Par Isabelle Mouilleseaux (*)
Jusqu’à très récemment, le charbon était passé de mode. Trop salissant, extrêmement nocif pour l’environnement et participant très activement au réchauffement climatique… Pourquoi ce retour en grâce ?
L’énergie low-cost a le vent en poupe
L’envolée des cours du brut fait mal ! 90 $ en ce moment, jusqu’à 100 $ récemment… Après tout, pourquoi payer cher une énergie qu’on peut obtenir à moindre prix ? Car pour l’instant les énergies propres ou renouvelables (vent, eau, solaire, géothermie…) ne sont pas encore disponibles — notamment dans les pays comme la Chine, le Brésil ou l’Inde. Les infrastructures nucléaires sont loin d’être développées. Face à l’envolée de la demande, ne reste donc, immédiatement disponible, que le brut et le charbon.
Et plus le prix du brut grimpera, plus la demande aura tendance à se reporter sur le charbon. Or la tendance des cours du pétrole est clairement haussière ! L’effet de substitution n’a donc pas fini de faire parler de lui…
Au cœur de la problématique : la Chine, toujours elle !
La Chine affiche des taux de croissance à deux chiffres année après année. A nous faire pâlir d’envie…
Seulement voilà : plus l’activité tourne et se développe, plus il faut y injecter des matières premières et de l’énergie. Sans énergie ni matières, pas d’industrie, pas de développement, pas de croissance. Or la Chine fonctionne au charbon : plus de 80% de son électricité émane du charbon !
Premier producteur et consommateur mondial de charbon
Côté offre, la Chine a extrait 2,38 milliards de tonnes de charbon de ses sous-sols en 2006. C’est le double de ce que produisent les Américains. Tous les trois jours, la Chine ouvre une centrale à charbon flambant neuve ! Et d’ici à 2011, elle aura accru sa production annuelle de 800 millions de tonnes.
Jusqu’à très récemment, elle exportait — mais depuis juillet 2007, la voici devenue importatrice nette pour la première fois de son histoire. Voilà pourquoi les prix du charbon en Asie ont grimpé de 30% en 2007.
La demande intérieure chinoise pour l’énergie est en forte hausse (+15%) et la demande de charbon devrait croître de 5% l’an dans les années à venir.
La pression est globale
Quelques chiffres clé : 40% de l’électricité mondiale est issue du charbon. Aux Etats-Unis, plus de la moitié de l’électricité vient du charbon. En Chine et en Australie, c’est 80% de l’électricité qui en émane. En Afrique du Sud et en Pologne, plus de 90%. Vous comprenez pourquoi les Etats-Unis, la Chine et l’Australie refusent de signer le protocole de Kyoto !
Les consommations américaine, russe et chinoise ne cessent de croître. Sur les dix dernières années, la consommation de charbon a grimpé de 61% en Asie !
130 ans de réserves !
La bonne nouvelle, c’est que nous avons pour 130 années de réserves de charbon dans nos sous-sols, au rythme actuel de consommation annuelle. La mauvaise, c’est que nous aurons probablement asphyxié notre planète avant même d’avoir pu consommer ce stock ! Des recherches intenses ont pour objet de capter le CO2 émis par les centrales au charbon et de le séquestrer, voire l’injecter dans des gisements de pétrole pour accroître leur production. Mais il faudrait aller plus vite…
En cela, je suis 100% d’accord avec l’allocution du Prince de Galles devant le Parlement européen : "l’horloge du Jour du Jugement dernier pour le changement climatique avance toujours plus vite vers les douze coups de minuit. Nous n’agissons tout simplement pas assez vite"…
Trois gouttes font déborder le vase
Première goutte : la pire tempête de neige enregistrée en Chine depuis 50 ans a fait violemment reculer la production de charbon ces derniers jours. Le déficit d’offre devrait certes être ponctuel, mais il renforce la pression sur les prix.
Deuxième goutte : l’Afrique du Sud — gros exportateur de charbon — est dans le noir ! Les coupures d’électricité et le rationnement empêchent les minières de travailler. AngloAmerican a fermé ses mines de charbon. Et pour le coup, le problème devrait durer quelques années ! Le déficit d’offre qui en résulte pourrait donc être une tendance de fond.
Troisième goutte : l’Australie — après avoir été confrontée à des sécheresses que, de mémoire d’homme, on n’avait jamais connues, la voici confrontée à un déluge de pluies, avec son cortège d’inondations (la terre étant sèche, elle n’absorbe pas l’eau !). Ainsi, le premier exportateur de charbon, BHP Billiton Mitsubishi Alliance, a revu à la baisse ses objectifs de production de charbon pour l’année en cours. Ses mines sont inondées ! Même chose pour Xstrata qui a fermé deux de ses mines.
Essayez d’allumer un feu avec du charbon mouillé…
Allez donc voir du côté des producteurs de charbon
Si vous avez un peu de temps à perdre, je vous recommande d’aller voir du côté des producteurs de charbon. Cela vaut le coup ! Leurs cours s’envolent, qu’ils soient chinois, américains, polonais, russes et même sud-africains…
Pour vous convaincre, regardez l’évolution sur un an de l’indice charbon du Dow Jones US : +100% !
Affaire à suivre…
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
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