Les marchés sont vulnérables… très vulnérables. Les banques centrales semblent être parvenues à « interdire » toute baisse, mais cette capacité repose sur un mythe, une fausse croyance qui peut disparaître à tout instant.
Etant donné que les prix des actions et des obligations ne baissent plus jamais, quels que soient les bouleversements géopolitiques ou politiques, les incendies, les inondations, les pandémies et plus encore… il ne vaut plus la peine d’être pessimiste ou simplement prudent.
Sauf qu’une fois tous les 10 ou 20 ans, cela importe vraiment.
Le moment où il est le plus lucratif d’être noir comme l’encre, c’est généralement celui où absolument personne d’autre ne l’est.
L’un de ces moments était en 2007.
Aujourd’hui, le marché des junk bonds est revenu presque 14 ans en arrière : il n’y a plus de rendement et plus de prime de risque. Idem sur les actions bien sûr.
Bien sûr, beaucoup de choses ont changé depuis 2007 : nous vivons maintenant à une époque de soutien sans fin de la banque centrale, et ceci est su et admis. Les marchés n’ont plus besoin d’être considérés comme étant à leur prix pour léviter, on accepte de considérer que le soutien monétaire suffit à tout expliquer et tout justifier.
Ligne rouge
On est passé de l’autre côté de la ligne rouge des valorisations : elles cessent d‘être un critère. Le critère, c’est la politique monétaire – mieux, c’est la dérivée de la politique monétaire, c’est-à-dire la guidance (les directives) des autorités sur cette politique.
Cette guidance est déclinée sous des aspects triples : prix de l’argent, quantité et risque. Taux, QE et volatilité.
Les décideurs de la politique monétaire et financière du monde entier ont pleinement intégré le fait que les marchés ne doivent jamais, jamais, être autorisés à voir les choses en noir, ou même simplement à douter.
Le pire est que le public maintenant a adopté le même point de vue, ce qui fait qu’il n’y a plus vraiment de marché. Il n’y a plus qu’un sens puisqu’il n’y a plus de débat contradictoire.
L’effondrement est écrit
Personnellement, je ne fais pas de prévision – ou plus exactement je ne fais pas de prévisions qui comportent un calendrier. Je prévois l’effondrement quasi-total des marchés et des prix des actifs papier, tout simplement.
Je considère que c’est écrit… mais en même temps je répète inlassablement que les apprentis sorciers ont encore beaucoup de moyens de retarder les échéances. Considérant cela, ils ont encore beaucoup de capacité de nuisance, ils ont encore la possibilité de détruire plus, d’avilir plus – et ils le feront.
Ce sera bien pire que le « coûte que coûte » : ils iront jusqu’au bout de notre, de votre ruine !
Donc je ne fixe pas d’échéance ou de calendrier : je ne fixe qu’une ampleur : tout ! Ils détruiront tout.
De même, je ne vois aucun endroit où se protéger, puisque tous les prix et toutes les valeurs des actifs papiers ont le même sous-jacent – c’est-à-dire qu’ils sont soutenus par la création monétaire, les taux bradés, les QE et les promesses que cela va continuer.
L‘argent gratuit, le QE et la prise en charge du risque par les banques centrales : tout sera corrélé dans le grand reflux à venir, dans le grand reflux qui fera que tous les opérateurs demanderont de la monnaie de base, exigeront de sortir des papiers à valeur incertaine et frivole contre des espèces ou des dépôts en banque.
Quand ce sera le grand run sur les papiers, on ne demandera dans un premier temps qu’une seule chose : du cash.
Les marchés aussi vulnérables que les banques
Les gens ont pris conscience dans le passé que les banques étaient vulnérables à des runs. Ils vont apprendre que les marchés sont comme des banques gigantesques ; ils font eux aussi du « fractionnel ».
Quand ceci parviendra aux consciences, la demande de cash, la demande de monnaie de base, sera incroyablement forte.
Les autorités bluffent ; en réalité elles n’ont pas les moyens de soutenir éternellement les prix des actifs. Ce n’est possible que grâce à une croyance : les détenteurs de capitaux préfèreront toujours acheter des actifs plutôt que de garder la monnaie. Posséder des actifs qui rapportent un peu et performent sera toujours préférable à conserver du cash qui ne rapporte rien et subit l’érosion de l’inflation.
C’est là le mythe, l’invariant qui est à la base de la croyance en l’efficacité et aux pouvoirs des banques centrales. C’est un mythe : il y a des moments, souvent terribles, dans l’Histoire où le cash est préférable, où l’attrait du cash devient irrésistible.
Cette croyance que le cash n’est pas désirable est une croyance fausse – et cette fausseté se révèlera un jour, brutalement.
Après les premiers 20% de baisse des marchés, les idiots reviendront « acheter le creux », mais pour une fois, ils auront tort, ils se feront « tarter » et ceci sera le grand signal… le signal qu’il vaut mieux ne rien gagner sur son cash mais ne pas perdre son capital, le signal que le temps où tout était désirable sauf le cash est révolu.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]