Les marchés actions affrontent de nombreux vents contraires au moment même où la Fed retire ses liquidités et inverse une tendance vieille de 30 ans.
Vendredi soir, après la cloche de fermeture de la Bourse de New York, les traders et les analystes, les vendeurs et les acheteurs, les quants de 2018 et les dinosaures de l’investissement par la valeur, les partenaires à un million de dollars aussi bien que les assistants et les employés – tous ont pris leurs trains, taxis, métros et voitures pour rentrer chez eux.
Certains se sont rendus dans leur bar favori, comme tous les vendredis, pour discuter des événements de la semaine.
Les barmen de toute la ville ont dû sentir que quelque chose n’allait pas. Leurs clients ne dépensaient pas avec autant de libéralité que la semaine précédente. Ils semblaient sombres. Silencieux.
Une tempête de m***
« C’est une opportunité », déclara O’Brien, du département finance de court terme chez Wells Fargo. « S’il y a bien une chose qu’on a apprise, ces 30 dernières années, c’est qu’il faut ‘acheter pendant les creux’. »
O’Brien n’a que 29 ans. Son apprentissage avait dû commencer alors qu’il était encore dans le ventre de sa mère.
« Je n’en suis pas si sûr », répondit Moroni, du service de recherches private equity de Blackstone. « Vous avez vu que la Chine parle de réduire ses achats d’obligations US ? Ce sauvage à la Maison Blanche cherche les ennuis. Et il n’a pas la moindre idée d’où tout ça va nous mener ».
« Ouais, et maintenant la Fed est elle aussi contre nous », ajouta Schultz, récemment promu analyste macro en chef sur les valeurs européennes chez Bank of America. « J’ai écouté Powell [président de la Fed] mercredi. Il dit qu’il nous soutient toujours… mais il continue son resserrement quantitatif [consistant à réduire les détentions obligataires de la Fed]. Je sais ce qui va se passer : lui ou ces clowns à Washington vont déclencher une tempête de m***. Ils changeront de cap ensuite, évidemment, mais il se pourrait que ce soit trop tard ».
« Oui… », reprit Moroni, « … vient un moment où toutes ces c***eries ne fonctionnent plus ».
Faucon, criminel, charlatan, rond-de-cuir et incompétents
Les trois hommes menaient une conversation qui s’est déroulée sous de nombreuses formes dans de nombreux endroits ces derniers jours. Tout le monde voit plus ou moins les mêmes points :
… La Fed a inversé 30 ans et plus d’expansion monétaire…
… Le gouvernement fédéral US met en place des budgets plus importants, des déficits plus profonds… et une dette de plus de 40 000 milliards de dollars…
… L’immobilier s’affaiblit… les dépenses de consommation chutent…
… La hausse du marché actions commence à se faire vieille – c’est la deuxième plus longue hausse jamais enregistrée…
… L’équipe Trump érige des barrières commerciales imprudentes… irrite gratuitement ses alliés… secoue des nids de frelons… marche sur des râteaux… fonce dans des lampadaires…
… Il y a des faucons au Département d’Etat (Mike Pompeo)…
… Des criminels de guerre à la CIA (Gina Haspel)…
… Un charlatan vaniteux (John Bolton, l’un des principaux organisateurs de la désastreuse guerre en Irak) comme conseiller à la sécurité nationale…
… Et un rond-de-cuir incompétent (Kudlow) comme conseiller économique.
Larry Kudlow s’est trompé sur toutes les grandes crises économiques et financières de ces 24 dernières années.
Voici ce qu’il disait juste avant la crise de 2008-2009 : « aucune récession ne s’annonce. Les pessimistes avaient tort. Cela n’arrivera pas. Au minimum, nous envisageons un Goldilocks 2.0 (et c’est un minimum). Goldilocks se porte bien. Le boom de Bush est en pleine forme ».
Et maintenant ?
Barron’s a interrogé Stephanie Pomboy, fondatrice du site MacroMavens :
« En janvier, le taux d’épargne [américain] est passé de 2,5% à 3,2% en un mois – une augmentation énorme… Les chiffres des ventes au détail n’ont rien fait que baisser. Nous avons vu la plus grande hausse des dépenses en alimentation et l’énergie depuis 2011, représentant 30% de l’augmentation des dépenses de consommation ces six derniers mois, en hausse de 11% par rapport aux deux années précédentes. Les consommateurs ont dû puiser dans l’épargne qu’ils ont pu accumuler après la crise et accumuler de la dette sur leurs cartes de crédit pour assurer leurs besoins de base.
Après la crise, l’épargne totale [aux Etats-Unis) est passé de 440 milliards de dollars à 1 400 milliards de dollars. Elle est désormais de retour à 400 milliards de dollars. Les consommateurs ont essentiellement retiré jusqu’au moindre centime qu’ils avaient mis de côté, pour les redépenser ».
Les coûts de service de la dette, pour les ménages, devraient augmenter de 75 milliards de dollars cette année – compensant presque intégralement les gains de la baisse d’impôts.
Pomboy souligne aussi un déficit de 4 000 milliards de dollars pour les retraites – publiques et privées. Les fonds de pensions détiennent des actions ; la hausse des cours réduit les problèmes de déficits. La baisse des cours, en revanche, les aggrave. Selon Pomboy, il suffirait que les actions baissent de 15% seulement pour que le système des retraites commence à s’effondrer.
L’assouplissement quantitatif a poussé les investisseurs vers les actions et les obligations, dit Pomboy. Le resserrement quantitatif devrait les pousser vers l’or… et le cash.
[NDLR : Ce sont des mesures de bon sens… et qui pourraient vous permettre de surmonter la crise – voire d’en sortir gagnant. Pour savoir comment les appliquer à votre propre épargne, cliquez ici.]
De retour dans notre bar de Manhattan :
« Quoi ? Donc il faudrait vendre… et rester sur des liquidités ? » demande Moroni.
« Je ne sais tout simplement pas quoi faire », répond O’Brien. « Attendons de voir ce qui se passe »…