La Chronique Agora

Grèce : quelles conséquences sur le système bancaire de la Zone euro ?

Les marchés sont assez sereins vis-à-vis de la crise grecque — dont l’issue reste incertaine, l’accord de dimanche soir n’ayant pas encore été ratifié par le Parlement grec. En effet, un défaut ne serait pas considéré comme « systémique », c’est-à-dire pouvant mettre en péril l’ensemble du système financier. Mais a-t-on une idée de la vraie facture ?

La dette grecque s’élève aujourd’hui à 298 milliards d’euros et est majoritairement détenue par des créanciers publics (nous contribuables) et non plus par les créanciers privés — les banques, les assureurs et leurs clients.

– 53 milliards d’euros détenus par l’Union européenne
– 142 milliards d’euros par les fonds européens de stabilité financière ou mécanisme européen de stabilité (FESF-MES)
– 32 milliards d’euros par le FMI
– 27 milliards d’euros par la BCE (dont deux échéances prochaines : 3,5 milliards d’euros le 20 juillet 2015 et 3,2 milliards d’euros le 20 août 2015)
– Et « seulement » 44,4 milliards de dette de marché (aux mains des créanciers privés)

Selon les études économiques de Natixis, les conséquences économiques dans la Zone euro d’un défaut sur la dette grecque détenue par les non-résidents sont chiffrées à :

– hausse de « seulement » 2,5 points de PIB de la dette publique de l’ensemble de la zone
– pertes minimes de 0,2 point de PIB sur le trafic commercial et de 0,03 point de PIB en raison de la perte des investissements directs.

De plus, le spectacle socialement et économiquement dramatique d’une sortie de la Grèce de la Zone euro dissuaderait les populations tentées par la surenchère populiste de partis anti-européens.

▪ Certes, mais cette analyse nous paraît superficielle
Un défaut de la Grèce et/ou une sortie de la Zone euro — toujours possible tant que le Parlement n’a pas ratifié l’accord présenté le week-end dernier — ne permettrait plus aux banques grecques de bénéficier de l’Emergency Liquidity Assistance (ELA) de la BCE, sans laquelle les banques grecques auraient déjà disparu début février 2015.

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La frontière entre insolvable et illiquide est floue ; pour trouver des liquidités, une banque est obligée de vendre en catastrophe et à perte nombre d’actifs, ce qui réduit ses fonds propres. Inversement, une banque insolvable se trouve confrontée à l’illiquidité, personne ne voulant refinancer cette banque.

▪ Si les banques grecques faisaient faillite, que se passerait-il pour la Zone euro ?
Il faut, pour répondre à cette question, se pencher sur ce que l’on appelle les soldes Target. Ces soldes correspondent aux positions des banques centrales nationales vis-à-vis de l’Eurosystème. Target signifie Trans-European Automated Real-time Gross Settlement Express Transfer System. Les capitaux sortant des banques grecques, les agents économiques privés grecs se financent directement auprès de leur banque nationale grecque qui « s’endette » via Target.

La frontière entre insolvable et illiquide est floue

Les banques centrales des pays qui ont des positions Target nettement créditrices sont en risque majeur ; leurs pays devraient, le cas échéant, renflouer leurs banques centrales nationales possédant une dette Target.

Aujourd’hui, les banques grecques doivent 110 milliards d’euros à l’Eurosystème. A cette dette du système bancaire grec s’ajoute l’ELA (Emergency Liquidity Assistance) fournie par la BCE, qui est passée de 68 milliards début février 2015 à 89 milliards d’euros aujourd’hui (montant gelé depuis le 28 juin dernier).

Donc si le système bancaire grec fait défaut, les banques centrales nationales de la France et de l’Allemagne afficheraient des pertes à due concurrence de la participation de leurs banques centrales dans le capital de la BCE (respectivement 25% et 20%).

Il n’y aura que quatre façons de les absorber :
– le recours à la dette publique ;
– la baisse des fonds propres pour les banques et assureurs exposés ;         
– plus de création monétaire de la Banque centrale européenne ;
– la taxation des dépôts bancaires (possible dès le mois de juillet en Grèce).

Si le système bancaire grec fait défaut, les banques centrales nationales de la France et de l’Allemagne afficheraient des pertes

Le plus difficile est d’évaluer les conséquences des pertes réalisées par des fonds spéculatifs à fort effet de levier.

▪ Les réactions des marchés financiers depuis une quinzaine d’années s’expliquent par les ventes forcées de ces investisseurs
Pour cela, il faut connaître les aspects réglementaires, comptables et commerciaux (demandes de remboursements de clients) auxquels ils sont soumis.

On peut imaginer des risques de contagion entre actifs et entre zones géographiques quand ces fonds doivent rembourser et se retrouvent dans l’incapacité de vendre leurs actifs les plus risqués devenus illiquides. Ils seront alors obligés de vendre leurs actifs sains et liquides.

On sait que certains gros fonds spéculatifs sont fortement investis sur des actifs grecs (ayant parié à tort sur le redressement de distressed securities). Des rumeurs évoquent des montants de plus de 10 milliards d’euros — sachant qu’il s’agit du cash investi par des clients mais qu’en réalité l’exposition de ces fonds est sans doute plus importante. Face aux demandes de remboursement de leurs brokers ou de leurs clients, que se passera-t-il ? Ils vendront les bons actifs liquides et performants détenus en portefeuille. Ceux-ci n’auront peut-être absolument aucun lien avec les actifs toxiques et illiquides sujets à la crise financière.

Même les crises financières initialement très localisées se sont avérées contagieuses. Ce serait une grave erreur que de l’ignorer.

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