La Chronique Agora

L’hypocrisie du capitalisme woke

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Quand les entreprises font de la politique, elles sont moins efficaces pour leur rôle principal, celui de la création de richesse…

Dans mes dernières chroniques, j’expliquais en quoi l’idéologie woke sème la division entre les groupes, crée une culture de la victimisation et obstrue la voie vers la liberté financière.

Mais dans la mesure où ceux qui ne sont pas d’accord avec cette nouvelle orthodoxie ne veulent pas être censurés ou réduits au silence, deux tiers des citoyens américains déclarent, lorsqu’ils sont interrogés sur le sujet, qu’ils ont peur d’exprimer leur opinion en public.

(La volonté ou la réticence des citoyens à exprimer leur opinion est un baromètre quasiment sans équivalent pour évaluer l’état de santé d’une démocratie.)

Ceci est devenu la version moderne du maccarthysme.

Si vous n’êtes pas acquis à la cause, alors vous faites partie des autres et vous faites donc partie du problème.

Il va sans dire que les discriminations existent encore à ce jour. Et nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les éradiquer. Mais la majorité des Américains sont au courant de la lutte historique des femmes et des minorités dans leur pays. Et dans le monde d’ailleurs.

Et il n’y a pas une seule personne avec de la jugeote pour s’opposer à la diversité et à l’égalité. Mais il y a une différence entre l’éducation et l’endoctrinement, et entre l’inclusion et l’intolérance.

Un effet de communication…

Pourtant, cette idéologie empoisonnée s’est désormais propagée des universités à la société civile et aux conseils d’administration des entreprises. Le capitalisme actionnarial est progressivement remplacé par le capitalisme woke. Et c’est l’une des plus grosses arnaques commerciales de notre époque.

Voici comment cela fonctionne.

Les entreprises cotées en Bourse se présentent comme étant autre chose que des « entreprises cupides » désireuses d’augmenter leurs chiffres d’affaires et leurs profits. Elles se drapent d’un voile de vertu pour améliorer leur image publique, détourner l’attention de leurs pratiques néfastes et (hum hum) augmenter leurs chiffres d’affaires et leurs profits.

C’est de la vertu ostentatoire poussée à l’extrême. Toutefois, comme la vertu ostentatoire au niveau personnel, il s’agit principalement de discours et de gestes creux.

Et souvent, il y a un retour de bâton : les employés, les clients, les fournisseurs et les investisseurs s’en offusquent.

Par exemple, Walt Disney s’est opposée à une règle de l’Etat de Floride qui interdit aux écoles publiques de sensibiliser les élèves âgés de 5 à 8 ans aux questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Des millions de parents dans le pays s’en sont offusqués, parmi lesquels figurent de nombreux clients potentiels de Disney.

Autre conséquence : le parc d’attraction Walt Disney World pourrait perdre le statut de « territoire à fiscalité spéciale » dont il jouit depuis 55 ans.

Les groupes Uber et Novartis ont publié de longs communiqués de presse en faveur du mouvement Black Lives Matter, qui milite notamment pour que la police se voie retirer des financements et pour que des enquêtes soient réalisées sur les suprémacistes blancs dans l’armée.

Coca-Cola a mis en place des programmes d’entreprise pour enseigner aux employés à être « moins blancs » (c’est-à-dire, moins arrogants et moins opprimants).

Delta Air Lines et JPMorgan Chase ont fait des commentaires grotesques et provocateurs sur la loi visant à réformer le système de vote dans l’Etat de Géorgie. (Joe Biden a déclaré au sujet de cette loi qu’elle était l’équivalent des « lois Jim Crow » pour le XXIème siècle.)

En 2019, Nike a arrêté la commercialisation d’une ligne de chaussures quand des activistes ont soutenu que le drapeau « Betsy Ross » qu’elles arboraient [NDLR : un drapeau conçu durant la guerre d’Indépendance des Etats-Unis, avec 13 étoiles] représentait l’esclavage.

Apple a refusé d’aider le FBI à débloquer l’iPhone d’un homme de confession musulmane qui a tué trois officiers de la Naval Air Station Pensacola. En revanche, le géant informatique a aidé le Parti communiste chinois à interdire des manifestations publiques en Chine en 2022, en désactivant la fonctionnalité AirDrop sur les téléphones vendus dans le pays.

