La Chronique Agora

Le concours d’hypocrisie du FMI et de la Banque mondiale

A la dernière réunion du FMI et de la Banque mondiale, les Etats-Unis ont été critiqués pour leur « guerre commerciale » et leurs velléités protectionnistes.

« Si les droits de douane devaient se généraliser et augmenter de 10%, on aurait partout une hausse significative des prix importés et donc des pertes de pouvoir d’achat. On assisterait alors à une baisse du PIB mondial d’au moins 2% », chiffre François Villeroy de Galhau, le président de la Banque de France.

Le jeu des accords gagnant-gagnant veut que chacun échange ce qu’il sait le mieux faire pour acquérir ce qu’il sait moins bien faire. Les droits de douane ne sont qu’une forme d’impôts qui frappe ceux qui achètent des biens importés et – comme tout impôt – ampute le pouvoir d’achat sans être créateur de richesse. Mais chiffrer avec une telle précision les effets du protectionnisme ne peut que laisser béat d’admiration.

Etrange que nos technocrates omniscients ne poursuivent pas leur raisonnement : inversement, si on baissait les droits de douanes, le PIB devrait augmenter. Ils devraient pouvoir nous calculer ça aussi. En France, les droits de douane s’échelonnent de 3% à 20% pour les produits importés hors Union européenne. Pourquoi ne pas les supprimer ? Ce serait trop simple ?

Le thème désormais éculé du « trop de dettes »

Le FMI et la Banque mondiale débattaient aussi sur le thème éculé du « trop de dettes ». Il faudrait « profiter de la bonne conjoncture pour réduire la dette et mener les réformes » indique Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, participant à ce bal des hypocrites.

Réduire la dette n’est pas du tout la priorité des Etats-providence depuis qu’elle est disponible en quantité semble-t-il illimitée et ne coûte rien. Le système monétaire et financier est au contraire conçu pour la favoriser.

Ce qui nous ramène à notre brève histoire de la monnaie, de Sumer au bitcoin, entamée la semaine dernière.

Episode 9 : après la fin de Bretton Woods, l’avènement du créditisme

Après la fin des accords de Bretton Woods, en 1971, toutes les monnaies sont flottantes, sans ancrage dans le réel. Les matières premières se négocient en dollar. Pour avoir du pétrole, il faut des dollars. Les dollars s’exportent donc facilement et les banquiers centraux les stockent. Bien sûr, ils ne stockent pas des liasses de billets verts mais des bons du Trésor américain qui rapportent un petit quelque chose.

Parallèlement, les banques commerciales collectent les dépôts et sont autorisées à créer du crédit, de l’ordre de 10 à 30 fois leurs fonds propres (l’argent que les actionnaires de la banque ont mis au pot).

Nous entrons dans un système selon lequel « les crédits font les dépôts ».

Lorsqu’une banque accorde un prêt, l’argent correspondant est créé et apparaîtra comme dépôt ailleurs. Par exemple vous achetez un bien immobilier à crédit et le prix de votre bien devient un dépôt dans la banque de votre vendeur.

Le système dit des réserves fractionnaires permet aux banques de ne consigner qu’une infime partie des dépôts auprès de la banque centrale dont elle dépend.

Les banques commerciales reçoivent une patente pour prêter de l’argent qui n’existe pas encore. En effet, pour 1 de dépôt, les banques commerciales peuvent en prêter 99. C’est ce qu’on appelle le système des réserves fractionnaires.

Cet argent est prêté pour des dépenses privées (ce que votre conseiller financier appelle « vos projets ») ou des investissements, ou enfin des dépenses publiques.

Le capital prêté n’existe pas (à 99 %), les prêteurs ne prennent donc pas de risque, surtout s’ils prêtent à des États, ces mêmes États qui leur ont accordé leur licence de création monétaire.

Les prêteurs en mauvaise posture seront sauvés par la Banque centrale, leur État — donc vous, contribuable.

Des faux-monnayeurs adoubés par l’Etat

« Dans son essence, la création monétaire ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique, je n’hésite pas à le dire pour bien faire comprendre ce qui est réellement en cause, à la création de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement condamnée par la loi. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents ».
Maurice Allais, La Crise mondiale aujourd’hui, éd. Clément Juglar, 1999

Ce système n’a rien à voir avec le capitalisme. Il fonctionne avec du crédit et non pas de l’argent existant déjà.

Le créditisme repose sur deux piliers

 

 

C’est un système éminemment instable qui ne peut supporter que la croissance du crédit. Tout resserrement du crédit privé en circulation entraîne des faillites et donc des récessions. Tout resserrement de la dette publique entraîne une diminution de la consommation subventionnée par les dépenses de redistribution.

Les banques centrales sont censées réguler la masse de crédit en ajustant leurs taux directeurs.

Des crises financières toujours plus fréquentes

Les crises financières et bulles spéculatives se succèdent, toujours plus rapprochées et plus graves :

 

 

 

 

La croissance de la dette implique une baisse forcée des taux d’intérêt à long terme. Il faut que les zombies financiers puissent donner l’apparence d’être viables en acquittant les intérêts d’une dette dont ils sont incapables de rembourser le principal.

A chaque crise, les banques centrales baissent leurs taux directeurs. Elles les relèvent ensuite mais sans retrouver le niveau antérieur.

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