La Chronique Agora

Le baril de pétrole est trop cher en termes d'or

** Les Saoudiens ont annoncé qu’ils réfléchiraient à augmenter la quantité de pétrole qu’ils extraient. Ils ont dit qu’ils pourraient augmenter la production de 200 000 barils par jour.

* Attention, cher lecteur… les marchés fonctionnent encore. Le remède des prix élevés, ce sont les prix élevés. Les prix élevés encouragent les producteurs à augmenter leur production… et les consommateurs à réduire leur consommation. Tôt ou tard, le remède fait son effet — et les prix chutent. Vendredi, le pétrole a clôturé sur un sommet historique, à 134 $. Même s’il reste encore de la marge à la hausse, le danger est à la baisse.

* Les analystes se demandent encore pourquoi le prix du pétrole est si élevé. "L’offre et la demande", déclarent les haussiers du pétrole. "Spéculation", disent les baissiers du pétrole. "Les pétrolières sont des profiteuses", disent les politiciens.

* Les bons… les brutes… et les truands — toutes les opinions sont là.

* Mais il y a seulement deux véritables raisons pour lesquelles le prix du pétrole a tant grimpé. La première, c’est que plus de gens en utilisent. Et les nouveaux utilisateurs ne sont pas les mêmes que les anciens. Les revenus américains stagnent depuis 30 ans, plus ou moins. Lorsque le prix du carburant grimpe, les gens doivent prendre de l’argent sur leurs budgets pour compenser — ou conduire moins. Actuellement, ils font les deux.

* Mais les nouveaux utilisateurs vivent dans des pays comme l’Inde, la Russie, la Chine et le Brésil. Ils peuvent se permettre d’utiliser plus d’énergie, même avec la hausse des prix, parce que leurs propres revenus doublent tous les sept à 10 ans.

* Et ils ne font pas grimper uniquement les prix de l’énergie. Les marchés émergents ont consommé 36% du cuivre mondial en 1998. A présent, ils en avalent 59%. Le zinc aussi ; les marchés émergents utilisent 63% de la production mondiale, par rapport à 43% il y a 10 ans. On peut faire toute la liste des matières premières ; l’histoire est la même partout. Le monde développé possède déjà assez de réfrigérateurs et d’automobiles. Les gens remplacent seulement ce qu’ils ont. Mais sur les marchés émergents… la place pour vendre plus d’appareils, de maisons, d’automobiles et tout le reste de l’attirail de la vie moderne ne manque pas. Dans ces pays, dès que les gens ont plus d’argent, ils vont s’acheter une machine à laver. Tant mieux pour eux. Mais cela signifie que le marché des ingrédients qui ont fait la base de l’âge des machines n’est plus contrôlé par les consommateurs occidentaux. Et cela signifie — pour la toute première fois — que même si les économies de l’Occident pètent les plombs, les prix payés par les ménages occidentaux pourraient continuer à grimper.

* Ce sont de mauvaises nouvelles — surtout pour le ménage américain moyen ; il a tant de dettes qu’il ne peut pas se permettre une hausse des prix de l’énergie. Et ce sont aussi de mauvaises nouvelles pour le secteur qui a mis tant de dettes sur les épaules des Américains. Depuis 2006, les prix des maisons US ont baissé de 16%. Bien entendu, cela a transformé bon nombre de crédits adossés aux créances hypothécaires en ordures. Les banques et d’autres institutions financières ont déjà fait passer 350 milliards de dollars d’entre eux en pertes et profits. Il semble raisonnable de prévoir 300 milliards de dollars de pertes supplémentaires. Mais le système bancaire US tout entier ne possède que 1 300 milliards de dollars de valeur ; si bien que ces quantités représentent une part considérable des capitaux totaux des banques… et un coup dur pour le secteur dans son entier.

* Naturellement, les banques et les courtiers se sont précipités pour apporter plus d’argent. Et on s’attend à ce qu’ils annoncent des baisses de dividendes conséquentes, cette semaine, pour préserver leurs liquidités. Vous vous rappellerez, cher lecteur, que lorsque le secteur de la finance a chuté à l’automne dernier, bon nombre d’investisseurs ont pensé voir là une opportunité de se positionner sur des enseignes de prestige, comme MBIA et Citigroup, à des niveaux défiant toute concurrence.

* Hélas, ça n’a pas marché. Comme nous le disons sans arrêt, lorsqu’une bulle explose… pas moyen d’y réinjecter de l’air. Vous pouvez pomper, mais l’air passe dans un nouveau secteur.

** Ce qui nous amène à la seconde raison pour laquelle les prix des matières premières ont grimpé : parce que le dollar, comme d’autres devises, a chuté. Il suffit de regarder le prix du pétrole en termes d’or. Il y a dix ans, une once d’or achetait jusqu’à 26 barils de pétrole. Aujourd’hui, il faut 13 fois plus de dollars pour acheter un baril de pétrole qu’en 1998, mais seulement deux fois plus d’or. A présent, une once d’or achète sept barils de pétrole. Selon ce critère, soit le pétrole est trop cher, soit l’or est trop bon marché. Qu’on le mesure en dollars ou en or, le pétrole est élevé. Il a grimpé de 1 300% en dollars, et de 350% en termes d’or. Mais si l’on avait échangé des dollars contre de l’or à 260 $ l’once il y a dix ans, le carburant ne semblerait pas si cher.

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