Avons-nous atteint un point de bascule à l’été dernier… et si oui, à quelle inflation faut-il nous attendre, avec quelles conséquences pour l’épargne et les marchés ?
Début août 2020. Etait-ce un point de bascule ? La fin d’une ère ?
Si oui, il est temps de vous débarrasser de tout ce qui dépend d’un dollar US stable – comptes… rentes… obligations.
Nous n’en sommes qu’au début, cela dit… et ce genre de retournement n’est souvent pas confirmé avant des années.
Pas de quoi s’inquiéter
Qui plus est, il n’y a pas à s’inquiéter de quoi que ce soit.
C’est du moins ce qu’affirmait la Maison Blanche lors d’une récente conférence de presse, par la bouche de Jared Bernstein, membre du Conseil des conseillers économiques.
« Janet Yellen est notre secrétaire au Trésor. Elle en connaît un rayon sur les risques inflationnistes », a-t-il rassuré.
Mais se fier à Janet Yellen pour se protéger de l’inflation, c’est un peu comme demander à Stevie Wonder de conduire un car scolaire : on va au-devant de graves ennuis.
Voilà pourquoi août 2020 pourrait s’avérer être une date aussi importante.
Depuis, les rendements obligataires – un important signe avant-coureur de l’arrivée de l’inflation des prix à la consommation – grimpent. Le rendement du T-Bond à 10 ans, par exemple, a plus que doublé par rapport à son taux de 0,52%, en août dernier.
Après 40 ans de réduction de l’inflation et des rendements obligataire, le vent a peut-être tourné, en d’autres termes.
Si c’est le cas, dans les années qui viennent, les Etats-Unis assisteront à une gigantesque vague de pertes d’emplois et de faillites, à mesure que les entreprises, les gouvernements et les consommateurs se voient contraints de refinancer leur dette à des taux plus élevés.
L’épargne retraite – qui repose souvent sur un matelas de bons du Trésor – s’effondrera.
Les prix à la consommation grimperont… alors que les salaires réels baissent.
(Au passage, ce qui est vrai pour les Etats-Unis l’est tout autant dans le reste du monde : l’inflation, lorsqu’elle échappe au contrôle des autorités, a les mêmes effets partout.)
« Ne vous inquiétez pas », disent les experts.
Le raisonnement – si on peut appeler ça comme ça – est que l’économie fonctionne « en sous-capacité ». Ce qui signifie qu’il y a un gros retard à rattraper avant que les prix puissent augmenter. Le plein-emploi n’est pas atteint… les usines sont silencieuses… etc.
Ils n’attendent pas de pression à la hausse sur les prix tant que tout ne tourne pas à la vitesse maximale, pied au plancher. C’est seulement alors, d’après leur logique, que les entreprises ou la main d’œuvre ont le pouvoir de fixer les prix.
Les choses doivent encore s’améliorer, pensent-ils, avant que l’inflation ne s’installe.
Cyclique ou systémique
L’inflation se produit, grosso modo (selon la théorie quantitative classique de la monnaie) lorsque l’offre de biens et de services baisse par rapport à la masse de « monnaie » en face.
Cela peut se produire de deux manière.
Soit l’économie chauffe (inflation cyclique)… et les entreprises ont besoin de plus de main d’œuvre et de matières premières pour tenir le rythme de la demande. Des pénuries apparaissent. Tout le monde tente de suivre le tourbillon de demande et de dépenses, ce qui mène à des prix plus élevés.
Ou… il y a une autre possibilité (inflation systémique) : l’économie refroidit. La fausse monnaie, les signaux de prix factices, les réglementations, les bulles, les distributions d’argent et les confinements dus au Covid-19 pourraient simplement causer une réduction de la production « achetable »… tandis que la masse de monnaie disponible continue de grimper.
Regardons les choses de plus près.
Un autre moyen
L’an dernier, la production de monnaie américaine – telle que mesurée par le bilan de la Réserve fédérale – a grimpé de 3 250 Mds$.
La production de biens et services, en revanche – telle que mesurée par le PIB (même si ce chiffre est quelque peu faussé par une gigantesque augmentation des dépenses gouvernementales) – a chuté de 300 Mds$.
Cela ressemble fort à une inflation « systémique », selon nous.
Un autre moyen de regarder la situation : les biens et les services sont produits par des gens qui travaillent. Le nombre d’heures travaillées (en mettant de côté les augmentations de productivité, qui sont très lentes) est une bonne mesure de la production.
Eh bien, depuis la crise de 2008-2009, le nombre total d’heures travaillées aux Etats-Unis a quasiment stagné.
En revanche, le Nasdaq – qui mesure approximativement la quantité d’argent brûlant entrant en Bourse – a grimpé de 500%.
Absurdité et paillettes
Et puis il y a l’absurdité débridée de toute l’affaire.
Il y a deux semaines s’est déroulée la saga GameStop… dans toute sa folie pailletée.
Ensuite, le Wall Street Journal a rapporté ceci : depuis la déclaration d’Elon Musk, qui a affirmé que Tesla avait acheté pour 1,5 Md$ de bitcoins et que l’entreprise accepterait bientôt des bitcoins en paiement de ses automobiles, la valeur de marché des deux pris ensemble – Bitcoin et Tesla – a grimpé de 110 Mds$.
Allez comprendre.
Pour notre part, nous comprenons qu’il y a une telle quantité de petite monnaie sous les coussins du canapé qu’il devient inconfortable de s’y asseoir.
Attendez-vous à voir les prix de tout ou presque grimper tandis que l’économie réelle – la partie qui produit vraiment des biens et des services – ralentit.