La Chronique Agora

L'affligeante histoire de la fausse devise

L’histoire a montré que l’argent — non pas contrefait, mais de l’argent officiel, imprimé par le gouvernement — se dévalorise souvent jusqu’à devenir quasiment sans valeur. Parmi quelques exemples, on peut inclure les roubles russes d’avant la Révolution, les billets de 50 millions de marks de l’Allemagne des années 20 et les pesos cubains pré-Castro. Dans tous ces cas, des changements politiques et économiques radicaux ont détruit la valeur des devises — de manière soudaine, complète et permanente.

Quel genre d’événements pourrait faire la même chose au dollar, et que pouvez-vous faire aujourd’hui pour vous positionner stratégiquement ? La chute potentielle du dollar est une bonne nouvelle si vous savez quelles mesures prendre. Les Etats-Unis ne sont pas aussi solides qu’on le croit. Dans les années 30, 20% de toutes les banques américaines ont fait faillite, tandis que 15% de l’épargne partait en fumée. Après les mesures d’urgence mises en application par le président Franklin D. Roosevelt dans le cadre du Emergency Banking Relief Act de 1933, la confiance fut restaurée grâce à une nouvelle manœuvre législative : le Glass-Steagall Act de 1933. Cette loi créait la Corporation d’assurance des dépôts fédéraux (Federal deposit insurance corporation, FDIC), assurant tous les dépôts des banques américaines contre les pertes.

La gravité croissante de la situation avait été largement anticipée. Le journal financier Barron’s, établi en 1921, déclarait dans un éditorial de 1933 : "depuis début décembre, Washington savait qu’une crise bancaire et financière majeure était probablement inévitable. Ce n’était qu’une question de savoir d’où proviendrait la première rupture, et de quelle manière elle se produirait".  

Deux semaines auparavant, le même journal prévenait ses lecteurs que lorsque le dollar commence à perdre de la valeur, cela mène à une série de "fuites" — de l’immobilier vers les dépôts bancaires, des dépôts vers la devise, et finalement de la devise à l’or.

Nous pouvons appliquer ces observations astucieuses de 1933 à la situation monétaire actuelle. A l’époque, le gouvernement, anticipant une fuite de la devise vers l’or, avait déjà déclaré qu’il était illégal de stocker de l’or, ou même d’en posséder. La seconde mesure — assurer les comptes des banques fédérales — a aidé à calmer le jeu. En empêchant la panique, ces actions permirent la stabilisation de la devise. Mais à cette époque, les Etats-Unis étaient encore dans le cadre de l’étalon-or. La devise en circulation était, dans les faits, adossée à une chose tangible. Imaginez un parieur qui demande des jetons de plus en plus élevés : il finira par se retrouver à court de crédit. A un moment ou à un autre, le patron du casino se rendra compte que les capacités de remboursement du joueur sont douteuses. Peut-être que ses jetons ne sont qu’un tas de reconnaissances de dettes qu’on ne pourrait jamais encaisser.

Durant les années 30, les causes de la Grande dépression étaient complexes mais liées à une série d’abus évidents commis dans le cadre des politiques monétaires, financières et bancaires. L’histoire a simplifié le problème en accusant la Dépression du krach boursier. L’impression débridée de monnaie — c’est-à-dire l’expansion d’une économie basée sur les reconnaissances de dettes — est une bonne nouvelle pour quiconque reconnaît le potentiel de l’or.

L’or est le principal bénéficiaire de politiques monétaires imprudentes et de la fameuse Guerre contre la Terreur. Vérifiez la valeur moyenne d’une once d’or sur la décennie passée. Elle grimpe avec régularité depuis la fin 2001, passant de 275,50 $ le 30 novembre 2001 à 783,50 $ le 30 novembre 2007, avant de grimper encore, quelques semaines plus tard, à 936 $. Cette évolution du prix de l’or peut être attribuée en partie au moins aux attentats du 11 septembre 2001. Mais elle reflète également les politiques monétaires de la Fed et la spirale d’une reprise économique basée sur la dette.

Ces faits sont troublants pour le dollar, mais — à nouveau — ce sont d’excellentes nouvelles pour l’or. Rappelez-vous ce qu’était la situation politique et économique mondiale au début des années 1970 : un dollar faiblissant, de l’argent facile et une situation géopolitique tendue. Cela vous rappelle quelque chose ? Nous sommes revenus aux conditions qui prévalaient lorsque le cours de l’or est passé de 35 $ à plus de 850 $ l’once en 1980. Depuis 1995, la valeur de la devise en circulation a quasiment doublé (avec une hausse de 95,7%) ; en 2006, "l’argent factice" injecté dans l’économie atteignait 783,5 milliards de dollars. La politique de la Fed ressemble à un slogan publicitaire : "Besoin d’argent ? Nous allons en imprimer".

Les chiffres prouvent que l’or sera l’investissement du futur. La quantité totale d’or extrait dans le monde atteint en moyenne 80 millions d’onces par jour, mais la demande est à 110 millions d’onces. Si les banques centrales veulent maintenir la valeur de l’or constante, au moins 30 millions d’onces doivent être vendues tous les ans sur le marché. Cela leur met la pression. A mesure que le dollar flanche, les banques centrales voudront augmenter leurs détentions d’or physique, et non les réduire. Voilà pourquoi le prix du métal jaune a commencé à grimper, et pourquoi il doit continuer à grimper à l’avenir. Tant que cette demande augmente — et elle augmentera à mesure que la valeur du dollar continue de chuter — le prix de l’or reflète simplement les forces de l’offre et de la demande.

Mais, me demanderez-vous, pourquoi les banques centrales veulent-elles maintenir la valeur de l’or au plancher ? Pour répondre à cette question, il faut comprendre comment fonctionne le jeu monétaire mondial. La plupart des devises n’appliquent plus l’étalon-or, suivant l’exemple américain. A mesure que la valeur de l’or grimpe, elle entre donc en compétition avec les devises des autres pays. Bien entendu, la tendance vers un affaiblissement des devises et la demande soutenue pour l’or signifient que la hausse de l’or pourrait se poursuivre avec vigueur durant de nombreuses années.

Meilleures salutations,

Addison Wiggin
Pour la Chronique Agora

(*) Addison Wiggin est le Directeur du Daily Reckoning, l’équivalent américain de La Chronique Agora. Mr Wiggin étudie, commente et écrit sur les marchés depuis plus de dix ans. Avec un master de philosophie de l’université de St John, il adopte un point de vue global et contrarien sur les marchés américains et mondiaux.

Addison Wiggin et Bill Bonner ont collaboré a la rédaction de deux ouvrages, L’inéluctable faillite de l’économie américaine, paru en 2004, et L’empire des dettes, paru en 2006.

Son dernier ouvrage, Le Declin du Dollar, porte sur l’effondrement de la symbole de la puissance des U.S.A. Commandez-le en cliquant ici

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