« L’atterrissage en douceur » est un mythe qui va finir par disparaître sous le poids de la réalité. Les interventions des banques centrales ne font qu’ajouter au problème.
Si l’on en croit les commentateurs, la lutte contre l’inflation nécessite que les autorités monétaires poursuivent une politique plus restrictive, les « experts » estimant que des taux d’intérêt plus élevés n’entraîneront pas nécessairement une récession.
Au lieu d’un krach économique, la Fed serait capable selon eux d’orchestrer un « atterrissage en douceur ». On peut cependant s’interroger sur le réalisme d’un tel scénario.
La planche à billets ne fait qu’affaiblir l’économie
Si l’on définit l’inflation comme une augmentation de la masse monétaire plutôt que comme une augmentation des prix, alors il apparaît clairement que la seule chose à faire pour la contrer est de mettre fin à tous les mécanismes qui permettent de créer de la monnaie ex nihilo. C’est l’augmentation de la masse monétaire, et non l’augmentation des prix, qui entraîne un affaiblissement du processus de création de richesse.
A l’origine, le papier-monnaie n’était pas considéré en soi comme de la monnaie, mais plutôt comme un certificat représentant une certaine quantité d’or. Divers certificats en papier-monnaie représentaient des créances sur de l’or stocké auprès des banques. Les détenteurs de ces certificats pouvaient les convertir en or à tout moment s’ils le jugeaient nécessaire. Etant donné que les gens trouvaient plus pratique d’utiliser des certificats papier pour échanger des biens et des services, ces certificats ont commencé à être considérés en eux-mêmes comme de la monnaie.
En remplissant le rôle de moyen d’échange, la monnaie permet d’échanger des biens ou services contre une certaine somme d’argent, qui peut ensuite être utilisée pour acquérir d’autres choses. Si les certificats qui sont acceptés comme monnaie sont bien adossés à des réserves d’or, alors ces échanges pourront se dérouler honnêtement, dans le sens où ils représenteront un échange d’un bien de valeur contre un autre bien de valeur.
A l’inverse, les certificats monétaires non adossés à de l’or et qui sont utilisés pour réaliser des transactions impliquent l’échange d’un papier sans valeur contre des biens de valeur. […]
Afin de clarifier ce point, considérons le cas d’un faussaire qui aurait réussi à fabriquer de la fausse monnaie ressemblant en tout point à de l’argent véritable. Précisons également que le véritable argent est obtenu en vendant des biens et services utiles. Par exemple, un cultivateur de pommes de terre pourrait obtenir une once d’or en vendant dix pommes de terre. A l’inverse, le faussaire n’a besoin de fournir aucune marchandise pour obtenir de l’argent factice, il se contente de l’imprimer. C’est pourquoi on dit que cette monnaie est créée ex nihilo.
Lorsque cette fausse monnaie est utilisée pour acquérir des marchandises, cela implique qu’un bout de papier sans valeur a été échangé contre des biens de valeur. Par conséquent, le faussaire s’octroie, sans rien avoir produit en échange, les richesses appartenant aux individus productifs. En ce sens, l’augmentation de la masse monétaire créée ex nihilo déclenche toujours l’échange de quelque chose sans valeur contre des biens de valeur. Parallèlement, nous pouvons également dire que la masse monétaire créée ex nihilo entraine la consommation sans production préalable de biens.
La création monétaire ex nihilo et les cycles économiques
Sous un régime d’étalon-or pur dans lequel seul l’or est utilisé comme monnaie, l’émission de certificats non adossés à des réserves d’or constituerait une augmentation de la masse monétaire créée ex nihilo. Dans le monde moderne, la totalité de la masse monétaire en circulation est l’équivalent de certificats non adossés, puisque la masse monétaire n’est adossée à aucune réserve d’or. Par conséquent, dans le monde moderne, toute augmentation de la masse monétaire constitue une création monétaire ex nihilo.
De ce fait, dans le monde moderne, une augmentation de la masse monétaire, c’est-à-dire de la création monétaire ex nihilo, crée un environnement favorable au développement d’activités non productives et à la consommation en l’absence de production préalable de quoi que ce soit de valeur. Par exemple, un faussaire qui achèterait des biens divers et variés soutiendrait la demande pour ces biens. L’augmentation de la production de ces biens n’aurait pas eu lieu, toutes choses étant égales par ailleurs, en l’absence de la création de cette fausse monnaie.
