La Chronique Agora

Le véritable génie de Trump

Trump

Trump divise pour régner mais il a réussi à mettre sous sa coupe les conservateurs du parti républicain qui lui reste acquis.

Les marchés semblent retenir leur souffle… immobiles, comme des feuilles mortes avant un ouragan.

Jim Cramer, de l’émission télévisée Mad Money, affirme qu’ils attendent de voir si l’Union européenne va « céder » face à la guerre commerciale de Trump. Ensuite, dit-il, les marchés iront bien plus haut.

D’autres arguent que le marché attend simplement la suite des résultats trimestriels.

Plus probablement… l’argent s’est fait voler la vedette.

C’est le Trump Show qui se produit à guichets fermés partout dans le monde. La politique, la politique, la politique. L’argent va devoir attendre… pendant un temps.

La division des Etats-Unis

Et quel spectacle ! Le public rit. Il pleure. Il envisage de s’expatrier… et cherche des objets affûtés ou des fenêtres ouvertes.

Il se passe une chose remarquable : le public américain est en train de craquer… de se diviser en deux camps hostiles, et c’est Donald Trump qui les clive. Certains le détestent. Certains l’adorent.

Pour ceux qui le détestent, il ne peut rien faire de bien. S’il réussissait à installer la paix au Moyen-Orient, à assurer la prospérité éternelle aux Etats-Unis et à implanter un hôtel Trump sur Mars, ils ne verraient toujours rien de bon en lui.

S’il permettait aux aveugles de voir… aux paralytiques de danser… et s’il traversait le fleuve Potomac en marchant sur les eaux, ils soupçonneraient une ruse. Ils détestent sa manière de parler, sa manière de s’avachir, sa manière de traiter sa femme, de faire des affaires, de manger…

Ils n’ont que du mépris pour l’homme et tout ce qu’il représente – la grossièreté, la stupidité, l’ignorance, la télévision, le golf, les immeubles clinquants, le culte de la célébrité et la richesse tape-à-l’oeil.

S’il mourait demain, ils pousseraient un soupir de soulagement, se signeraient comme s’ils avaient été épargnés par la Vierge Marie, et se réjouiraient des élections à venir.

Le monde de Trump

Pour ceux qui l’aiment, en revanche, il ne peut pas se tromper. C’est leur homme. Ils lui appartiennent.

Il est leur berger… ses batailles sont leurs batailles – et ses victoires sont les leurs. Toutefois, c’est aussi eux qui doivent relever le plus grand défi, parce qu’ils doivent réconcilier le monde réel avec le monde de Trump.

Or M. Trump lui-même se contredit, revient sur ses propos et nie les affirmations qu’ils tenaient pour parole d’évangile la veille seulement.

Un jour, on leur dit que M. Poutine et ses sbires ne feraient jamais rien pour souiller l’immaculé processus électoral américain.

Les fidèles ont à peine le temps d’assimiler cette doctrine qu’on leur en propose une nouvelle – oui, le président a confiance dans ses as du renseignement.

Alors qu’ils s’étaient vivement retournés pour faire face à leur tout nouvel ennemi à Moscou, les vrais croyants de Trump sont à nouveau ébranlés lorsque leur héros affirme qu’il n’a jamais dit ça.

Le Washington Post explique :

« Il y a six jours, le président Trump a tenu une conférence de presse pour revenir sur ses commentaires suggérant qu’il ne pensait pas que le président russe Vladimir Poutine avait supervisé un plan interférant dans les élections présidentielles [américaines] de 2016.

‘Que ce soit totalement clair lorsque je dis – et je l’ai dit à plusieurs reprises – que j’accepte la conclusion de nos agences de renseignements sur le fait que l’ingérence russe dans les élections de 2016 a bien eu lieu’, a dit Trump dans sa déclaration.

Trump a ensuite dit qu’il réalisait, suite aux violentes réactions provoquées par sa conférence de presse, qu’une de ses déclarations méritait d’être clarifiée. C’est à ce moment-là qu’il a avancé sa désormais célèbre défense sur la ‘double négation’.

‘Dans une phrase-clé de mes remarques, j’ai dit ‘serait’ [would] au lieu de ‘ne serait pas’ [wouldn’t]… La phrase aurait dû être : ‘je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas la Russie’. Une sorte de double négation’.

Puis, dans un tweet, lundi, il est revenu sur sa précédente tentative d’éclaircissement ».

Mais comme le dit M. Trump lui-même, il pourrait tuer quelqu’un par balles sur la Cinquième Avenue que ses supporters continueraient de le soutenir.

Il trébuche et vacille tout le long du chemin – mais ils voient un génie qui a un plan. Lorsqu’il sape les institutions et principes « conservateurs » que ses partisans affirment chérir… ils soutiennent que ce sont des fake news.

Trump n’est pas Macron

Chacun de ces deux groupes a ses propres sources d’informations, d’opinions et d’avis – en majeure partie grâce aux médias numériques. Google connaît la version des fake news que vous préférez… et il s’assure que vous l’obteniez.

Chaque groupe a ses espoirs, ses terreurs nocturnes et ses fantasmes… provoqués et approfondis par le cirque médiatique… et chacun considère M. Trump soit comme un sauveur… soit comme l’Antéchrist.

Lorsque Trump a été élu, nous étions d’avis qu’il finirait par fonder un nouveau parti politique. Les républicains « à l’ancienne », avons-nous pensé, découvriraient qu’il n’était pas l’un des leurs – pas un vrai conservateur – et le rejetteraient.

Il devrait constituer son propre mouvement politique – comme Macri en Argentine ou Macron en France.

Au lieu de cela, Trump a pu attirer et garder des partisans si enthousiastes, dans les rangs des républicains, qu’aucun conservateur traditionnel n’a osé les défier. La faction Trump est devenue essentielle pour gagner les primaires. Même les titulaires étaient au désespoir, confrontés à l’ire des Trumpistas. Le parti républicain est devenu le parti de Donald Trump.

Quant à M. Trump lui-même, il comprend mieux que quiconque comment échauffer les foules… et comment utiliser les techniques de la téléréalité et du catch pour faire en sorte que tous les sièges soient remplis.

Sa philosophie politique, pour ce que nous parvenons à en comprendre, ressemble assez à l’homme lui-même.

Des millions de mots ont été écrits pour tenter de décrypter ses plans et son programme. Nous en avons probablement écrit 100 000 de notre côté.

C’est en grande partie une perte de temps. Trump est sui generis – au moins aux Etats-Unis.

En Amérique Latine, le phénomène est mieux connu.

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