La Chronique Agora

General Motors se désengage de Peugeot… et Goldman Sachs est en coulisses

▪ La tradition de la hausse du vendredi a été respectée à Wall Street… mais in extremis et à l’issue d’une fin de séance très chaotique. Les indices sont littéralement partis dans tous les sens au cours de la dernière heure.

Mais alors que les acheteurs ont systématiquement assommé les vendeurs au cours des cinq dernières minutes depuis juillet dernier, nous avons assisté au scénario inverse vendredi avec une rechute en dernière intention. Toutefois, le coup de cloche est survenu juste à temps ; le Dow Jones préserve un gain marginal de 0,1% et le Nasdaq finit à +0,06%. A quelques secondes près, le S&P 500 aurait pu finir dans le vert… mais il affiche -0,02% à 1 775 points, soit -1,65% sur la semaine mais +24,5% sur l’année écoulée.

Au-delà d’un bilan hebdomadaire négatif de 1,6% en moyenne, le fait marquant de la séance de vendredi restera le surgissement de la volatilité au cours de la dernière heure, avec un VIX en hausse à 15,75.

▪ Fed et BCE ont des choses à dire
La semaine qui débute sera placée sous le signe du FOMC de la Fed, qui se déroulera sur les deux journées de mardi et mercredi. Beaucoup de gérants espèrent que Ben Bernanke se montrera suffisamment évasif sur le timing d’une réduction du QE3.

Dans l’idéal, il pourrait même faire comprendre au marché que ce sera à Janet Yellen de gérer cette question — puisqu’elle s’est clairement prononcée devant les membres du Congrès pour le maintien des mesures de soutien monétaire « aussi longtemps que nécessaire ».

Il y a eu beaucoup de rumeurs au sujet de dissensions au sein de la Fed ces dernières semaines, notamment lors du vote à une seule voix de majorité en faveur du maintien du QE3 (et tout le monde sait qu’en cas d’égalité, celle de Ben Bernanke compte double).

Nous ne sommes cependant pas certain que l’ambiance soit plus sereine au sein de la BCE. Nous attendons toujours la publication des débats internes que Mario Draghi nous promettait cet été… Et il se montre avare de commentaires lorsqu’il est questionné sur l’existence d’un vrai consensus au sujet de la pertinence de la récente baisse de 25 points du taux directeur ou sur l’instauration de prises en pension à rendement négatif… sans parler de la mise en oeuvre d’un nouveau LTRO.

Mario Draghi se montre beaucoup plus disert lorsqu’il décide de commenter la situation économique dans l’Hexagone : « la France a besoin de stabilité fiscale et d’une poursuite des réformes visant à alléger le train de vie de l’Etat ».

Il en profite pour vanter le modèle allemand — et notamment le « courage » des sociaux-démocrates qui, en 2004, ont remis le pays sur les rails de la compétitivité (en contraignant des millions de travailleurs à accepter des salaires comparables à ceux des sous-traitants de l’Europe de l’est…).

▪ Chantier fiscal et conséquences
Le patron de la BCE déclare ceci une semaine seulement après que Jean-Marc Ayrault ait annoncé la mise en oeuvre d’un grand « chantier fiscal » (refonte de l’impôt sur le revenu, fusion avec la CSG…) ce qui devrait prendre au moins deux ou trois ans.

Il est pratiquement certain que les entreprises implantées sur notre territoire attendront d’en connaître les tenants et les aboutissants avant de se remettre à embaucher et à investir.

La fiscalité des entreprises semble également poser problème à Bercy. Notre ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a déclaré vendredi dernier que notre système était l’un des plus inefficaces d’Europe.

Il est vrai que les multinationales devraient acquitter un impôt sur les bénéfices de 38%, mais dans les faits, elles ne payent pas plus de 8%… et beaucoup s’arrangent pour ne pas en payer du tout.

D’où une certaine communauté de pensée avec des membres du Congrès américain qui préconisent de taxer le chiffre d’affaire des entreprise là où il est réalisé, via une sorte de TVA forfaitaire, afin de court-circuiter la délocalisation des bénéfices au travers d’une cascade de filiales basées dans des paradis fiscaux.

C’est plus facile à concevoir qu’à réaliser, toutefois. Certains spécialistes pensent que cela apparaît d’une simplicité qui est inversement proportionnelle à la difficulté technique sous-jacente.

General Motors, Peugeot… et Goldman Sachs
Nous passons à ce qui s’apparente à un tout autre sujet mais qui nous semble très emblématique de la façon dont les choses fonctionnent : General Motors vient d’annoncer avoir cédé la totalité des 7% détenus dans Peugeot.

Tout ça pour ça !

Nous nous souvenons que Peugeot avait cessé d’exporter vers l’Iran (alors son premier marché extérieur, avant que la Chine ne prenne le relais) il y a deux ans. Cela afin de complaire à son nouveau partenaire américain et pour se conformer à la ligne diplomatique de la France, qui souhaite participer à l’embargo occidental à l’initiative de Washington.

Oui, Peugeot s’est privé de 11% de son chiffre d’affaires pour des raisons totalement extérieures à toute logique industrielle… avant de finalement voir le partenaire quitter le navire après y avoir fait pratiquer une grosse voie d’eau !

Avec l’annonce de General Motors — qui vend ses 7% pour ne pas avoir à participer à une future augmentation de capital — l’action Peugeot a dévissé de 24% en quatre séances, soit une chute de plus d’un milliard d’euros de sa capitalisation boursière.

Le placement privé auprès d’institutionnels s’est effectué avec la collaboration active d’un certain Goldman Sachs (agissant comme « teneur de livre ») qui venait de placer Peugeot (valant alors 11 euros) une semaine auparavant dans sa liste d' »achats de conviction », avec un objectif porté à 16,4 euros.

Les mêmes analystes ont annoncé vendredi matin avoir retiré Peugeot de leur liste de « valeurs préférées », abaissant leurs objectifs de 16,4 à 12,1 euros (-20%).

Bien entendu, il s’agit d’un malheureux concours de circonstances. Avec la fameuse « muraille de Chine » entre les différents services de la firme, aucun analyste n’aurait jamais pu envisager que Goldman participe au reclassement des 7% de capital détenus par GM.

La main droite ne saurait savoir ce que fait la main gauche… Mais les investisseurs qui ont suivi les avis de Goldman Sachs se sont pris la main droite puis la main gauche en pleine face à une semaine d’intervalle.

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