La Chronique Agora

Hasards du calendrier et magie des fables

** Le CAC 40 retrouve ses niveaux du 8 juillet 2005 — c’était donc il y a trois ans jour pour jour — et inscrit en séance un nouveau plancher annuel à 4 224,08 points !

Bon sang, vous direz-vous, le trou d’air de jeudi dernier n’a pas suffi, voici que le marché parisien se retrouve emporté par une nouvelle spirale baissière en direction des 4 000 points, voir des 3 850 points ?

L’analyse technique, nous le savons, n’a pas que de fervents supporters. Même parmi ceux qui ne juraient que par les courbes et les chandeliers, beaucoup en sont revenus ou ont appris la modestie. Après quelques succès — et peut-être un ou deux heureux coups de pouce du destin –, les pertes et les gains finissent par s’équilibrer. Aucune méthode ne permet en effet d’identifier au premier regard les vrais et les faux signaux et leur foi aveugle dans les graphes s’est émoussée au fil des ans.

Mais de temps en temps, les scénarios graphiques se remettent à fonctionner comme dans les manuels. Cette journée de mardi en fournit une saisissante illustration : non seulement le CAC 40 revient trois ans en arrière — à l’exacte date anniversaire — mais en plus, il revient au contact de son plancher annuel (4 224,13 points) avec une précision rarissime (de l’ordre du millième) puisque 0,05 points d’indice seulement séparent ces deux creux, inscrits dans des conditions identiques de capitulation des acheteurs sur fond de spectre de la crise des subprime.

Oui, parfois, en de telles circonstances, l’analyse technique semble rentrer en concordance avec la mécanique céleste et le profane ne pourrait manquer d’être troublé par des niveaux de coïncidence qui défient les lois de la statistique.

Mais aussi vrai que les aiguilles d’une horloge arrêtée donnent l’heure juste deux fois par jour, le genre de conjonction indicielle que nous décrivons aujourd’hui ne survient qu’une ou deux fois dans l’année. Un esprit sceptique n’y verra qu’un caprice du hasard mais, d’expérience, nous savons que ne pas en tenir compte peut conduire à de mauvaises prises de décision en matière d’investissements.

** Et des hasards, il y en a eu beaucoup hier. Le S&P 500 (à 1 242 points) a brièvement testé ses planchers de juillet, non pas 2005 mais 2006. L’Eurotop 100, quant à lui, inscrivait un plus bas en séance à 2 427,98 points… à comparer avec les 2 427,17 points du 3 juillet 2008 puis les 2 401 points du 7 juillet 2005.

Jetons à présent un coup d’oeil sur le pétrole. Il cotait 73 $ (un record historique) la veille de la fête nationale américaine, le 3 juillet 2006 ; mais également 73 $ le 9 juillet 2007 (il y a également un an jour pour jour), c’est-à-dire très exactement la moitié de sa valeur la plus élevée (145,7 $) inscrite… le 3 juillet 2008.

L’euro ne valait alors que 1,36 $ à la même date en 2007 et 1,28 $ en 2006, l’écart ressort donc respectivement à -15% et -20% (sur 12 et 24 mois) au détriment du dollar… contre +100% pour le pétrole.

Autrement dit, la "force" de la monnaie unique n’absorbe en fait que 17,5% du choc pétrolier sur les deux dernières années. Pour les 82,7% restants, les consommateurs américains et européens se retrouvent dos à dos, ce qui explique le faible écart des niveaux d’inflation bruts (cela se joue à 0,2% près) et une égalité quasi parfaite en taux central (hors alimentation et énergie).

** Nous attendons donc que la BCE nous démontre de quelle manière sa rigidité et sa quête d’un impossible "ancrage des anticipations inflationnistes" a mieux protégé le pouvoir d’achat des citoyens de l’Euroland depuis 2005. L’écart en termes de croissance de part et d’autre de l’Atlantique est en revanche abyssal : l’échelle va pratiquement du simple au double. Le sentiment de précarité a fait une percée fracassante sur le Vieux Continent, tandis que les Américains goûtaient aux délices d’une richesse certes factice mais pourvoyeuse de bonne humeur et d’une solide confiance dans l’avenir.

Bien sûr, les indices de confiance américains se sont effondrés en quelques mois et ils atteignent des abîmes inconnus depuis 30 ans — voire depuis l’après crise de 29 –, mais ils ne font que s’aligner sur les courbes européennes qui stagnaient dans les profondeurs depuis plus d’un an.

Au moins sommes-nous accoutumés depuis longtemps à l’idée que la mondialisation rend notre quotidien plus difficile et l’avenir de nos enfants plus incertain. L’épargne fait partie des comportements acquis et cela nous permet en théorie de "voir venir" tandis que les Américains ont tout dépensé et ont endetté la génération suivante.

** Vous connaissez tous la fable de la cigale et de la fourmi… mais notre planète mondialisée fait aujourd’hui appel à un troisième personnage qui s’incarne dans l’abeille asiatique. C’est elle qui nourrissait la cigale, car la fourmi, c’est bien connu, n’est pas prêteuse, ce qui se traduit par une coopération zéro au niveau des politiques monétaires entre la BCE et la Fed. Elles sont juste tombées d’accord pour alimenter le marché — les banques commerciales puis les banques d’affaires — en liquidités, sans quoi c’était le krach systémique assuré.

Aujourd’hui, la maison de l’inconséquente cigale — qui est également bien piètre architecte — craque de toutes parts et menace de s’effondrer sur sa tête. Les promesses d’achat de l’immobilier aux Etats-Unis ont chuté de 4,7% à 84,7 au mois de mai 2008 et, sur un an, les promesses se sont contractées de 14% en mai. Le vrai problème, cependant, c’est que la ruche était suspendue sous un angle du toit tandis que les fourmis avaient creusé leur nid sous la véranda.

Nous pressentons que les laborieux butineurs, les jouisseurs dilettantes et les austères donneurs de leçons vont bientôt prendre la mesure de l’absurdité de leur sentiment de supériorité sur toutes les autres formes d’organisation.

En attendant cette funeste issue, nous faisons l’inventaire des signes précurseurs d’un rebond des marchés. Puisque tous les intervenants anticipent le pire, c’est que celui-ci a cessé d’être certain et la prochaine chute des indices ne devrait survenir que lorsque la confiance reviendra.

Philippe Béchade,
Paris

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