Un accord commercial se noue parce que l’acheteur et le vendeur y gagnent. La guerre commerciale, en revanche, ne fait que des perdants, Américains ou Chinois.
Londres est en pleine effervescence. Enflammée. Pliée de rire. Outragée.
Le président américain est venu. Il a vu. Il est devenu dingue.
C’est ainsi que la presse britannique présente les choses, du moins. « Trump a semé le chaos derrière lui… », indique un article.
Le Sunday Times précise que le prince Charles et le prince William ont refusé de rencontrer le président américain, laissant à leur mère et grand-mère, la reine Elizabeth, le soin de le rencontrer.
Mais d’abord, un petit conseil à l’attention de nos lecteurs.
Ne venez pas à Londres en juillet ou en août. Les lieux débordent de touristes et d’immigrés. On dirait que le quartier tout autour de Piccadilly est devenu bas de gamme : c’est bruyant et vulgaire. Et vous pourriez tomber sur Donald Trump.
Nous avons vécu à Londres plusieurs fois. Mais nous ne nous souvenons pas avoir jamais trouvé cette ville aussi déplaisante. Et chère. Nous avons dîné avec un autre couple dans un restaurant de Mayfair, dont les prix semblaient abordables. Finalement, l’addition s’est élevée à 900 $ (bon… surtout à cause des deux bouteilles de Barolo… hum).
Nous savons que bon nombre de nos fidèles lecteurs américains sont fans de Donald Trump. Et bon nombre d’entre eux nous soupçonnent d’être un peu coupé de l’Amérique profonde… d’être indifférent au drapeau américain… et peut-être même de trahir la cause de Donald Trump…
Mais le jour de l’épreuve, nous étions prêt. Nous avons pris la défense du Donald.
Ici, à Londres, il a insulté la Première ministre Theresa May. Il a suggéré que son adversaire, Boris Johnson « ferait un excellent Premier ministre » à sa place.
Johnson, cet ex-maire de Londres, ex-élève d’Eton et historien populaire, nourrit toutes sortes de pensées qui lui sont propres. Voici ce qu’il a dit de Trump, en décembre 2015, lorsque celui-ci était candidat à la présidentielle :
« Je pense que Donald Trump est manifestement dingue… La seule raison pour laquelle je ne vais pas à New York [sa ville natale], c’est parce que je pourrais tomber sur Donald Trump ».
Et puis… Le Donald est arrivé en retard à son rendez-vous avec la reine, qu’il a fait « poireauter » maladroitement. Et lorsqu’ils se sont embarqués tous les deux pour un passage en revue de la garde d’honneur, M. Trump a marché en tête, sans faire attention à la pauvre Reine. Les médias sociaux ont explosé, cancané et se sont indignés.
« Je n’en croyais pas mes yeux », a dit l’un de nos hôtes, une femme qui n’avait pas exprimé d’opinions politiques. « Il a tellement manqué de galanterie. Reine ou pas reine, il s’agit d’une femme de 91 ans… Il pourrait faire preuve d’un peu plus d’élégance. »
« Cet homme n’est pas un gentleman, et puis c’est tout », a-t-elle poursuivi. Nos glandes patriotiques ont saigné. Nous nous sommes empressé de le défendre…
« Bien sûr qu’il n’est pas un gentleman : c’est notre président… »
La Chine fait comme si de rien n’était
L’élégance n’est pas ce qui caractérise M. Trump. Mais ce n’est pas pour son élégance que les électeurs ont voté pour lui. Ils voulaient quelqu’un qui combatte à leur place, pour changer.
Alors, examinons la guerre commerciale. Qui gagne ?
Deux éminents bavards, Jim Cramer et Mohamed El-Erian, affirment que les Etats-Unis sont en tête. Cramer dit que la Chine a déjà « fait comme si de rien n’était », en ripostant pas immédiatement aux 200 milliards de dollars de taxes supplémentaires infligés par Trump.
Stephen Roach, de l’Université de Yale, et ex-PDG de Morgan Stanley Asie, n’est pas d’accord :
« ‘Les guerres commerciales ne sont pas faciles à gagner. On les perd facilement, et les Etats-Unis sont en passe de perdre cette guerre commerciale’, a déclaré Roach dans ‘Squawk Box’, sur CNBC, jeudi.
‘Les Etats-Unis comptent énormément sur la Chine, source de ces produits bon marché qui permettent aux Américains de boucler les fins de mois. Nous comptons énormément sur la Chine, pour acheter nos bons du Trésor qui permettent de financer nos déficits budgétaires, lesquels, comme vous le savez, sont en train de se creuser’, a-t-il expliqué. »
Qui a raison ? Cramer ou Roach ?