L’épargne nécessaire pour financer le développement de la production des biens demandés par le faussaire serait donc canalisée vers les secteurs qui produisent les biens en question. Cela aurait pour conséquence de saper la production de biens par les créateurs de richesses.
Dans le cas où les activités du faussaire seraient découvertes et où il serait obligé d’y mettre fin, la demande pour les biens divers et variés qu’il consommait ralentirait ou disparaîtrait totalement, et leur production suivrait la même trajectoire.
Un boom économique est caractérisé par l’augmentation de la production de biens qui se produit initialement en raison de l’augmentation de la masse monétaire créée ex nihilo. Lorsque la production de biens finit par décliner en raison d’un repli de la masse monétaire, c’est qu’on appelle habituellement une récession. Les cycles économiques d’expansion-récession sont donc liés aux fluctuations du taux de croissance de la masse monétaire créée ex nihilo.
La politique de la banque centrale fausse les signaux de marché
Dans un marché libre, les fluctuations des taux d’intérêt reflètent les changements dans les préférences des consommateurs entre consommation immédiate et consommation future. Si les consommateurs préfèrent réduire leur consommation actuelle afin d’accroître leur capacité de consommation future, cela se traduit par une augmentation de l’épargne et donc baisse des taux d’intérêt sur le marché. A l’inverse, si les consommateurs décident de consommer davantage, cela se traduit par une augmentation des taux d’intérêt sur le marché.
[…]
Chaque fois que la banque centrale intervient sur les marchés financiers et manipule les taux d’intérêt sur le marché, cela a pour effet de fausser les signaux envoyés par les consommateurs aux entreprises. En conséquence, les entreprises prennent des décisions d’investissement qui ne correspondent pas réellement aux souhaits des consommateurs. Du fait de cette mauvaise allocation des ressources, une spirale d’appauvrissement et d’affaiblissement du système économique s’enclenche.
L’autre problème que pose une politique de taux d’intérêt plus stricte est qu’elle a pour effet de restreindre non seulement les activités non productives, mais aussi les activités créatrices de richesse, prolongeant ainsi les phases de récession en ralentissant l’accumulation du stock de richesses. Ainsi, il n’est pas possible de concevoir une politique monétaire qui restreindrait les activités non productives sans infliger des dommages à l’ensemble de l’économie.
L’expression « atterrissage en douceur » est issue de l’idée selon laquelle l’économie est comme un vaisseau spatial qui se serait écarté de sa trajectoire de croissance économique stable et de stabilité des prix. Selon l’idéologie dominante, c’est le rôle de la banque centrale de s’assurer que l’économie reste sur la voie d’une croissance économique stable et de la stabilité des prix.
Selon ce point de vue, il suffit pour atteindre cet objectif que la banque centrale donne l’impulsion appropriée à l’économie, tel un vaisseau spatial, afin de la ramener sur la bonne voie. Cette impulsion est donnée par le biais de la politique monétaire. Cependant, l’économie est le résultat d’une multitude d’activités menées par les individus. Toute tentative d’altérer les comportements des individus ne fait que générer de davantage de distorsions. Par conséquent, il est absurde de croire que les banquiers centraux peuvent piloter l’économie sans entraîner diverses conséquences indésirables pour les individus.
Cependant, ce n’est pas le point de vue des commentateurs économiques tels que Paul Krugman. Dans un article publié dans le New York Times et intitulé « Doit-on accepter de souffrir pour faire baisser l’inflation ? » (23 août 2022), Krugman suggère que par le biais de mesures de contrôle étatiques adaptées, il serait possible de piloter un atterrissage en douceur de l’économie.
Nous suggérons au contraire qu’il est impossible de piloter un tel « atterrissage en douceur ». Une fois qu’un boom économique a été impulsé par le biais de politiques monétaires accommodantes de la part de la banque centrale, un resserrement de la politique monétaire ne peut qu’aboutir à une crise économique.
Les difficultés économiques peuvent être atténuées en mettant fin rapidement à toutes les sources de création monétaire ex nihilo. Une telle politique permettrait de favoriser l’accroissement du stock de capital. Et avec cette augmentation du stock de capital, il deviendra beaucoup plus aisé d’absorber les pertes issues de la mauvaise allocation des capitaux dans divers secteurs d’activité.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici