’inflation des années 80 était facilement évitable — il suffisait de mettre son argent dans une banque de Miami. Traditionnellement, le dollar était un refuge pour les gens souhaitant se protéger contre l’inflation — même si le billet vert lui-même perdait rapidement de sa valeur. En 1935, un dollar US avait à peu près le même pouvoir d’achat qu’un dollar US de 1800. Mais à partir de là, il a entamé un déclin rapide… effaçant 95% de sa valeur au cours des 70 ans qui suivirent. Tout de même, les gens qui avaient de l’argent préféraient généralement le conserver en dollars plutôt qu’en zlotys, par exemple. Le dollar perdait peut-être de la valeur, mais il le faisait de manière douce, apparemment contrôlée.

* Les temps ont changé, désormais. Un nouveau genre d’inflation est apparu — il est pratiquement partout… dans tous les pays… et risque d’échapper à tout contrôle. Voilà pourquoi l’or atteint de nouveaux sommets — par rapport à toutes les devises … et tous les marchés… ou presque… dans le monde.

** On appris hier que la Fed avait discrètement prêté environ 50 milliards de dollars à ses membres en utilisant une nouvelle méthode — des "enchères" permettant aux banques de présenter des nantissements non-conventionnels. Le gouvernement américain ne publie plus les chiffres du M3, la mesure la plus large de la masse monétaire, mais selon certains analystes, elle grimpe de 15% par an — soit environ six fois plus rapidement que le PIB US.

* La majeure partie de cet argent termine en dehors des Etats-Unis. C’est également là que finit la majorité de la dette du Trésor US. Le dollar est la principale exportation des Etats-Unis — et celle qui a la marge la plus élevée. Cela a forcé les banques centrales étrangères à créer plus de leurs propres devises pour acheter ces dollars, sans quoi elles se seraient trouvées confrontées à un désavantage concurrentiel : le dollar aurait chuté par rapport à leurs devises locales, rendant leurs exportations plus chères sur les marchés mondiaux. 

* Le monde entier est donc noyé sous le papier. Des dollars papier… des euros papier… des rands papier… des cordobas papier… du papier monnaie de toutes sortes. Où l’investisseur peut-il aller pour échapper à ces flots de papier ? Que peut-il acheter pour se protéger de l’inflation ? Comment peut-il respirer ?

* Eh oui : l’or. Voilà pourquoi le marché haussier actuel de l’or pourrait être encore plus impressionnant que le précédent. A l’époque, à la fin des années 70, c’était principalement le dollar US qui souffrait de l’inflation… et principalement les Américains, voire les exportateurs de pétrole arabes, qui achetaient de l’or. Les Russes en étaient encore à construire des voitures qui ne roulaient pas. Les Chinois se remettaient de leur Grand Bond en Avant des années 60, et démontaient leurs aciéries de jardin. Quant aux Indiens, ils n’étaient pas encore réveillés.

* A présent, le monde est différent. Le papier monnaie y est plus abondant que jamais… et des milliards de gens alertes voudront s’en protéger. Ils essaieront peut-être les actions… ou l’immobilier… ou les Rembrandt… mais traditionnellement, la solution la plus sûre et la plus simple, c’est l’or.

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