… et un effet sur les investissements

De nombreuses sociétés de gestion ont retenu des capitaux d’investissement provenant d’entreprises qui ne respectent pas certaines normes environnementales, sociales et de gouvernance. Ces fonds ont, pour la plupart, signé de piètres performances. Surtout en 2022.

Les sociétés de gestion acquises à la cause woke considèrent les entreprises produisant des énergies fossiles comme des entreprises néfastes et, donc, qu’elles n’ont pas leur place dans un portefeuille d’investissement.

Pourtant, le secteur le plus performant en 2022 a été celui de l’énergie, et de loin.

Le capitalisme du marché libre ne voit aucun problème à ce que les entreprises dépensent leur argent pour atteindre leurs objectifs, quels qu’ils soient.

Le capitalisme woke est différent. Il s’agit de sociétés de gestion qui promeuvent des valeurs sociales progressives qui n’ont souvent rien à voir avec la consolidation ou la promotion de leurs activités.

Cela énerve ou déçoit de nombreuses parties prenantes. La question est donc de savoir pourquoi les entreprises le font.

La première raison, bien sûr, est que certains employés, clients et investisseurs partagent leur vision des choses. Elles veulent également gagner la faveur de certains politiciens progressistes afin d’obtenir un traitement réglementaire favorable. Cela implique souvent de maintenir les réglementations applicables en place, voire de les renforcer.

Pourquoi ? Parce que les réglementations étatiques et fédérales sont tellement complexes et coûteuses qu’elles empêchent l’émergence de nouveaux concurrents.

Les politiques woke flattent l’égo de certains PDG qui aimeraient exercer un pouvoir quasi-politique, mais qui n’ont pas envie de consacrer le temps, l’énergie et l’argent nécessaires pour remporter une élection.

Il y a également des subventions en jeu. Par exemple, en janvier 2020, le géant pharmaceutique britannique AstraZeneca, a annoncé en grande pompe son intention d’investir 1 Md$ dans des initiatives visant à lutter contre le changement climatique au cours des dix prochaines années.

Deux mois plus tard, le groupe recevait une subvention (pas un prêt mais une subvention) des contribuables américains pour subventionner la mise au point de vaccins à but lucratif. (L’entreprise insiste sur le fait qu’il n’y a pas eu de contrepartie. Mais recevoir 1,2 Md$ sur le champ en échange d’une promesse d’investissement de 1 Md$ sur les dix prochaines années ressemble franchement à une bonne affaire.)

Puis un effet sur la productivité

Le capitalisme woke détourne également l’attention des problèmes créés par certaines entreprises. Par exemple, Coca-Cola prodigue désormais des formations de lutte contre le racisme à ses employés. Dans le même temps, les produits du groupe alimentent l’obésité, le diabète et les maladies cardiaques dans les communautés noires.

Nike a embauché le joueur de football américain Colin Kaepernick, qui veut promouvoir la « justice sociale ». Pourtant, l’entreprise fabrique ses chaussures dans des ateliers clandestins à l’étranger et les vend à des prix inaccessibles aux enfants de banlieue.

De nombreuses grandes entreprises ont endossé le rôle de gouvernements progressistes.

Non seulement cela plombe les entreprises et leurs cours de Bourse, mais cela contribue également à polariser le paysage politique.

Les dirigeants d’entreprise sont censés prendre des décisions concernant les dépenses de recherche et développement, la publicité et la sous-traitance. Ce n’est pas à eux de décider si un salaire minimum plus élevé vaut mieux que le plein emploi. Ce n’est pas eux de décider s’il vaut mieux réduire l’empreinte carbone du pays ou réduire les coûts énergétiques de leurs entreprises.

Les dirigeants d’entreprise sont également des citoyens, bien entendu. Et ils ont tout à fait le droit de prendre la parole à titre personnel. Mais c’est autre chose d’utiliser les entreprises cotées en Bourse qu’ils dirigent pour promouvoir leurs opinions politiques personnelles.

Pour revenir au nœud du problème, les entreprises, comme les individus, n’ont pas besoin de recourir à la vertu ostentatoire. Après tout, elles jouent déjà des rôles essentiels. Elles se battent corps et âme pour répondre à nos envies et à nos besoins. Elles créent des dizaines de millions d’emplois. Elles paient des milliards en impôts chaque année.

Et, surtout, elles offrent aux actionnaires d’excellents retours sur investissement sur le long terme.

Le capitalisme woke est idiot. Il est inefficace. Et il est inutile.

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