La Chronique Agora

La dépression va très bien, merci beaucoup

▪ Officiellement, la crise est terminée. Tout le monde le dit. Les banques centrales et les autorités économiques s’auto-congratulent. Voilà un an que la fin du monde n’a pas eu lieu… et ils s’en attribuent tout le mérite.

Bernanke a déclaré cette semaine qu’il maintiendrait les vannes monétaires grandes ouvertes pendant encore un temps… mais c’est juste parce que la reprise est fragile. Il parle également de "sortir" des programmes de relance, maintenant que l’économie se remet sur pied.

Sottises ! Balivernes ! Absurdités !

Les économistes grand public sont coupables de manquement à leur devoir. Ils devraient dire aux gens que cette "reprise" est une escroquerie. Ils devraient prévenir les investisseurs que les marchés pourraient s’effondrer du jour au lendemain. Ils devraient acheter de l’or et vendre des titres du Trésor US… et expliquer aux politiciens qu’on ne peut pas dépenser jusqu’à sortir d’une dépression, avec des dollars bidon gaspillés en projets inutiles !

Au lieu de ça, les idiots se donnent des tapes dans le dos… se félicitant d’avoir sauvé la planète de la destruction.

▪ Mais que s’est-il vraiment passé ? Et que se passe-t-il actuellement ?

Très bonne question, merci de l’avoir posée.

Pour commencer, un véritable phénomène économique est en train de se dérouler — la dépression. Elle se porte très bien, merci beaucoup. Les ménages se désendettent. Les entreprises reconstruisent leurs trésoreries. Les gens perdent leurs emplois. Les taux d’épargne grimpent.

Quasiment tout se passe comme ça le devrait.

Les dépressions sont des phases de baisse des prix. Les marchés découvrent en permanence ce que les choses valent. Durant une dépression, ils s’aperçoivent que les actifs — les actions et l’immobilier, généralement — ne valent de loin pas autant que le pensaient les gens.

Voilà pourquoi notre drapeau d’Alerte au Krach est toujours hissé. Les prix seront sujets à des chutes brutales et soudaines jusqu’à ce qu’ils arrivent enfin à de véritables niveaux de dépression. Dans la mesure où ça ne s’est pas encore produit… nous sommes d’avis que ça va venir.

Du côté de l’emploi, cette dépression a mis plus de six millions d’Américains au chômage. Et tous les mois, de plus en plus de gens rejoignent les rangs des chômeurs. Jusque là, ça va. L’économie américaine n’avait pas besoin d’autant d’installateurs de revêtement de sol en marbre, ni d’autant d’agents de refinancement hypothécaire (si seulement on pouvait faire quelque chose pour se débarrasser des lobbyistes !).

Le pire, durant une récession, c’est qu’elle garde les sans-emploi très longtemps dans la prison du chômage. Bon nombre d’entre eux finissent condamnés à perpétuité… ils ne travailleront plus jamais.

A cet égard, la dépression actuelle ressemble à la dépression japonaise de 1990-2010. Après l’éclatement de la bulle, les Japonais… qui vieillissaient plus rapidement qu’aucun peuple auparavant… se sont dit qu’ils devaient se mettre à épargner sérieusement. Ils ont donc réduit leurs dépenses… et ont épargné. Les dépenses nationales se sont effondrées. Heureusement le reste du monde — en particulier les Américains — jetait encore l’argent par les fenêtres. Et le Japon est une économie menée par les exportations. Même ainsi, avec leurs propres consommateurs qui dépensaient à contrecoeur, l’économie japonaise n’est allée ni très loin, ni très vite.

Les Japonais ont mis leur vaste épargne, directement ou indirectement, dans les obligations gouvernementales japonaises… aidant le gouvernement à financer ses gigantesques programmes de relance. Bien entendu, lesdits programmes étaient un vrai gâchis. L’économie ne s’est jamais vraiment remise… et maintenant, le gouvernement devrait encourir l’an prochain une dette brute équivalant à 200% du PIB, selon le FMI.

A titre de comparaison, les Etats-Unis devraient atteindre 100% du PIB l’an prochain. La Grande-Bretagne suit les Etats-Unis de près avec une dette à 94% du PIB.

Et les Américains entrent désormais aussi en mode d’épargne-retraite. Les plus nombreux — les baby-boomers — doivent économiser rapidement pour financer leurs retraites. Ils réduisent leurs dépenses… pas seulement temporairement… mais de manière permanente. Ils ne dépenseront plus jamais comme ils l’ont fait durant les grandes années de bulle, entre 2003 et 2007. C’est ce qui fait d’une dépression une dépression durable…

Autre facteur de dépression : le manque de prêts. Le crédit bancaire continue de chuter. Les ménages réduisent leurs dépenses parce qu’ils doivent sortir de la dette… et économiser de l’argent pour prendre leur retraite. Les entreprises réduisent aussi leur train de vie. Les nouveaux projets s’en sortent mal, généralement, durant une dépression. Les petites entreprises luttent… et font faillite. Les grandes entreprises obtiennent des renflouages et des subventions. Les dépressions sont des époques où il vaut mieux n’être ni emprunteur, ni prêteur.

La dette n’augmente qu’au niveau gouvernemental. Mais c’est une histoire pour un autre jour…

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