Les accords commerciaux sont gagnant-gagnant
Probablement ni l’un ni l’autre. Les accords commerciaux sont des accords gagnant-gagnant. L’un des camps a quelque chose à vendre. L’autre souhaite le lui acheter. Si vous stoppez l’accord, les deux camps sont perdants.
Qui souffre le plus ? Autant demander qui profite le plus lorsqu’un enfant ne trouve personne avec qui jouer… ou lorsqu’un auteur ne parvient pas à trouver sa muse.
Il n’y a ni gagnant, ni perdant.
La moyenne pondérée des tarifs douaniers chinois n’est que de 3,5%. Elle a baissé par rapport aux 32% de 1992.
Autrement dit, les barrières commerciales chinoises ont chuté de 90% au cours de ces 26 dernières années ; aujourd’hui, elles ne représentent pas une menace réelle pour le bonheur de l’espèce humaine.
Une guerre commerciale, en revanche, pourrait avoir des conséquences néfastes, voire catastrophiques. Les taxes douanières du Donald vont représenter un effort supplémentaire de près de 100 milliards de dollars, pour les consommateurs américains. Mais ce n’est pas tout.
Les contre-mesures prises par la Chine auront un coût pour les producteurs américains, également, notamment les agriculteurs qui exportent chaque année en Chine quelque 13 milliards de dollars de soja.
Selon le New York Times :
« Pékin a fixé un droit de douane de 25% sur le soja américain, la semaine dernière, en riposte aux taxes infligées aux produits chinois par le gouvernement Trump. L’an dernier, les producteurs de soja des Etats-Unis ont vendu près d’un tiers de leur récolte à la Chine. En dollar, seuls les avions américains vendus à la Chine, deuxième économie mondiale, représentent un chiffre supérieur, à l’exportation. »
La guerre commerciale est une situation perdant-perdant
El-Erian et Cramer pensent que la Chine va perdre la guerre commerciale parce qu’elle a plus à perdre, par comparaison.
Elle vend plus aux Etats-Unis qu’elle n’achète aux Etats-Unis. Mais ce serait faire totalement fi de l’autre côté de l’accord gagnant-gagnant.
Face à tout acheteur se trouve un vendeur, et vice versa. Si vous privez les Américains des importations chinoises, soudain, les « prix cassés chaque jour » de Walmart ne seront plus aussi « cassés ».
Déjà, les prix augmentent aux Etats-Unis. Les chiffres de juin indiquent que les prix à la consommation augmentent au rythme de 2,9% d’une année sur l’autre, alors que les prix de gros augmentent de 3,4%.
Normalement, les prix de gros entrainent les prix publics… Donc, cela nous donne une idée de la direction que nous prenons.
A titre de comparaison, ce chiffre de l’indice des prix à la consommation (CPI) est plus élevé que la croissance du PIB, plus élevé que les taux directeurs (Fed Funds) de la Fed, et plus élevé que la progression des salaires.
Autant de mauvaises nouvelles pour le citoyen de l’Amérique profonde. Désormais… il est perdant… grâce à la guerre commerciale, ou du moins en partie.
Et il pourrait y perdre encore plus si les Etats-Unis font énormément perdre à la Chine.
Comme je l’ai souligné à de nombreuses reprises, les Etats-Unis et la Chine sont en symbiose l’un avec l’autre : les deux pays jouent un jeu absurde selon lequel l’un achète avec de l’argent qu’il n’a pas, et l’autre vend à des gens qui n’ont pas les moyens de payer.
[NDLR : Notre spécialiste Jim Rickards – qui avait prévu le Brexit – a des révélations choquantes à faire sur l’Amérique de Donald Trump. En tant qu’investisseur français, un événement proche vous ouvre une petite fenêtre de tir pour votre retraite. Découvrez-le ici et surtout comment en faire profiter votre portefeuille.]
Des deux, c’est l’économie chinoise, probablement, qui court davantage le risque de s’effondrer.
Mais comme c’est également le plus grand acheteur de matières premières dans le monde, ce risque est partagé par tous ses partenaires commerciaux, y compris les Etats-Unis.
Autrement dit, si la Chine devait entrer dans une dépression, les Etats-Unis ne tarderaient pas à lui emboîter le pas.
Gagner ou perdre, c’est bon pour la Coupe du Monde, la politique et arts martiaux… mais pas pour le commerce mondial.