La Chronique Agora

L’infantilisation des individus n’est pas sans conséquence

Au fil de mes dernières chroniques du week-end, j’ai essayé de montrer au travers d’exemples concrets que la France, c’est aussi ce pays magnifique où, qu’on le veuille ou non, l’Etat s’occupe de nos affaires du berceau jusqu’au cercueil.

Ce n’est pas une découverte puisqu’il y a plus de 150 ans, Frédéric Bastiat avait déjà identifié « la tendance du gouvernement à un accroissement indéfini ». Comme vous pouvez le constater avec la citation suivante, on n’a pas eu besoin d’attendre la prolifération des anglicismes dans la langue française pour que le développement du Nanny State soit parfaitement identifié.

En dépit de cette prescience, on se demande quand même quelle tête aurait fait le député des Landes en constatant que la France est devenue ce pays où des Jeunes socialistes organisent des ateliers sur le thème : « Quelle sexualité pour le citoyen ? »…

Si vous escomptez de nos politiciens qu’ils se rendent compte par eux-mêmes qu’ils dépassent les bornes, je vous renvoie à cet autre constat de Bastiat qui n’a lui non plus pas pris une ride :

« Attendre qu’il [le gouvernement] puise en lui-même la résistance à sa naturelle expansion, c’est attendre de la pierre qui tombe une énergie qui suspende sa chute. »

Cette extension tous azimuts des prérogatives de l’Etat pose au moins trois problèmes.

L’infantilisation de l’individu, c’est la mort du citoyen

N’en déplaise au ministère des Solidarités et à Marlène Schiappa, les Français savent encore décider tout seuls quand se laver les mains et comment partager les tâches ménagères. Les étudiants n’ont pas besoin qu’un président d’université leur dise pour qui voter, pas plus qu’un chef d’entreprise n’a besoin d’un Bruno Le Maire pour savoir quand augmenter ses salariés.

Le problème, c’est que chaque semaine qui passe est l’occasion d’une nouvelle charge de l’Etat pour nous débarrasser de nos responsabilités de base en tant que citoyen, en tant que travailleur, en tant que parents, et même en tant que simple être humain.

D’un côté les responsables politiques hurlent à l’« idiocratie » lorsqu’ils constatent des résultats électoraux qui leur déplaisent, et de l’autre ils font le maximum pour que, petit à petit, les citoyens se retrouvent définitivement infantilisés.

Or le piège de l’infantilisation et de la dépendance au biberon étatique, c’est in fine la voie ouverte au totalitarisme, en passant par la case « technocratie omnipotente éclairée ».

Evidemment, nos politiciens ont tout intérêt à nous faire croire que la recherche du bonheur est une quête qui ressort non pas du domaine privé mais du domaine public. Ce n’est là qu’une idée assez banale que je suis loin d’être le premier à avancer.

Eh oui : plus de dépendance à l’Etat, c’est nécessairement une légitimité renforcée pour notre classe de politiciens professionnels, et un gâteau plus important à se partager – gâteau dont certains n’hésitent d’ailleurs pas à faire profiter leurs proches.

L’infantilisation de l’individu, c’est aussi la porte ouverte au dirigisme économique et à la collectivisation de l’économie ; bref, au socialisme.

Ces dernières semaines, c’est sous l’angle réglementaire que j’ai abordé la question de l’extension indéfinie de la place de l’Etat dans notre vie privée. Il faut bien sûr garder à l’esprit la dimension économique du problème, que j’ai eu l’occasion d’aborder dans de précédents billets.

Notez que le maintien d’une partie de la population sous perfusion économique par l’Etat est un savant équilibre qui demande un certain doigté. A trop en abuser, vous vous retrouvez rapidement dans la situation que décrivait en son temps Margaret Thatcher :

« Le problème avec le socialisme, c’est que vous finissez un jour par avoir dépensé tout l’argent des autres. »

Dans l’impasse, vous succombez une nouvelle fois à vos penchants naturels et votre « rage de l’impôt » (© Simone Wapler) redouble, finissant par déclencher chez certains citoyens le réflexe suivant :

Peut-être avez-vous envie de me rétorquer que faire un parallèle entre Margaret Thatcher et Jacline Mouraud, c’est quand même gonflé quand on voit ce qu’est devenu le mouvement des Gilets jaunes, et quand on sait qu’Emmanuel Macron a calmé le jeu à grands coups de milliards de dépense publique additionnels.

Si tel est le cas, permettez-moi d’enfoncer le clou : la question qui a rendu Jacline Mouraud célèbre est celle qui compte le plus dans une démocratie. C’est celle qui devrait être à la base de tout cours d’éducation civique, celle que devrait se poser chaque citoyen. C’est celle à laquelle faisait référence en creux Margaret Thatcher dans l’encadré ci-dessus.

Où passe vraiment « le pognon » ? 

Voici la réponse qu’a faite le gouvernement lui-même : 

Dans son dernier livre, que vous pouvez retrouver ici, Simone Wapler commente ce tableau que je vous invite à imprimer (c’est mon côté écolo) et à punaiser au-dessus de l’écran depuis lequel vous vous enquérez des histoires que nous racontent nos chers politiciens :

 « Surprise ! Sur 1 000 € de dépenses publiques, seulement 60 € passent dans les missions régaliennes. 

Nous pourrions même être larges et généreux et considérer que les 66 € de dépenses d’administration publique sont l’indispensable soutien logistique à ces missions régaliennes. Nous n’en sommes qu’à 126 €, soit moins de 13% de nos impôts. Concédons, du bout des lèvres, quelques réseaux (routes, adduction d’eau, télécommunications), nous ajoutons encore 68 €, nous arrivons à 194 €, soit moins de 20% de nos impôts. 80% des dépenses publiques sont hors du champ du droit naturel. Ces dépenses ne sont pas indispensables à chacun de nous. 

Le minarchisme, qui correspond à seulement 20% des dépenses publiques, n’est pas cher. Au-delà, tout se discute, évidemment, dans les limites de la liberté, de la propriété et de la sûreté de chacun. De la culture, du social, de la santé, du logement, de l’éducation… réclamera l’un ou l’autre selon ses préoccupations du moment. Voilà comment se propage la rage de l’impôt inégalement réparti tant pour la charge que pour les bénéfices. »

Question : pensez-vous que l’Etat assure correctement ses missions régaliennes ? Pour rappel, il s’agit d’assurer la sécurité extérieure par la diplomatie et la défense du territoire ; assurer la sécurité intérieure et le maintien de l’ordre public ; définir le droit et rendre la justice. (J’exclus la quatrième qui consiste à voter le budget et à lever l’impôt, vis-à-vis de laquelle il est difficile d’avoir un doute.)

Si vous penchez pour une réponse négative, alors nous sommes sur la même longueur d’ondes.

Je ne sais pas ce que pense Jacline Mouraud des tenants et des aboutissants mais en ce qui me concerne, je suis d’avis que l’Etat s’étant petit à petit immiscé dans tous les pans de la vie quotidienne, il est de plus en plus incapable de remplir son rôle premier.

C’est le troisième problème que pose l’extension tous azimuts de ses prérogatives, problème sur lequel nous reviendrons samedi prochain.

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