▪ Notre pari sur une stabilité savamment orchestrée des indices boursiers européens d’ici vendredi semble en bonne voie. Ce qu’ils ont gagné lundi et mardi, ils l’ont intégralement reperdu dès le lendemain (sauf à Paris).
En ce qui concerne le CAC 40, une légère surperformance se dessine depuis trois jours — cependant, elle ne s’avère pas décisive. Les 3 936 points semblaient à portée de main avant-hier soir mais l’objectif s’éloigne… plutôt au mauvais moment pour ceux qui ont misé sur des instruments à effet de levier comme les options ou les Turbos.
C’est au minimum un fâcheux contretemps même s’il ne compromet pas de façon irrémédiable les chances de voir Paris clôturer l’année 2010 sur une note positive.
Le CAC 40 dispose encore d’un peu plus de 24 heures pour reprendre une soixantaine de points en cette veille de journée des « Quatre sorcières »… Ou alors, il fait l’impasse ce vendredi et les opérateurs disposeront encore de 10 séances supplémentaires d’ici le 31 décembre pour tirer tranquillement l’indice vers l’objectif, en supposant que tout se passe bien.
Il est difficile d’écarter le risque de voir la hausse des taux interférer avec la volonté de terminer l’année 2010 dans le vert… D’autant plus que Paris reste tributaire de la tendance globale sur des indices plus larges comme l’Euro-Stoxx 50, l’Eurotop 100 ou l’Eurofirst 300.
▪ Beaucoup de nos lecteurs s’étonnent que nous évoquions de plus en plus fréquemment une poignée d’opérateurs (disons au maximum une petite dizaine) qui tirent les ficelles à leur guise et s’ingénieraient à rendre le marché incompréhensible et truffé de pièges pour le commun des mortels.
Avons-nous seulement sous-entendu que la plupart des investisseurs se font détrousser comme dans une salle de jeu clandestine, avec cartes biseautées, dés pipés, roulette équipée d’un électro-aimant… et une quantité significative de faux jetons ?
Vous voudriez peut-être que nous affirmions de manière encore plus claire que les marchés sont manipulés sans vergogne avec la bénédiction des autorités boursières ? Soit, puisque vous souhaitez que nous dissipions toute ambiguïté : nous affirmons que les marchés sont effectivement manipulés… mais franchement, c’est tout sauf un scoop.
Certains intervenants parmi les 10 que nous évoquions trois paragraphes plus haut cherchent encore à s’en cacher… mais personne ne les croit. D’autres le revendiquent au contraire et présentent même leur mainmise comme un gage de sérieux !
▪ Prenons par exemple JP Morgan et son fonds vedette sur les matières premières baptisé Global Ressources (70 milliards de dollars d’actifs sous gestion, excusez du peu !). Le courtier affirme avoir « de fortes convictions sur le marché du cuivre ».
Il le prouve en déclarant avoir acheté plus de la moitié des stocks de cuivre du London Metal Exchange. Notons qu’il ne lui en a coûté que 1,1 milliards de dollars, une misère comparé à sa force de frappe sur les marchés à terme sur les matières premières.
JP Morgan détiendrait désormais plus 122 000 tonnes de cuivre, c’est-à-dire le poids de 12 Tours Eiffel : de quoi remplir plusieurs Champs-de-Mars ! Paris pourrait ressembler de loin à une forêt de derricks des temps héroïques au Texas ou sur les bords de la Mer Caspienne.
Mais trêve de plaisanterie. JP Morgan détient un sacré paquet de métal rouge, de quoi qualifier sa position d’archi-dominante avec tout près de 80% (nous exagérons à peine puisque le chiffre exact serait de 79%) des réserves de métal physique stocké dans les entrepôts du LME un peu partout dans le monde.
Il n’est guère besoin dans ces conditions d’avoir une « forte conviction » sur la demande du cuivre pour faire flamber les cours, avant même que le premier utilisateur manifeste son désir d’achat !
▪ Croyez-vous à l’égalité des chances et à la glorieuse incertitude d’un marché organisé lorsqu’un un acteur revendique la détention des quatre cinquièmes des réserves de cuivre de la planète… sur fond de silence assourdissant des autorités de tutelle : que font-elles des lois antitrust ?
Avez-vous envie de vous retrouver en face d’une poignée d’acteurs qui génère chaque jour 80% des ordres exécutés sur les valeurs françaises et les contrats sur indices, trackers et autres CFD (sectoriels ou paneuropéens) où elles figurent comme sous-jacents ?
Croyez-vous que ces intermédiaires archi-dominants (qui vous masquent une partie de leurs transactions et de leurs positions par le biais des dark pools) ne tirent aucun avantage du quasi monopole qu’ils exercent sur les marchés d’actions ?
Ne les croyez-vous pas capables d’infléchir intentionnellement à la tendance… exactement comme un trou noir courbe — beaucoup plus passivement — la lumière, du fait de la gravité phénoménale qu’il exerce sur son environnement ?
▪ Il est difficile de nier que d’une certaine façon, les lois de la physique boursière semblent avoir rapidement évolué depuis l’automne 2008.
Fidèle à la logique paradoxale qui prédomine depuis 18 mois, Wall Street a mal digéré le rebond de 20 points de l’activité industrielle dans la région de New York au mois de décembre selon l’indice Empire State publié par la Fed de New York. Idem pour la production manufacturière, elle aussi ressortie en hausse de 0,4%, au lieu de 0,3% anticipés.
Si les mauvaises nouvelles macro-économiques de l’automne avaient fait flamber la bourse (espoir de « QE2 » oblige), les signaux d’amélioration de la conjoncture provoquent l’effet inverse.
Contrairement aux six séances qui avaient précédé, les investisseurs se sont alarmés — bien tardivement — de la nette remontée des taux d’intérêt (à près de 3,53% sur les T-Bonds 2020 et plus de 4,6% sur le 30 ans). Le S&P a chuté de 0,5% et le Nasdaq a reperdu 0,4% ; c’est son deuxième repli en trois séances.
Une meilleure rémunération entraîne un renchérissement du dollar (à 1,3220/euro)… Cependant, ce n’est pas suffisant pour stopper la hausse des matières premières et de l’énergie : cela commence à se ressentir à la pompe pour les automobilistes américains disposant des plus faibles revenus.
▪ L’indice des prix à la consommation (CPI), quasi-stable au mois de novembre, masque difficilement une autre inflation qui grève inexorablement le pouvoir d’achat des ménages. Il s’agit de la hausse du prix des loyers et de la scolarité (les budgets fédéraux dédiés à l’éducation sont en chute libre dans le primaire et jusqu’au collège).
Avec la remontée du coût du crédit (les taux hypothécaires ont repris 50 points depuis fin novembre), les déboires du secteur immobilier ne sont pas près de se résorber. Et nous attirons de nouveau attention sur ce paradoxe, qui lorgne du côté de la malédiction pour l’économie américaine : plus la Fed injecte d’argent dans le système financier, moins il y a d’acheteurs pour déposer un dossier au bureau des hypothèques !