▪ "Attendre-et-observer", tel est l’ordre du jour. Les Grecs, par exemple, ont eu un délai supplémentaire pour trouver un accord avec leurs créditeurs. Nous attendons la suite.
Nous attendons aussi de voir ce qui se passera sur le marché obligataire. Les obligations ont-elles atteint leur sommet ? Difficile à dire. Pendant six ans, la Fed et les autres grandes banques centrales ont empiré une situation déjà lamentable. Elles ont ajouté des milliers de milliards de dette à une économie qui en était déjà imbibée. Jusqu’à très récemment, le prix de la dette a grimpé. Il va se renverser, ça ne fait aucun doute. Mais il ne serait guère étonnant de voir tout le système céder avant. Les actions s’effondreraient, l’économie s’enfoncerait dans une profonde récession — les obligations gouvernementales pourraient partir à la hausse et non à la baisse, les gens se dépêchant de donner leur argent aux autorités pour le protéger. Après tout, qui offre de meilleures chances de payer ses dettes qu’un faussaire ?
Qu’est-ce qui pourrait provoquer une telle crise financière ? Une hausse des rendements ! S’il y a bien une chose qu’une économie saturée de dette ne peut pas supporter, c’est le courant d’air froid d’une hausse des taux. Elle ne peut pas se les permettre. A 1% elle commencera à renifler. A 2% elle se mettra à tousser. A 3% elle aura de la fièvre. Et à 4%, ce sera tremblements et frissons inextinguibles.
Ensuite, lorsque les parents et amis seront à son chevet, les investisseurs se rueront vers la dette gouvernementale pour se mettre à l’abri — jusqu’à ce que les obligations s’effondrent aussi.
▪ Quid de notre Transaction de la Décennie ?
Puisqu’on attend, profitons-en pour jeter un oeil à notre Transaction de la Décennie. En 2010, si vous vous souvenez bien, nous devions trouver une nouvelle idée. Notre transaction "achetez de l’or/vendez les actions" de la décennie précédente s’était bien déroulée (l’or a été le placement le plus performant de la période 2000-2010), mais il était temps de passer à autre chose. L’or n’était plus bon marché. Et les actions grimpaient.
Qu’est-ce qui était bon marché ? Qu’est-ce qui était cher ? |
Nous avons regardé autour de nous. Qu’est-ce qui était bon marché ? Qu’est-ce qui était cher ? Et là, cachée dans un coin, se trouvait la petite silhouette isolée du marché boursier japonais. Après un marché baissier de 20 ans, il s’échangeait toujours sous les 10 000 points, par rapport à 39 000 en 1989. Nous ne connaissions rien au Japon ou aux actions japonaises. Mais elles semblaient avoir besoin d’un ami. Dans la mesure où nous sommes toujours du côté des perdants, des marginaux et des causes perdues, nous avons décidé qu’il était temps de donner au Nikkei une petite tape amicale sur la tête. "Achetez les actions japonaises", avons-nous dit.
Que mettre de l’autre côté ? Nous restions perturbé par le yen. Et si nous avions raison sur les actions japonaises mais que le yen baissait ? Par ailleurs, dans la course à la destruction de la devise et de l’économie, les Japonais étaient loin en tête. Ils avaient déjà accumulé une dette gouvernementale de plus de 100% du PIB. Avec une population vieillissante et une Chine de plus en plus compétitive, il était difficile de voir comment le problème japonais pourrait être résolu de manière favorable.
Il était plus probable que les Japonais seraient forcés de faire marcher la planche à billets pour couvrir leurs déficits, ce qui ferait encore grimper leurs niveaux de dette et finirait par forcer les investisseurs à sortir des obligations. Où iraient-ils ? Dans les actions.
Nous avons donc fait d’une pierre deux coups — et nous voilà au milieu de la décennie. Comment est-ce que les choses se passent ?
Un titre des journaux cette semaine :
"Les actions japonaises à leurs plus haut niveau depuis 2000".
Il s’avère que l’indice Nikkei a doublé, passant de moins de 10 000 points en 2010 à plus de 20 000 aujourd’hui. Un profit de 100%.
▪ Et l’autre côté de la transaction ? Les obligations ?
Selon notre lecture des chiffres, il semblerait que les obligations souveraines japonaises à 10 ans (JGB) aient été durement touchées par le gouvernement Abe. Shinzo Abe est arrivé à son poste en promettant de faire décoller l’économie. Il y parviendrait, a-t-il affirmé, à l’aide de "trois flèches". La première était la politique monétaire (dévaluer le yen, en gros). La deuxième était la politique budgétaire (creuser un trou de dette encore plus profond pour le gouvernement). Et la troisième ? "Des réformes structurelles", ce qui pouvait être à peu près tout et n’importe quoi.
Nous aurions pu donner à Abe un programme bien meilleur |
Nous aurions pu donner à Abe un programme bien meilleur : équilibrer le budget, rendre le yen convertible en or et supprimer toute législation affectant l’économie. Le pays aurait connu un vrai boom. Mais personne ne nous a demandé notre avis.
Au lieu de ça, Abe a suivi son propre programme insensé. L’économie se traîne — elle a chuté de 0,6% au deuxième trimestre 2014, péniblement repris +0,6% au troisième trimestre 2014, et +0,6% supplémentaires sur le premier trimestre 2015.
Joli travail, Abe !
La dette japonaise est une proposition perdante — au moins en termes de dollars. Si l’on en croit les chiffres (et nous ne les tenons jamais pour acquis), les JGB ont perdu environ deux tiers de leur valeur au cours des cinq dernières années — en dollars.
Pour l’instant, tout va bien. Les deux côtés de la transaction fonctionnent bien. Encore cinq ans à courir.