▪ Comment les Américains vivent-ils le fait que leur empire s’effondre lentement, et avec le soutien de l’Etat ? En d’autres termes, à quoi ressemble une Grande Correction vue de près ?
Quand nous avons entamé notre périple à travers l’Amérique, nous ne savions pas encore que les ventes immobilières aux Etats-Unis avaient atteint leur plus bas, comme en juillet après que la Fed a cessé de donner 8 000 $ de pots-de-vin… euh, de crédit d’impôts… à chaque nouvel acheteur. Les marchés actions allaient subir leur pire mois d’août de la décennie. La FDIC n’avait pas encore ajouté 53 banques supplémentaires à sa "liste de problèmes", pour un total à 859 institutions en difficulté, le nombre le plus élevé depuis 1993. Et, selon les chiffres du chômage de vendredi dernier donnés par le BLS, 54 000 personnes de plus vont pointer chaque mois. Le chômage américain a atteint les 9,6% vendredi.
L’économie, comme nous ne nous lassons jamais de le dire à nos chers lecteurs, est une science inexacte, plus liquide que solide, plus gazeuse que liquide. Les larbins fédéraux peuvent accrocher les statistiques les unes aux autres, les étirer et les tordre dans tous les sens jusqu’à ce qu’elles acceptent de se plier à la théorie du jour, mais la réalité devient de plus en plus difficile à déformer quand la situation s’aggrave pour des millions d’Américains chaque année. C’est la raison pour laquelle tant de gens se grattent la tête, incrédules, quand ils regardent le journal télévisé du soir. Il y a un fossé entre ce qu’ils voient à la télévision et ce qu’ils vivent au quotidien. Le journal télévisé de la fin de journée est en fait devenu la nouvelle "télé de la non réalité".
L’un des grands avantages à être "sur la route", c’est qu’on a peu de temps à consacrer aux actualités. Souvenons-nous une fois encore des paroles de l’inimitable Mark Twain : "si vous ne lisez pas les journaux, vous n’êtes pas informé. Si vous lisez les journaux, vous êtes mal informé".
Sans prêter attention aux présentateurs et aux cols blancs de la télévision, votre chroniqueur emploie une méthode non scientifique qui lui permet de savoir si l’économie va bien ou mal : il parle aux gens.
Nous aimons à penser que M. (ou Mme) Tout-le-Monde est beaucoup plus intelligent que le gouvernement veut bien le croire. Même s’il ne parvient pas à relier tous les points… et même s’il ne parle pas le jargon économique, il sait quand quelque chose ne "tourne pas rond".
"Je dirige une PME", nous a dit la propriétaire d’un bed & breakfast en Alabama, "et je lutte quotidiennement. J’ai voté pour ce gouvernement… mais je ne suis pas sûre d’avoir bien fait. Nous avions des projets, mon mari et moi. Et aujourd’hui, avec l’augmentation des frais de santé, la situation économique et le gouvernement qui distribue de l’argent à ses copains de Wall Street… eh bien, nous avons dû revoir la faisabilité de nos projets".
▪ Dans un numéro intitulé The War on Small Business ("La Guerre aux PME", NDLR.), nos amis du 5-Minute Forecast ont publié des chiffres intéressants en début de semaine dernière, dans l’espoir de nous éclairer sur le fait que les petites entreprises sont vitales à l’économie dans son ensemble.
"Pour planter le décor", pouvait-on lire dans l’article, "jetons un oeil à quelques statistiques importantes données par le SBA (Administration américaine des PME). Les PME :
· représentent 99,7% de tous les employeurs ;
· emploient la moitié de tous les employés du secteur privé ;
· payent 44% du total des salaires du secteur privé aux Etats-Unis ;
· ont généré 64% des nouveaux emplois nets au cours des 15 dernières années ;
· génèrent plus de la moitié du PIB du secteur privé hors agriculture ;
· emploient 40% des travailleurs du secteur des hautes technologies (scientifiques, ingénieurs et programmateurs informatique) ;
· sont pour 52% d’entre elles basées à domicile et 2% franchisées ;
· ont constitué 97,3% de tous les exportateurs identifiés et produit 30,2% de la valeur d’exportation connue au cours de l’année fiscale 2007 ;
· les PME américaines ont produit 13 fois plus de brevets par employé que les grandes entreprises de brevets ; ces brevets ont deux fois plus de chances d’être parmi les 1% les plus cités que les brevets des grandes entreprises.
Bien évidemment, les PME ne sont pas les seules à souffrir. Les travailleurs de tout le pays chantent la même litanie…
Partout aux Etats-Unis, le Grand Gouvernement fait tout ce qu’il peut pour empêcher les progrès honnêtes et concrets de se faire. Ce que les dirigeants ne semblent pas comprendre, c’est que, tout comme un adolescent doit souffrir pour apprendre de ses erreurs, il arrive qu’une économie doive faire quelques pas en arrière pour pouvoir avancer de nouveau avec une toute nouvelle confiance et la sagesse qu’apporte l’expérience. La politique "protégeons la croissance à tout prix" de la Fed omet ou ignore totalement cette idée. Quoi qu’il en soit, le résultat est le même. Les erreurs ne sont pas corrigées. L’incompétence est récompensée à coups de plans de relance, et non pas punie par la faillite. Les mauvaises dettes s’accumulent, et ne sont pas remboursées. On s’en sert d’ailleurs pour constituer les fondations d’un futur effondrement.
Joseph Schumpeter a inventé l’expression "destruction créatrice" pour décrire le processus évolutionniste et sélectif d’un marché qui se corrige naturellement. Les faibles doivent pouvoir échouer afin de laisser de la place pour que les forts réussissent. Les dirigeants n’ont apparemment pas compris le concept, puisqu’ils ont choisi de simplement détruire toute opportunité de création.