La Chronique Agora

La Fin de l'Histoire fait la grève de la faim

▪ Suivez-vous l’actualité, cher lecteur ? Les prix de l’alimentation atteignent des sommets record. Des émeutes ont lieu en Afrique. Deux gouvernements ont déjà été renversés… rien qu’en Tunisie.

La nature semble nous donner un avertissement. En Angleterre, le thermomètre a atteint des plus bas record en décembre. Les aéroports ont été bloqués par la neige dans toute l’Europe. La Floride, elle aussi, frissonnait sous des températures qu’on n’avait plus vues depuis des générations.

En Australie, on n’avait jamais vécu pires inondations depuis Noé. Apparemment, une zone de la taille de la France s’est retrouvée sous les eaux. Pendant un temps, il a semblé que le continent entier finirait noyé.

Puis… aux Etats-Unis… des oiseaux sont tombés du ciel. Par vols entiers. En Europe aussi. Des milliers. Des bancs de petits poissons se sont échoués et sont morts.

A coup sûr ce sont des présages. La Fin du Monde est proche !

Ou pas. C’est bien le problème, avec l’histoire… il est très difficile de voir ce qui se passe lorsqu’on est au plein milieu des événements. Mais voilà… il faut quand même faire quelques suppositions…

En étudiant les cercles concentriques des arbres, nous pouvons voir que les périodes de froid, de sécheresse et de famine s’accompagnent souvent de révolutions et de guerre. Les gens ont faim. Ils se mettent en colère. Puis ils se mettent au travail… attaquant le système, quel qu’il soit.

Lorsqu’il est en masse, l’homme n’est pas un penseur. C’est un "réacteur". Il réagit à la météo… aux prix… à l’économie… aux démagogues… et même aux idées. Il a accepté le système économique des Etats-Providence modernes parce que c’était confortable. Mais que fera-t-il lorsque le système se révélera incapable de tenir ses promesses ? Nous pensons que "le système" dans les pays développés approche de sa phase finale. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il ne peut pas payer.

▪ Nous aimons lire Francis Fukuyama. Non parce qu’il a raison, mais parce qu’il se trompe lourdement.

C’est d’ailleurs la même chose pour tout le monde ou presque. La plupart des économistes pensent que les problèmes financiers des Etats-Unis — et du reste du monde — sont une récession typique, causée par un manque de demande. Selon eux, il suffirait de déterminer comment stimuler le consommateur… et tout irait bien.

La plupart des commentateurs considèrent aussi le problème politique en termes simplets. Ils pensent que la gauche a raison et que la droite a tort. Ou ils pensent que la droite a raison et que la gauche a tort. Il y a aussi ceux qui pensent que si les deux côtés se mettaient simplement dialoguer… ils pourraient tout arranger.

Non.

Le vrai problème, dans la politique et dans l’économie, est plus profond. Il ne sera pas résolu par une coopération entre les partis — parce que tous ont tort. Ils doivent avoir tort : ils agissent en fonction des demandes de l’électeur marginal, qui est un crétin.

L’économie ne repartira pas en poussant les consommateurs à consommer. Ils ont déjà trop dépensé. Aux Etats-Unis, le taux d’épargne est de 5%… bien trop bas pour financer la sorte d’amélioration dont le pays a besoin. La demande de consommation doit baisser, et non grimper.

Mais revenons-en à Fukuyama : c’est l’homme qui — durant les jours d’ivresse après la chute du Mur de Berlin — a complètement perdu l’équilibre. Il s’est demandé si nous avions atteint "la fin de l’histoire". L’idée, c’était que l’histoire était la marche du progrès, et qu’après le triomphe de la démocratie capitaliste à l’américaine, on ne pouvait plus progresser.

L’idée était idiote… mais avait une sorte de grandeur. En plus, les néo-conservateurs l’adoraient. Elle les flattait. Ils se dirent qu’ils représentaient le sommet de la création ; avec leur arrivée, le temps s’était arrêté. La perfection avait été atteinte.

C’était il y a longtemps. Aujourd’hui, Dick Cheney doit s’inquiéter lorsqu’il voyage en dehors des Etats-Unis (de crainte d’être arrêté pour crimes de guerre)… et Francis Fukuyama revient sur ses propos.

Le problème aujourd’hui, dit-il, c’est que le système aux Etats-Unis a "assuré la liberté individuelle et la vigueur du secteur privé, mais [qu’il] est désormais devenu polarisé et idéologiquement rigide. A présent, il montre peu d’appétit pour s’attaquer aux défis budgétaires de long terme auxquels sont confrontés les Etats-Unis".

Peu d’appétit ? Pour autant que nous puissions en juger, les politiciens font la grève de la faim. En aucun cas ils ne vont mordre dans le sujet dégoulinant de graisse des finances américaines.

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