▪ L’ultime séance de janvier a donné lieu à une vague de rachats à bon compte : pas question de terminer le premier mois de l’année sur une fausse note ! Une croyance solidement ancrée dans l’inconscient des opérateurs postule que janvier préfigure la tendance des 11 mois suivants… Cela s’est avéré exact (ou symétriquement faux) très exactement une fois sur deux depuis 1999, qui reste la référence des 20 dernières années en termes de gains à l’issue du mois de janvier.
L’entame de la séance de lundi avait été laborieuse avec un repli général de 1% au bout d’une heure de cotation. Les indices ont toutefois effacé ce handicap au fil des heures, pour clôturer sans grand changement, à l’image du CAC 40 avec +0,08%, ou de l’Euro-Stoxx 50 avec -0,02%.
Grâce à ce gain symbolique, Paris engrange 5,3% depuis le 1er janvier, Francfort 2,3%. En revanche, Londres s’effrite de 0,3%.
L’Euro-Stoxx 50 réalise sa meilleure entame d’année depuis 12 ans avec un score de 5,8% grâce à Madrid et Milan, qui bondissent de 9,6% et 9,3% respectivement. Le Nasdaq n’engrange que 1,75% et le S&P 2,25%. La pire entame d’année est à mettre sur le compte de la bourse de Bombay qui se « troue » complètement, en chute de 10,6%. Elle est suivie, de très loin, par Mexico avec -4% et Moscou avec -1,5%.
▪ Le score le plus psychologique inscrit hier a été celui du Brent. Il a franchi la barre psychologique des 100 $ le baril (à Londres) alors qu’il s’agit d’un pétrole de moins bonne qualité que le WTI coté sur le NYMEX — lequel tutoie péniblement les 92 $ malgré les 5% repris depuis jeudi dernier.
La grande peur qui se serait emparée des marchés vendredi (le conditionnel reste de rigueur vu le scénario de la séance de vendredi) s’est dissipée au fil des heures. Les pétroliers continuent de franchir sans encombre le canal de Suez.
Cependant, la toile de fond géopolitique ne s’est guère éclaircie. L’incertitude au sujet de l’avenir de l’Egypte est toujours aussi grande ; la nomination d’un nouveau gouvernement dominé par les militaires et les patrons des services secrets n’a rien réglé aux yeux de la population.
Moody’s n’a pas tardé à dégrader la note souveraine de l’Egypte, de Ba1 à Ba2, en la plaçant de surcroît sous surveillance négative. Les touristes et les employés des nombreuses multinationales occidentales quittent le pays dans l’urgence… mais ce ne sont que quelques péripéties et les marchés américains ont vite retrouvé leur sang-froid en apprenant que les banques US étaient peu exposées en Egypte !
Wall Street a terminé hier en nette hausse, après un repli de 1,7% vendredi, le S&P affichant +0,77% et le Nasdaq plus modestement +0,5%. Cela lui suffisait quand même pour renouer avec les 2 700 points.
Quelques commentateurs évoquent encore un possible effet de contagion aux autres pays du Moyen-Orient et une montée des tensions politiques dans la région… mais plus personne ne les écoute. Le mois de janvier se termine dans le vert, rien de fâcheux ne peut survenir !
Les opérateurs ont accueilli les chiffres américains du jour par une apparente indifférence. Aucun mouvement de cours après 14h30 suite à la publication d’une hausse des revenus des ménages (+0,4% comme prévu) et d’une hausse des dépenses (+0,7, contre un consensus à +0,5%).
▪ Il y a pourtant un chiffre qui a retenu toute notre attention : il s’agit des dépenses des ménages allemands. Avec une croissance record qui flirte avec les 3,5%, une (timide) reprise des embauches, des baromètres de la confiance qui crèvent chaque mois de nouveaux plafonds, des syndicats qui exigent des hausses de salaires supérieures à l’inflation… on allait voir ce qu’on allait voir durant les fêtes.
Le consommateur allemand, supposément les poches pleines et la tête dans les étoiles, marchant d’un pas assuré vers un avenir économique radieux, aurait dû se lâcher et dévaliser centres commerciaux durant les fêtes de Noël comme les traders de Wall Street dévalisant les boutiques de luxe de la 5ème Avenue.
Les experts avaient prédit une hausse de 2% de la consommation… mais quelques centimètres de neige plus tard, les chiffres officiels font état d’un recul de 0,3%. Les ventes de détail en Allemagne, ça devait être de l’artillerie lourde en 2010 mais elles affichent globalement une progression de calibre carabine à plomb : +1,3%.
Nous n’avons pu nous empêcher de sourire jeudi dernier lorsque la chancelière Angela Merkel promettait depuis Davos que la consommation germanique allait doper le PIB ces prochains mois et prendre le relais des exportations en 2011. La vraie question que se posent les Allemands, c’est plutôt combien de points de croissance va leur coûter la récession qui frappe l’Angleterre et l’Espagne… et surtout le risque de ralentissement des exportations vers une Chine qui s’apprête à remonter ses taux.
En ce qui concerne les dizaines de milliards gagnés à l’export, demandez aux salariés d’outre-Rhin s’ils en voient la couleur. Peut-être sont-ils très fiers de la belle allure de la balance commerciale en particulier et des comptes publics en général… mais cela ne rajoute pas grand-chose au bas de leurs fiches de paie.
▪ Pendant ce temps-là, Tim Geithner, dans un duel idéologique à distance avec David Cameron (en marge du sommet de Davos), fustigeait les mesures de rigueur britanniques, considérées comme prématurées et nocives pour la croissance.
Le redressement des comptes de la nation aux Etats-Unis continuera de provenir de la « reprise ». Wall Street reste tout acquis à ce postulat… lequel ne semble plus convaincre totalement les experts des agences de notation.
Comme le besoin de dégrader un grand pays qui force un peu sur les dépenses publiques les démangeait — alors que s’en prendre aux Etats-Unis équivaut à tenter de noyer sa mère — ils se sont défoulés sur le Japon.
Bien leur en a pris puisque le gouvernement nippon a aussitôt présenté ses excuses aux porteurs de bons du Trésor libellés en yens. Il a promis de tout mettre en oeuvre pour rétablir la confiance dans l’économie du pays.
Se couvrir de cendres, avouer sa honte et son indignité nous semble relever d’un principe inverse au je m’enfoutisme américain. Ce sont toutefois des choses qui se font très naturellement puisque les détenteurs de la dette japonaise sont à 90%… les Japonais eux-mêmes.
Vous verrez que d’ici quelques mois, les Américains demanderont aux porteurs de T-Bonds fraîchement sortis des presses de la Fed de s’excuser d’avoir été assez stupides pour encourager leur pays en faillite à s’endetter encore davantage. Après tout, les banques américaines n’ont pas été assez bêtes pour prêter de l’argent à l’Egypte — elles s’en vantent assez depuis ce week-end !
Et si la crédibilité d’une nation se jugeait aussi à sa forme de politesse ?