La Chronique Agora

La potasse ? De l'or en barre ! (1)

Avant d’entrer dans le vif du sujet, plantons le décor. La population mondiale ne cesse de croître, tout en adoptant un mode de vie de plus en plus urbain. Si les gens s’entassent dans les villes, ils n’en désertent pas pour autant les campagnes. Usines, bureaux, immeubles et pavillons s’étendent et recouvrent la verdure de béton et de bitume. En conséquence, les terres arables disponibles, dont les meilleures sont déjà en exploitation, se raréfient. Vous suivez le raisonnement ? Il est indispensable, si l’on veut nourrir tout le monde, que l’agriculture ait des rendements élevés, grâce à des fertilisants dont la potasse fait partie.

Potasse & potasse
Pour bien commencer avec la potasse, il faut identifier la bonne, car elle a des homonymes dans la grande famille des composés chimiques. Dérivé du potassium (symbole chimique : K), la "véritable" potasse a pour formule K2O.

Première source de confusion : le nom de "potasse caustique" que l’on donne parfois à un composé tout à fait différent, l’hydroxyde de potassium (KOH). Seconde cause de confusion : le sens commun, qui a tendance à prendre "potasse" pour l’abréviation de "potassium"…

Indispensables engrais
Les engrais sont dopés par la croissance des BRIC et le très fort développement des biocarburants Comme l’écrivait en mars dernier Roland Duss, analyste de la banque privée suisse Gonet & Cie : "l’importante croissance économique dans les pays émergents a entraîné une progression du niveau de vie, avec comme corollaire, un accroissement des besoins en nourriture, car l’essentiel du revenu additionnel est dépensé en alimentation. De plus, la demande en énergie ne cesse d’augmenter. Or les céréales sont mises à contribution pour produire du carburant écologique, ce qui diminue la quantité disponible pour les humains et les animaux".

La hausse vigoureuse des cours des matières premières agricoles incite les agriculteurs à exploiter davantage de surfaces et à accroître leurs rendements, tout spécialement dans les pays émergents. Bref, la demande d’engrais a le vent en poupe. Et notre bon M. Duss de le confirmer : "la consommation des pays émergents augmentera plus que proportionnellement aux surfaces cultivées, car les quantités (d’engrais) utilisées aujourd’hui sont nettement inférieures aux normes, ce qui signifie que la productivité du sol est faible. Le manque d’eau et la diminution des surfaces cultivables en Chine sont d’autres facteurs soutenant la demande d’engrais".

N, P et K
Ces engrais sont donc indispensables. Mais qui sont-ils exactement ? Des engrais, ce sont des quantités supplémentaires d’éléments que les végétaux consomment naturellement, et qui permettent d’en doper le rendement. Ces éléments ne sont pas bien nombreux : il s’agit de N, P et K.

Les engrais à base d‘azote (N) sont les plus connus et sont produits grâce à des procédés chimiques complexes et relativement onéreux, notamment à partir de gaz naturel.

Ensuite, vous avez sans doute entendu parler des phosphates, dérivé du phosphore (P). Eux aussi sont extraits de mines où la roche contient du calcium de phosphate. On en trouve dans nombre de pays, notamment au Maroc, réputé pour la teneur élevée de ses minerais. Là encore, il faut utiliser des procédés chimiques lourds — qui impliquent l’usage d’acide sulfurique — pour passer des phosphates à l’engrais.

Reste le dernier de notre liste, le plus important des trois en volume : K, le potassium, et ses dérivés. Ecoutons Roland Duss : "contrairement aux autres fertilisants, la potasse ne nécessite pas de grandes manipulations avant d’être utilisée par les cultivateurs. Elle se trouve dans la nature, sous la forme d’un minerai". Non content d’être le premier par les volumes, K est aussi le moins coûteux des trois compères.

La potasse nous vient de la mer
La potasse est une matière première minérale qui s’exploite à l’aide de bonnes vieilles mines. Nos lecteurs d’Alsace savent déjà de ce dont il s’agit : des mines souterraines de potasse y ont été exploitées entre le début des années 1900 et 2002, aux environs de Mulhouse.

D’où vient cette potasse ? Voici un indice : son principal minerai porte deux noms qui désignent une même réalité. On parle soit de sylvinite, soit de sels bruts. En effet, les gisements de potasse sont les résidus de l’évaporation d’océans disparus depuis plusieurs centaines de millions d’années. C’est la raison pour laquelle le minerai de potasse est constitué d’une majorité de chlorure de sodium (NaCl), c’est-à-dire du sel, ainsi que du chlorure de potassium (KCl), dans une proportion qui varie globalement autour de 20-25%.

Ce KCl devra être isolé du reste du minerai, puis raffiné avant que de devenir K2O. De la potasse pure, qui est obtenue par des traitements chimiques relativement simples et peu gourmands en énergie.

La suite dès demain…

Meilleures salutations,

Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora

(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il collabore également régulièrement à l’Edito Matières Premières.

Source : L’Edito Matières Premières

 

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