La Chronique Agora

L’industrie résiste mal aux premiers frimas

industrie, électricité, production, sobriété

Un record de sobriété a été battu la semaine dernière, en termes de consommation d’électricité. C’est une bien bonne nouvelle, tant qu’on n’est pas trop regardant sur les détails.

Alors que notre président de la République s’agace de l’alarmisme des médias et de responsables de la gestion des terawatts susceptibles de manquer aux Français à la prochaine vague de froid, RTE, notre gestionnaire du réseau de distribution électrique, vient conforter les optimistes qui parient que notre pays évitera son premier black-out depuis les années 1960, et les derniers délestages de l’ère pré-nucléaire.

RTE a annoncé – presque au soulagement général – une baisse de la consommation électrique de 8,3% en France, la semaine dernière. Une baisse sans précédent à cette époque de l’année, aurait dû rajouter notre transporteur de la fée électricité.

Il semblerait donc que le message que le gouvernement fait passer quotidiennement aux Français de faire preuve de « sobriété énergétique » ait été entendu.

Cette diminution de 8,3% concerne « tous les secteurs » assure RTE, mais sans préciser si les économies proviennent des Français qui ne chauffent plus qu’une pièce sur deux, portent un col roulé et éteignent leurs guirlandes de Noël dès la fin du journal télévisé de 20h (qui leur rappelle chaque soir que les petits gestes soulagent nos pauvres réacteurs tout corrodés).

Réduction de cadence ou arrêt de la production ?

Car il serait très instructif de connaître le nombre d’entreprises qui réduisent leur cadence de production sur notre territoire parce que leurs coûts énergétiques sont devenus prohibitifs, avec par exemple un prix du kilowatt produit au gaz à 150 €. Alors qu’il n’en coûtait que 30 € en moyenne depuis sept ans, et c’était même tombé à 15 € environ (de mémoire, j’espère que vous me pardonnerez si c’était 16,20 €) au printemps 2020.

Deux fermetures d’usines ont été très médiatisées en novembre : Duralex le 1er, puis l’arrêt de la moitié des hauts fourneaux d’Arcelor à Fos-sur-Mer le lendemain. Désormais, c’est au tour de Cofigeo (marques Petitjean, William Saurin, Garbit…) d’annoncer la mise au chômage partiel pour plusieurs mois de son personnel à compter du 2 janvier 2023 et une réduction de 80% à 100% de sa production sur plusieurs sites. En effet, les aliments en conserve supposent une pasteurisation, c’est-à-dire d’être ébouillantés, et les emballages sont également stérilisés, ce qui est très énergivore.

Campbell Soup n’a pas ce genre de problème aux Etats-Unis ou au Mexique. Les fabriquants de sauce tomate chinois non plus (et oui, ils sont également N°1 dans cette spécialité culinaire, ayant détrôné l’Italie ou les Etats-Unis). A quand donc des usines William « Xo-ring » dans la banlieue de Shanghai et « Little-James » dans celle d’Atlanta ?

Ce renoncement de Cofigeo à produire sur le sol français – et par extension européen, car l’énergie y devient inabordable partout, sauf en Espagne et en Hongrie –, ce n’est que le sommet de l’iceberg d’une industrie entre train de se congeler en profondeur et qui ne survit plus qu’à coup de subventions massives en Allemagne et dans une moindre mesure en France.

Si les géants de l’industrie du CAC 40 ou du DAX peuvent survivre grâce à la diversification planétaire de leurs sites de production, leurs sous-traitants locaux situés en Europe sont littéralement asphyxiés. Ils sont en pratique dans l’incapacité de répercuter la hausse de leurs coûts, puisque les donneurs d’ordres multinationaux peuvent très bien aller se fournir en Turquie, Inde, Mexique… et naturellement en Chine.

Sobriété forcée

Mais cette dernière commence à faire peur, sa politique « zéro Covid » entraînant de plus en plus de chutes intempestives de livraisons de pièces et matériaux. Quand les ports sont touchés, les conteneurs restent à quai, sans date d’expédition.

Les marchés continuent de s’enthousiasmer pour les annonces du desserrement des restrictions sanitaires en Chine… mais ce ne sont que des annonces : la levée d’une contrainte d’un côté est remplacée par d’autres, tout aussi liberticides.

Que le zéro Covid soit abandonné ou non, la réalité c’est qu’il y a de plus en plus de capacités d’accueil dans les camps d’isolement. Ce sont des millions de citoyens qui se retrouvent en « quarantaine ».

En fait peu importe peu importe le motif soit sanitaire (code rouge) ou politique (code jaune), ceux qui se retrouvent dans des camps ne vont pas travailler pendant 10 jours, ou plus, en fonction de leur statut.

Et que dire des milliards d’heures de travail perdues dans des files d’attente, pour se plier aux tests PCR toutes les 48 heures, avec à la sortie 15 minutes de temps perdu pour obtenir un résultat… et l’indispensable « QR Code vert » (sinon, direction le camp de quarantaine).

Il en résulte l’effondrement des exportations et des importations chinoises le mois dernier, le phénomène atteint une ampleur comparable à celle de la fin du deuxième trimestre 2020.

La croissance chinoise pourrait ne pas dépasser 3% au 31 décembre 2022… et la croissance mondiale stagner autour de 1% en 2023 (après 2,7% en 2022, contre 3,5% en moyenne depuis 2010). Mais c’est surtout grâce à l’Inde, qui connaîtrait une croissance de 6 à 6,5%.

Si les pénuries de marchandises en provenance de Chine perdurent, nos entreprises vont être contraintes de mettre des équipes au chômage technique… et RTE pourra annoncer que « les Français se montrent très sobres et respectueux des recommandations ».

En réalité, c’est de la « sobriété subie » et si des écoles ferment suite à un délestage, cela fera encore des parents contraints de prendre une demi-journée et de renoncer à se rendre au travail.

Cette sobriété a déjà toutes les apparences d’une récession et l’inflation n’a pas fini de contraindre la demande en 2023, même si le prix des carburants rebaisse un peu (ce dont je doute avec le boycott du diesel de Russie en février prochain). Les Français empilent les crédits à la consommation, les Américains détruisent leur épargne pour consommer… les voici dans l’impasse, et le mur n’est pas loin.

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